Grippe etc... (titre à la con n'est-ce pas lol)

Shu n'était pas du genre sensible ni sentimental pourtant sentir son invité pleurer dans ses bras et lâcher complètement les vannes d'une douleur qu'il devait garder enfouie depuis des années, toucha profondément le jeune yakuza. Avec maladresse, il continua à lui tapoter le dos avec patience jusqu'à ce qu'il se calme, puis reprit la parole avec autant de douceur que possible :

- Nao... Cette vie de souffrance peut s'arrêter maintenant si tu le veux. Je t'ai proposé tout à l'heure d'habiter ici avec moi, de manger à ta faim trois fois par jour, d'avoir des vêtements neufs qui t'appartiendront... Je ne plaisantais pas. Reste là et redeviens celui que je suppose que tu étais avant la tragédie. Tu n'as qu'un mot à dire et je ne te demande rien en échange de ma protection.

Il s'écarta légèrement de lui pour encrer son regard d'argent dans celui, encore noyé de larmes, de son interlocuteur.

- Cette chambre contiguë à la mienne sera la tienne, tu seras libre d'aller et venir comme tu veux dans la propriété et mes hommes te protégeront eux aussi. Reste avec moi, Nao et arrête de souffrir.

Nao sentait cette douleur qu'il s'efforçait de contenir depuis si longtemps le submerger. Sans la présence de Shu, il ne l'aurait pas supportée et aurait sans doute tout fait pour en finir tant il avait mal. S'accrocher de toutes ses maigres forces à son hôte lui permettait de ne pas sombrer totalement dans les ténèbres. Les paroles de Shu le touchaient bien plus qu'il ne s'y attendait. Et sa proposition d'habiter ici avec lui lui semblait bien trop belle pour être réelle. Dans ce monde, tout se payait, il était bien placé pour le savoir. Alors comment pourrait-il lui accorder tout ça, un toit pour vivre, de la nourriture, de quoi se vêtir, de la protection, une vie digne et sereine… Sans rien lui demander en échange ? Il n'arrivait pas à y croire. Shu pouvait-il vraiment être sincère ? Ou était-ce juste un jeu comme pour Koya ? S'amusait-il à lui redonner espoir pour se délecter à le voir sombrer de nouveau et encore plus profondément ensuite ? Le jeune sdf n'arrivait pas à savoir…

Lorsque Shu s'écarta légèrement de lui, il se noya dans son regard argenté, cette couleur était presque irréelle. Son regard semblait tellement sincère, comme si tout ce qu'il avait dit, il le pensait vraiment… Mais… Rien n'était gratuit dans la vie non ? Comment lui payer en retour pour tout ça ? Avec la seule chose qu'il possédait ? Mais s'il était vraiment sincère, il s'énerverait sans doute s'il savait ce qu'il pensait…

Perdu dans ses pensées, et comme hypnotisé, ses lèvres se posèrent sur celles de Shu alors que ses mains s'accrochaient férocement à lui et que ses yeux se fermaient. Après quelques longues secondes, Nao prit soudain conscience de son geste et s'écarta vivement, honteux.

« Je… Désolé… » Bafouilla-t-il en se détournant, les joues rouges.

Shu attendait avec anxiété la réponse de Nao. C'était la première fois de sa vie qu'il avait autant envie d'aider quelqu'un, lui le yakuza que tout le monde craignait et dont la simple mention du surnom suffisait à faire trembler les plus courageux. Mais soudain, alors que plusieurs minutes venaient de passer et qu'il s'apprêtait à redemander à son interlocuteur ce qu'il pensait de sa proposition, celui-ci se pencha... et l'embrassa. Le contact complètement inattendu fit écarquiller les yeux de Shu et son esprit se vida instantanément. Lui qui avait toujours cru que jamais personne ne voudrait de lui et qu'il était à jamais condamné au célibat, recevait aujourd'hui son tout premier baiser et ça le remplissait de confusion. Une multitude d'émotions se succédèrent en lui : surprise, incrédulité, joie, plaisir aussi... Perdu, ne sachant plus du tout où il en était, le jeune homme fixa son aîné et, toute sa belle assurance envolée, balbutia comme un collégien :

- Tu... Je... C'est... Pou... Pourquoi ?

Il se sentait totalement ridicule, mais en même temps il voulait comprendre et surtout... surtout ce baiser avait été si agréable à ses yeux, qu'il s'était révélé bien trop court. Maintenant il mourrait d'envie que Nao l'embrasse à nouveau, mais comme il ne voulait pas lui laisser penser que c'était le prix à payer pour habiter dans la maison, il ne savait pas quoi faire et se contenta de le fixer avec des étoiles dans les yeux en espérant qu'il comprenne sa requête muette.

Nao ne comprenait absolument pas ce qui lui avait pris d'embrasser ainsi son hôte. Sans doute la couleur si étrange de ses yeux l'avait-elle hypnotisé, ou la grande gentillesse dont il avait fait preuve à son égard lui avait fait perdre le sens commun, ou peut-être était-il juste en grand manque affectif, qu'il avait enfermé au fond de son coeur avec cette douleur insurmontable, ayant débloqué un, l'autre avait ressurgi aussi. Plusieurs explications pouvaient correspondre à son geste, mais aucune ne le satisfaisait pleinement, mais surtout, il avait peur de la réaction de Shu, cet être qui semblait si imposant par son aura, si sûr de lui. Au moins la honte qu'il ressentait à avoir imposé ce geste au plus jeune avait fait cessé ses pleurs, mais maintenant il appréhendait ce qu'il allait se passer.

Quel homme normalement constitué accepterait sans bronché d'être embrassé par un sous-homme comme lui ? Déjà par le fait qu'il soit un homme, beaucoup en seraient rebutés, voire dégoûtés, même sans être ouvertement homophobes, et aussi par le fait qu'il soit SDF, un rebus de la société, de peur que, par sa faute, ils deviennent eux aussi des rebus. Il espérait que Shu n'était pas de ceux-là, mais il s'attendait tout de même à recevoir, si ce n'était pas un coup de poing, au moins une réaction de dégoût et de rejet. Les yeux férocement fermés, la tête détournée, Nao attendait la douleur d'un coup vengeur ou de mots assassins, son corps tremblant d'angoisse. La voix qui s'éleva alors, tremblante, balbutiante, digne d'un collégien en transe. Où était passée cette voix si sûre d'elle, si impressionnante ? Incrédule, Nao le regarda à nouveau, de gros points d'interrogation dans les yeux.

"Je... Je ne sais pas... Pourquoi..." Avoua-t-il gêné.

Il observa alors Shu. Lui qu'il trouvait si impressionnant quelques instants auparavant, et même dangereux par certains aspects, semblait à présent vraiment adorable, presque trop. Son air béat, les étoiles dans ses yeux, c'était lui qui l'avait mis dans cet état avec un simple baiser ? Vraiment ? Comment était-ce possible ? Attendri par sa bouille adorable, un sourire amusé prit place sur les lèvres du danseur et il ne put s'empêcher de tendre la main pour aller caresser sa joue délicatement. Curieux de voir si c'était vraiment à cause de lui qu'il était devenu si kawaii, Nao s'approcha de nouveau pour poser, de façon délibérée cette fois, ses lèvres tendrement sur celles du plus jeune.

A la grande confusion et grande joie de Shu, sa prière muette fut entendue et comprise de Nao et celui-ci l'embrassa de nouveau avec une tendresse à laquelle il ne s'attendait pas étant donné les circonstances. Malgré lui, il se sentit répondre au baiser avec toute son innocence et manqua de peu s'accrocher à la chemise neuve de son invité comme une adolescente. Sa respiration était rapide et il avait l'impression que son sang courait plus vite dans ses veines.

- Nao... murmura-t-il contre ses lèvres, comme une invitation à avoir davantage.

Mais soudain, la voix de son second retentit dans le couloir, agissant comme un électrochoc sur le jeune homme. Il s'écarta légèrement de Nao, toussota et, en détournant un peu la tête, dit d'un ton bourru :

- Bon, j'espère que t'as compris qu'il valait mieux pour toi que tu reste vivre dans cette maison. Je vais pas t'y retenir de force, mais je pense que t'es assez intelligent pour voir où est ton intérêt. Tu devrais te reposer maintenant. T'es encore malade malgré les apparences. Je te redonnerais des médicaments tout à l'heure.

Comme Nao s'y attendait, son baiser semblait avoir pas mal d'effet sur son hôte. Il le sentit même y répondre, bien que maladroitement, ce qui rendait la chose encore plus mignone. Comment un être aussi sûr de lui et fort pouvait-il être si maladroit et balbutiant dans un simple baiser ? Serait-il complêtement novice? Un innocent au coeur tendre dans une carapace d'acier ? En tout cas, il était drôlement mignon ainsi, et un sourire amusé répondit au murmure de son prénom. Il ne semblait pas en avoir eu assez, de simples baisers comme ceux qu'ils avaient échangés. Qu'est-ce que ça allait être lorsqu'un jour il goûterait à des pratiques provoquant des sensations bien plus fortes ? Il ne toucherait plus jamais Terre à ce rythme là.

Des voix se firent alors entendre dans le couloir. Aussitôt, le plus jeune s'écarta, comme si Nao l'avait soudain électrifié. Il le vit essayer de reprendre contenance, redevenir fort et froid, lui parlant d'une voix bourrue, montrer probablement qu'il n'était pas le nounours kawaii qu'il était devenu pendant ces quelques dernières minutes. Mais c'était foutu... Nao avait été impressionné par lui depuis son réveil, il avait senti sa force et sa dangerosité, il avait su qu'il ne ferait pas le poids contre lui, mais ces quelques minutes pendant lesquelles il avait apperçu ce nounours adorable et fleur bleue, il ne pouvait plus en avoir peur.

"Tu oserais utiliser la force contre moi ? Hum... Vraiment ?" Commença-t-il d'une voix amusée, avant de porter une main à son crâne qui recommençait à être douloureux. "Aouch... Ouais je crois que je vais me reposer..." Ajouta-t-il en se recouchant et en fermant les yeux, il se sentait mieux allongé en effet.

Encore bouleversé intérieurement par les deux baisers, Shu ne se sentait pas vraiment au summum de l'assurance et de la confiance en lui lorsque Nao mit en doute le fait qu'il soit capable d'employer la force pour le retenir. Il n'avait pas l'intention de le retenir de force et pensait le lui avoir fait comprendre, mais ou bien il n'avait pas été assez clair quant à ses motivations ou bien la maladie avait tué la faculté de réflexion de son invité.

- Bon... Je reviendrais te voir plus tard. D'ici là, dormir est le mieux que tu aie à faire. Moi j'ai des affaires à régler, dit-il d'une voix plus assurée. Si dans l'intervalle tu as besoin de quelque chose ou que tu te sens plus mal, appelle mon second, il sera dans le couloir, à portée de voix.

Sur ces mots il se dirigea vers la porte, se retourna une dernière fois pour regarder Nao et quitta la pièce. Une fois dans le couloir, il s'adossa à la porte et bascula la tête en arrière en soupirant lourdement, agacé contre lui-même. Ah il était beau le yakuza impitoyable et bagarreur... Mis KO aussi bien psychologiquement que physiquement par un (bon d'accord, deux) simple baiser. Il fallait qu'il se reprenne, sinon il allait finir en guimauve et ça il ne pouvait pas se le permettre.

- Nishida, restez dans le couloir au cas où Nao-kun ait besoin d'aide. Je dois sortir.
- Très bien, jeune maître. Autre chose ?
- Quoi qu'il demande, faites ce qu'il faut pour qu'il l'ait. C'est tout.
- C'est compris.

Shu hocha la tête et quitta les lieux, pressé de mettre de la distance entre lui et ce qu'il ressentait au contact de son invité.

Nao s'était endormi rapidement après le départ de Shu, encore harassé par la fièvre. Son sommeil avait été plutôt agité et peu reposant, lorsqu'il se réveilla quelques heures plus tard, il se sentait encore épuisé. Il serait bien resté encore au lit, mais la soif le tenaillait et la bouteille près du lit était vide. Il en avait également marre d'être alité, même si sa couche était des plus confortables, comme il n'en n'avait pas connu depuis bien longtemps.

Il se leva alors, s'aidant du rebord des meubles pour rester debout au début. Il hésita ensuite, par où devait-il aller ? Selon ses souvenirs des dires de Shu, la porte qui lui faisait face donnait dans sa chambre. L'autre devait donc donner sur le couloir, s'il passait par là, il trouverait peut-être une cuisine où il pourrait se désaltérer. Il se dirigea donc vers la porte, essayant de ne pas vaciller sur ses jambes, et l'entrouvrit doucement, essayant de se faire discret.

« Vous désirez Monsieur ? »

Cette voix soudaine fit sursauter Nao qui manqua de se retrouver les fesses par terre. La main sur son cœur, qu'il essayait de calmer de cette soudaine frayeur, il regarda cette personne qui l'observait. Il ne pensait plus du tout que Shu lui avait indiqué la présence de cet homme. Il semblait bien plus vieux que Shu, et Nao en avait un peu peur, aussi il hésita à formuler sa demande, peut-être que cet homme allait le rembarrer ?

« Ano... Je… J'ai un peu soif et je… J'aimerais juste… me balader un peu, je… Etre toujours dans cette chambre, c'est… » Nao hésitait de plus en plus au fur et à mesure que sa phrase avançait, finissant presque en bafouillant, s'attendant à un refus net.

« La cuisine est par ici, vous y trouverez de quoi boire, et vous avez peut-être faim aussi... Suivez moi… »

Nao acquiesça doucement et le suivit en silence, trop impressionné pour oser demander d'autres choses. Sur le chemin, ils croisèrent plusieurs personnes, essentiellement en petits groupes. En apercevant Nao, ils avaient généralement une expression mauvaise sur le visage et ils semblaient vouloir le houspiller, lui l'intrus qui avaient osé s'introduire chez eux, mais la vue du second de Shu à ses côtés leur clouait le bec aussi sec. Ils s'inclinaient alors devant eux, dans une sorte de soumission presque totale, attitude très étrange selon Nao. Ils arrivèrent à la cuisine où Nao se vit proposer diverses boissons, chaudes et froides, il accepta un verre d'eau et un thé, accompagné d'une légère collation.

L’ambiance qui régnait dans la maison, l'allure et l'attitude des personnes qui y habitaient, la décoration également, tout semblait étrange au jeune sdf. Il osa alors demander, timidement, au second.

« Ano… Excusez-moi… Est-ce que je pourrais vous demander… Quel est cet endroit exactement ? Tout a l'air si… étrange… »

« Il vaudrait mieux que vous demandiez au Jeune Maître lorsqu'il rentrera. Voulez-vous faire autre chose ? »

« Euh… Je ne sais pas… Non pas vraiment… »

Jeune Maître ? Quelle étrange façon de l'appeler. Nao sentait la fatigue et la confusion s'installer dans son crâne dans une féroce bataille.

Pour être totalement franc, la sortie de Shu n'avait été qu'un simple prétexte pour fausser compagnie un moment à son beaucoup trop séduisant invité. Jamais, de toute sa vie il ne s'était senti aussi troublé, aussi fébrile et aussi... prodigieusement guimauve. C'était totalement ridicule pour un yakuza et honnêtement il se faisait honte d'avoir réagi comme ça. Surtout pour un petit baiser de rien du tout. Qu'est ce que ça pouvait faire que ce soit son premier et que Nao embrasse divinement bien ? Ca n'avait pas le moindre intérêt ni la moindre importance, il fallait qu'il se calme. Le self-contrôle, c'était ça la clé. Il avait toujours été très calme alors il n'avait aucune raison que ça change.
Sa décision prise, il rebroussa chemin et pénétra de nouveau dans la propriété de sa famille. Accueilli par ses subordonnés, il se dirigea vers la bibliothèque pour y prendre un roman qu'il avait acheté récemment. C'est là que son cadet le rejoignit pour lui rendre compte de ce qui s'était produit en son absence. Shu hocha la tête et entra sa chambre avec l'intention de faire un somme, mais son regard se posa sur la porte de communication et il se demanda si son patient se sentait mieux. Vaguement inquiet, il entrouvrit ladite porte et passa la tête mais la chambre était plongée dans une semi obscurité et il n'aperçut rien. Il se décida donc à entrer dans la pièce.

- Nao-kun ? Tu dors ? demanda-t-il. Est ce que tout va bien ?

Ne recevant pas de réponse, il s'approcha du lit... pour constater l'absence de son occupant. Ce qui signifiait que son invité se promenait encore dans la propriété. Il décida de partir à sa recherche dans les couloirs, interrogeant ses subordonnés et finit par tomber sur son patient dans la cuisine.

- Tu avais un creux ? demanda-t-il à son invité d'un ton amusé. J'espère que tu as trouvé des choses à ton goût dans le frigo.

Tout en parlant, il faisait son possible pour ne pas croiser son regard, certain que ce serait ce qui le perdrait définitivement.

Dans la cuisine, Nao buvait son thé en observant ce qui l'entourait. Tout lui paraissait si étrange, voire effrayant. L'ambiance de cette maison, l’allure des hommes qui y vivaient, leurs airs dangereux, le jeune homme se sentait vraiment mal à l'aise avec eux. Et il se disait qu’heureusement que celui qui l'accompagnait était là, sinon il était sûr qu'ils l'auraient agressé pour s'être introduit dans cette demeure. À plusieurs reprises, la porte de la cuisine claqua et des hommes entraient, un regard mauvais se posant sur cet étranger qui osait manger chez eux. Ils semblaient prêts à le frapper, mais ils se ravisaient dans les secondes qui suivaient, en apercevant le second de Shu et sortaient de la pièce sans dire un mot. A chaque fois, Nao frissonnait de peur, où était-il tombé ? Que se passait-il ?

La porte claqua une nouvelle fois et Nao sursauta fortement, manquant de renverser son thé. Etait-ce encore un de ces hommes au regard mauvais ? Il n'osa pas se retourner pour vérifier. La voix amusée de Shu le fit de nouveau sursauter et rougir de honte d'avoir eu si peur.

« Bon retour Jeune Maître. Il a choisi du thé et des petits gâteaux, quelque chose de plus consistant serait sans doute mieux pour lui. » Indiqua le second de Shu, faisant rougir un peu plus Nao.

« Mais je n’ai pas vraiment faim… » Baragouina Nao pour cacher son embarras, lui qui était si habitué à ne pas manger assez.

Il releva tout de même les yeux vers Shu, plongeant son regard dans le sien, lui souhaitant avec un petit sourire un bon retour dans la maison.

« Okaeri Shu… » C'était bien ce qu'il fallait faire lorsque quelqu'un revenait non ?

La façon dont son invité lui souhaita la bienvenue dans sa propre maison désarçonna complètement Shu autant que le brusque emploi de son diminutif. L'espace d'une seconde, le jeune homme l'imagina dans le costume impeccable d'un majordome, puis se donna une gifle mentale. Un majordome ? Qu'est ce que c'était que ces idées ridicules ?! N'importe quoi.

- Il faut que tu te force à manger des choses plus consistantes, Nao-kun, lui dit-il sévèrement sans toutefois oser le regarder. C'est comme ça que tu guériras plus rapidement. C'est déjà bien que tu te sois levé et que tu te sois promené dans la maison ça prouve que ta fièvre est tombée. (il se tourna vers son second) La promenade s'est bien passé, Nishida ?
- Oui jeune maître. Monsieur Nao a un peu visité la propriété mais vous m'aviez demandé de lui procurer de quoi manger, c'est donc ce que j'ai fais.
- Merci Nishida. Nao tu veux encore manger quelque chose ou bien retourner t'allonger ?

Il venait de terminer sa phrase et leva les yeux sur lui pour avoir la réponse à sa question. Grand mal lui en prit, car son cœur repartit dans une course folle et il se sentit de nouveau totalement chamboulé sans comprendre pourquoi.

Assis à la table de la cuisine, Nao fit une bouille de petit garçon boudeur se faisant gronder alors qu'il avait été sage. Shu ne semblait pas content qu'il ne mange pas plus, mais il n'y arrivait pas, son estomac avait déjà du mal, alors manger plus… Il avait raison, sa fièvre semblait avoir bien descendu, même s'il se sentait encore faible. Et puis il se sentait mal à l'aise dans cette maison qu'il trouvait étrange, enfin c'était surtout les gens habitant ici qui étaient étranges, voire effrayants. De tous ceux qu'il avait croisés, il n'y avait bien que Shu et son second qui ne l'avaient pas effrayés, sans doute parce qu'ils s'étaient montrés prévenants avec lui. Et Shu… était adorable, surtout lorsqu'il rougissait.

« Je n'ai plus faim… » Il avait déjà eu du mal à manger le peu qu'il avait pris, alors plus… D'ailleurs, il ne voulait pas le forcer à manger ? « Je… Je devrais peut-être retourner m'allonger oui… »

Nao remarqua que Shu semblait de nouveau déstabilisé. Serait-ce juste le fait de le voir ? Il trouvait ça adorable encore. Il lui fit un sourire amusé et tendit la main pour effleurer sa joue.

Le jeune homme tenta de se reprendre, le regard dérobé à celui qui le perturbait tant et fit signe à son second qu'il se chargeait du reste. Il précéda donc Nao jusqu'à sa chambre et l'aida à se recoucher. Bien qu'il ne l'ait pas regardé une seule fois pendant tout le processus, Shu était beaucoup trop conscient à son goût de la présence de son invité. Son cœur battait toujours aussi vite et il avait l'impression qu'il cherchait à quitter sa poitrine alors que des papillons voltigeaient dans son estomac. Il comprit qu'il devrait le regarder au moment où il s'emparait du verre d'eau et de la plaquette de médicaments posés sur la table de chevet et déglutit péniblement avant d'oser se tourner vers lui. Il sentit de nouveau ses joues le cuire et se maudit pour ça, mais se força à lui donner ses médicaments. Le problème étant que pour se faire, il devait regarder ses lèvres... et qu'il mourrait d'envie de les sentir sur les siennes encore une fois. Allait-il oser faire le premier pas ? Posant très lentement le tout sur le meuble, il resta immobile quelques secondes, le cœur de nouveau emballé, puis perdit totalement son contrôle et, avec l'inexpérience d'un enfant, posa ses lèvres sur celles qui le tentaient tant, avant de tenter d'en obtenir davantage en appuyant le contact. Il se sentait si bien, si léger, comme si c'était sa place de toute éternité, comme s'il était destiné à lui. Et brusquement, alors qu'il l'embrassait, il comprit. Il comprit le sens de ses réactions : il était tombé amoureux de son invité. Totalement et désespérément. Lui le yakuza qui avait toujours été persuadé que jamais il ne trouverait personne, avait succombé en l'espace de quarante-huit heures. Et il sentait que ce serait à jamais.
Levant des yeux pleins d'adoration sur son vis à vis, il balbutia :

- Nao, je... je...

Mais les mots fatidiques ne purent pas franchir ses lèvres. A quoi ressemblerait-il s'il se déclarait au bout de deux minuscules journées ? S'éloignant brusquement de lui, Shu très embarrassé détourna la tête alors qu'une atroce sensation de vide et de froid s'emparait de lui.

Nao se sentait en effet encore fatigué, sa petite balade avait sans doute épuisé les faibles forces qu'il avait pu récupérer. Aussi, il se laissa raccompagner par Shu jusque sa chambre, sa démarche étant de plus en plus vacillante. Lorsqu’il s'allongea de nouveau dans le lit, le danseur laissa échapper un soupir d'aise, sentant enfin ses vertiges s'apaiser, profitant du moelleux de l'oreiller. Shu l'aida à prendre des médicaments, la fraicheur de l'eau lui fit vraiment du bien et un nouveau soupire lui échappa. À présent, il sentait qu'il avait vraiment besoin de se reposer. Les yeux fermés, il se laissait couler dans le moelleux et la douceur confortable de cette couche luxueuse dans laquelle il était installé.

Une douce sensation se posa alors sur ses lèvres, le faisant légèrement sursauter. Entrouvrant les yeux, il comprit que c'était son hôte qui l'embrassait, mais d’une façon tellement innocente et maladroite que c'en était adorable. Un sourire fleurit sur ses lèvres en sentant le plus jeune insister dans le baiser, comme s'il voulait encore plus. Pour répondre à ses attentes, Nao intensifia tendrement le baiser, jusqu'à ce que Shu s'écarte. Le voyant totalement troublé, il s'en amusa et se sentait étrangement flatté, c'était agréable de se sentir désiré. Et sa manière de bafouiller était très mignonne également.

« Nani Shu ? Tu quoi ? »

Il n'aurait sans doute pas la réponse à cette question, son hôte s'étant brusquement éloigné de lui. Que lui arrivait-il ? Nao ne comprenait pas sa réaction, et son état ne lui permettait pas de réfléchir d'avantage. Il se rallongea en soupirant avant de se rasseoir dans le lit pour passer ses bras autours de la taille de Shu. Il le tira vers lui en se rallongeant. Il se réinstalla sur l'oreiller, serrant le plus jeune dans ses bras, un peu comme une peluche.

« Hum… Reste un peu là… »

Sentir Nao répondre à son baiser et l'intensifier remplit d'allégresse le cœur d'adolescent amoureux de Shu, qui répondit de son mieux. Il avait presque l'impression que son invité ressentait la même chose que lui, même s'il savait parfaitement se bercer d'illusions. Mais cet état d'euphorie fut stoppé net lorsque son invité lui demanda de terminer sa phrase.

- Rien du tout, grogna le jeune yakuza qui était toujours mal à l'aise à l'idée de montrer ses sentiments et/ou d'avoir l'air faible. Tu devrais...

Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase, car sans que rien ne le laisse présager, Nao l'enlaça et l'attira tout contre lui en s'allongeant de nouveau. Le geste lui coupa presque le souffle bien qu'il fut très doux et son cœur s'emballa tellement qu'il était certain que le plus âgé pouvait l'entendre. Le sentir si près de lui, plus qu'il ne l'avait été jusqu'ici. Son souffle s'était fait court et il avait soudain si chaud qu'il lui semblait que la température de la pièce avait augmenté de dix degrés au moins. Mais il savait que c'était simplement son sang bouillonnant dans ses veines qui créait cette impression. Si la situation s'était produite avant qu'il ne connaisse Nao, il aurait brutalement repoussé son "agresseur" et l'aurait traité de tous les noms. Il l'aurait même très probablement frappé. Mais... comment aurait-il pu se montrer violent avec celui qu'il aimait ? Comment aurait-il pu mal lui parler, le repousser ? C'était impossible, il l'aimait déjà bien trop. Alors il se laissa simplement faire, savourant un contact qu'il ne devait qu'à la maladie de son invité et qui ne se reproduirait donc certainement pas. Pour la première fois de sa vie, il remercia sa petite taille qui lui permettait de se serrer confortablement contre le corps chaud de son patient et il ferma les yeux.

- D'accord... Je ne bouge pas. Dors un peu...

Nao avait pensé que Shu se débattrait au moins un peu pour échapper à sa légère étreinte, mais il se laissa faire sans broncher. Sans doute parce qu'il n'osait pas frapper un malade ? A moins qu'il n’apprécie cette initiative, Nao entendait d'ailleurs son cœur battre à tout rompre. Cette observation le fit sourire et il serra un peu plus le corps chaud de son hôte contre lui. Finalement c'était agréable d'avoir quelqu'un près de lui, la solitude dans laquelle il vivait depuis si longtemps semblait peu à s'éloigner. Les paroles de son hôte lui revinrent alors à l'esprit. Pouvait-il vraiment réellement croire en sa proposition de vivre avec lui dans cette maison ? Ou se jouait-il de lui ? Ses réactions semblaient vraiment trop ingénues pour être jouées, sauf s'il était vraiment un acteur super doué. Sa tête lui fit mal, il n'était pas temps de réfléchir â tout ça.

« Merci Shu… »

Nao ferma les yeux et laissa échapper un soupir d'aise avant de se caller plus confortablement contre son doudou improvisé.

La chaleur du corps de Nao contre le sien était si apaisante, si réconfortante, que Shu aurait facilement pu s'y laisser couler et s'endormir... mais il ne pouvait pas. Déjà parce que son cœur continuait à battre comme un tambour dans sa poitrine (après tout, son aîné était le tout premier homme qu'il touchait de façon si appuyée, si intime... et la première personne autorisée à le faire de toute façon) et que son sang pulsait dans ses veines avec tellement de force qu'il aurait pu jaillir... mais surtout parce qu'il voulait profiter pleinement de ces quelques moments. Il fallait juste que personne ne rentre dans la pièce sans crier gare, ou sa réputation de dur à cuire au cœur de pierre volerait en éclats. Et à partir de là, adieu la réputation, même auprès de ses hommes. A la limite, il serait peut-être moins gêné si l'intrus était Asahi, car il ne le considérait après tout comme son petit frère.
Il ferma les yeux et passa les bras autour de la taille de son coussin improvisé. Quelques instants plus tard, glissant dans le sommeil sans le vouloir, il laissa échapper dans un murmure ce qu'il avait consciemment juré de taire :

- Je t'aime, Nao...

Nao se sentait bien, dans ce lit confortable, sous cette couette bien chaude, et avec cette peluche douce et adorable entre ses bras pour casser cette solitude qui lui pesait tant. Ça faisait tellement longtemps qu'il était seul qu'il avait oublié que la présence de quelqu'un pouvait être si apaisante et agréable. Le vide dans son cœur se combler un peu et des sensations oubliées semblaient reprendre vie. Pouvait-il vraiment avoir encore un peu d'espoir dans cette vie ? Pouvait-il croire les paroles de Shu ? Pourrait-il vraiment retrouver un jour une vie loin de la rue et de la misère ? Etait-il sincère ou un très bon acteur ? Nao espérait vraiment qu’il ne jouait pas avec lui.

Que… What ? Qu'avait dit Shu ? Il avait dû rêver. Pourquoi dirait-il un truc pareil. Sa fièvre devait lui faire imaginer des trucs.

« Shu ? » L'appela-t-il doucement. « Qu'est-ce que tu as dit ? » Mais Shu ne semblait plus réagir, il devait dormir. « J'ai dû imaginer… »

Un grand bâillement lui échappa et il calla un peu mieux son doudou contre lui avant de s'endormir pour la première fois depuis longtemps, sans avoir peur.

Quelques heures plus tard, Shu se réveilla complètement dans les vapes. Il ne se souvenait pas s'être allongé où que ce soit mais le décor ne ressemblait pas à celui de sa chambre, pourtant il se sentait bien, au chaud et en sécurité, ce qui était bizarre car c'était plutôt lui qui sécurisait les autres en règle générale. Levant un peu la tête, il se rendit compte qu'il était à moitié allongé SUR quelqu'un. Ses yeux faisant enfin l'autofocus, il aperçut un magnifique visage dont les yeux étaient pour le moment fermés. Nao... C'était contre lui qu'il était serré, dans ses bras. Un sourire endormi tout à fait adorable fleurit sur ses lèvres. Il ne voulait pas bouger, il se sentait vraiment trop bien. Comme si c'était sa place, comme si ça l'avait toujours été. Sortant un de ses bras de sous la couette moelleuse, il posa la main sur le front de son coussin vivant et hocha la tête : il était frais, ce qui induisait que sa fièvre était totalement tombée. Il ne restait désormais plus à Nao qu'à reprendre des forces et aussi les muscles qui avait du fondre pendant sa vie d'errance. Et pour ça, il devait commencer par manger correctement. Se glissant à regret hors du lit, il quitta la pièce et alla trouver le cuisinier du domaine, à qui il commanda un repas reconstituant à base de soupe, de viande et de riz.
Lorsque le chef en personne lui apporta le plateau, le jeune homme le remercia et posa sa charge sur la table de nuit, avant de se demander comment il allait s'y prendre pour réveiller. Sa brusquerie habituelle lui dictait de secouer le dormeur sans ménagement, mais ses sentiments pour lui lui indiquaient de lui caresser doucement la joue. Ne pouvant se résoudre ni à l'un, ni à l'autre (fierté de yakuza), il décida de secouer doucement son bras en l'appelant par son prénom. Voyant Nao ouvrir les yeux, un nouveau sourire fleurit sur les lèvres du plus jeune, qu'il se hâta de faire disparaître.

- Je t'ai apporté de quoi manger maintenant que tu es guéri, dit-il de son ton le plus bougon (encore une fois, fierté oblige). Tu dois reprendre des forces.

Nao se sentait flotter sur un nuage doux et chaud, émergeant d'un doux rêve, même s'il ne se le rappelait pas, une douce sensation persistait en lui. Il n'avait pas si bien dormi depuis si longtemps, dans un lit si confortable, bien au chaud, si apaisé, avec une sensation de présence chaleureuse tout près de lui. Une voix et une sensation sur son bras le tirèrent du sommeil. Ses yeux mirent quelques secondes à s'habituer à la lumière, alors qu'il avait encore sommeil. Il reconnut alors Shu à côté de lui, c'était lui qui l'avait appelé. Il lui sembla apercevoir un adorable sourire sur ses lèvres l'espace d'un instant, avant qu'il ne reprenne son sérieux… Adorable…

S'étirant comme un chat, Nao se sentait encore fatigué, il aurait bien continué à dormir, d'ailleurs c'est ce qu'il comptait faire et avec son doudou. Il se releva alors dans le lit, passa ses bras autours de la taille de Shu, et le tira vers lui pour l'allonger près de lui…

« Encore un peu dodo… Trop tôt… » baragouina-t-il d'une voix endormie.

Le jeune yakuza sourit de l'air endormi de son compagnon et ne protesta pas lorsqu'il l'enlaça de nouveau pour le faire s'allonger de nouveau contre lui. Il lui servait très clairement de doudou, mais peu lui importait en fait du moment qu'il restait près de lui, du moment que son Nao ne le quittait pas. De nouveau, un sourire que Nao ne vit pas fleurit sur ses lèvres et il reprit son sérieux.

- Ouais... bon ok. Mais je vais pas faire doudou tout le temps hein... grogna-t-il alors que c'était au contraire ce qu'il souhaitait du plus profond de son cœur. C'est bien parce que tu es pas encore tout à fait remis.

Il attendit que son compagnon de lit se soit rendormi pour s'autoriser de nouveau à le dévorer du regard. Qu'il était beau son Nao... et qu'il l'aimait...

Un bruit soudain lui fit lever les yeux vers la porte et Shu eut la surprise plutôt désagréable de voir son second sur le pas de la porte. Second qui, malgré son impassibilité habituelle, avait pour le moment les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte d'un poisson hors de l'eau.

- N... Nishida, balbutia-t-il, complètement décontenancé. Qu'est ce que vous...
- Je venais vous avertir que votre père vous demande.
- Heu... d'accord je... Nishida, ce n'est pas du tout ce que vous croyez.
- Je n'ai rien à croire, jeune maître. Ce que vous faites de votre vie privée vous concerne.
- Mais je...
- Je vais avertir votre père que vous arrivez dans un moment. Prenez votre temps pour... Prenez votre temps.

L'homme sortit alors de la pièce dans un sentiment mitigé. D'un côté il était heureux que son jeune maître découvre l'amour (car pour lui il n'y avait pas à s'y tromper étant donné son regard et son expression lorsqu'il était entré), mais de l'autre, il était ennuyé que l'objet de cet amour soit un parfait inconnu ramassé dans la rue. Il ne pouvait pas laisser les choses en l'état, il fallait qu'il sache si ce Nao était celui qu'il fallait pour Shurinosuke. Il n'avait pas le temps de mener l'enquête à son sujet lui-même, mais il connaissait quelqu'un qui se chargerait à la perfection de cette mission. Sortant son portable, il composa un numéro qui ne lui avait encore jamais servi.

- Konami-san, Nishida Toma du clan Shibasaki à l'appareil.... J'aurais une enquête très importante à vous confier si vous voulez bien... Je ne peux pas en parler au téléphone, retrouvez-moi dans le jardin de la propriété dans une heure, je vous expliquerais tout... Oui c'est ça. A tout à l'heure.

L'homme raccrocha et hocha la tête. Konami Kanon, cette étudiante en journalisme qui était la petite amie d'un de leurs hommes était réputée très bonne enquêtrice. Si quelqu'un pouvait découvrir l'identité et l'histoire de l'élu du cœur du jeune maître, c'était bien elle.

Yavait pas à dire, c'était quand même agréable de s'endormir et de se réveiller avec quelqu'un, de sentir sa chaleur, pour quelqu'un qui, comme Nao, n'avait connu que la solitude et le froid depuis si longtemps. Alors c'était complètement irréfléchi, voire instinctif, lorsqu'il l'attira une nouvelle fois contre lui avec un soupire d'aise. Il s'amusa de la réponse de Shu, un grognement bourru qui se voulait mécontent, genre ça l'embêtait de jouer le rôle de doudou, mais Nao sentait le cœur du jeune maître de la maison battre à tout rompre contre son torse et il le sentait fébrile contre lui. Vraiment adorable ce doudou.

Après un dernier bâillement, le jeune danseur s'assoupit de nouveau, plongeant dans la douceur du sommeil agréable. Il était beaucoup plus facile de s'habituer à ce genre de sommeil en sécurité, au chaud, dans un lit douillet, avec un doudou agréable, que le sommeil qu'il pouvait avoir dans la rue, dans le froid, la misère, sur le sol dur, à la merci du moindre danger. Alors il récupérait plusieurs mois de sommeil en retard.

Des voix le réveillèrent peu de temps après, il émergea après le départ de la deuxième voix. Les yeux encore remplis de sommeil, il resserra inconsciemment son étreinte autours de son doudou. Une vojx ensommeillée se fit alors entendre.

« Ohayou Shu… »

La voix de Nao qui s'éleva brusquement, fit sursauter Shu, qui s'était à moitié assoupi. Ouvrant lentement les yeux, il découvrit son compagnon de lit encore tout ensommeillé, qui le regardait avec un petit sourire et son coeur fit une embardée.

- O... Oha... yo... balbutia-t-il. Tu... Tu as bien... dormi ?

Le jeune homme se redressa comme il put car son aîné le tenait toujours serré contre lui. Il posa une main sur le front de son compagnon et l'autre sur le sien pour comparer.

- Au moins tu es guéri. Tu... as réfléchi à ma proposition d'habiter ici ? Je ne veux pas que tu retourne dans la rue. Je ne supporterais pas qu'il puisse t'arriver quelque chose. Parce que je... je... (il hésita mais il fallait que ça sorte) Parce que je t'aime. Je suis tombé amoureux de toi, Nao... C'est la première fois de ma vie que... que... j'éprouve ça... et je... je...

Encore endormi, Nao essayait difficilement de garder les yeux ouverts. Le lit et son doudou étaient bien trop confortables pour qu'il n'en profite pas encore un peu. Depuis si longtemps il n'avait pas eu droit à un environnement si propice au sommeil qu'il se laissait de nouveau emporter vers la quiétude. La voix de Shu se fit entendre, en réponse à sa propre salutation, mais pour Nao elle ressemblait plus à une douce berceuse. Il grogna une réponse peu intelligible, indiquant qu'il avait bien dormi et resserra une nouvelle fois son bras autours de son doudou.

La voix du doudou résonna une nouvelle fois près de lui. Nao essaya de comprendre ce qu'il lui disait, ça semblait important. De ce qu'il comprit, Shu lui demandait une nouvelle fois s'il voulait vivre ici, avec lui. Pour le danseur, cette idée était de plus en plus plaisante. Avoir un toit sur la tête, de quoi manger à sa faim tous les jours, avoir un lit si confortable et pouvoir dormir sans crainte, ne plus vivre dans la rue, c'était terriblement tentant. Mais pourquoi Shu ferait une proposition pareille à un inconnu ? Là suite des paroles de Shu, Nao les entendit, mais son cerveau ne semblait pas vouloir les imprimer et il répondit d'abord par un sourire endormi. Puis les paroles commencèrent à trouver un sens et il ouvrit les yeux, soudainement réveillé. Qu'avait-il dit ? Qu'il l'ai… Hein ?

« Tu… Quoi ? Mais tu… Tu ne me connais pas… Je ne suis… pas quelqu'un de… d'intéressant tu sais… Je n'ai rien… Je ne suis rien… » Shu devait sûrement se tromper. Pourquoi pensait-il être tomber amoureux de lui ? A cause du baiser et de son innocence ? « C'est… à cause du baiser ? Ton… Ton premier ? C'est peut-être pour ça que… que tu penses que c'est… de l'amour ? » Ca devait être ça… Sûrement…

En se déclarant comme ça, aussi brusquement et dès le réveil de son compagnon, Shu se doutait qu'il paraîtrait bizarre aux yeux de son Nao, mais il n'aurait jamais pensé entendre ce qui sortit de sa bouche. Il... ne croyait pas en ses sentiments ? Il pensait qu'il se trompait, juste parce qu'il était jeune et inexpérimenté ? C'était aussi vexant que blessant, mais il ne pouvait même pas lui en tenir rigueur, il l'aimait bien trop pour ça.

- Je sais que je suis sans expérience... mais je sais ce que je ressens, répondit-il, peut-être un peu plus sèchement qu'il l'aurait souhaité, avant de reprendre bien plus doucement. Je sais que je t'aime. J'en suis sûr. J'ai toujours envie d'être avec toi, de veiller sur toi, j'ai le cœur qui s'emballe quand je te vois et j'ai l'impression qu'il va exploser quand tu m'embrasse... Je t'aime Nao, j'en suis certain. Et je refuse de t'entendre dire que tu n'es pas intéressant ou je ne sais quoi du même genre. Tu as une mauvaise opinion de toi-même et tu ne t'aime pas, c'est pour ça que tu n'arrive pas à croire en mes sentiments. Mais ils sont bien réels.

Le plus jeune s'empara de la main de son aîné et la posa sur son torse au niveau de son cœur.

- Tu sens comme il bat vite ? C'est parce que je suis avec toi. Il bat toujours comme ça quand... quand... Je t'aime, Nao, de tout mon cœur. Je sais que tu ne ressens rien pour moi parce que ça fait trop peu de temps qu'on se connait... mais... mais je...

Il ne put terminer sa phrase car sa voix toujours si assuré venait de se briser dans un sanglot. Oui, lui, Shibasaki Shurinosuke qui était craint et respecté par tous, pleurait comme un enfant parce que les émotions qu'il ressentait étaient trop nombreuses et qu'il n'était pas habitué.