Grippe etc... (titre à la con n'est-ce pas lol)

Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis que Nao s’était enfui de chez Koya et son frère, mais il était encore perturbé par cette rencontre. Lui qui ne faisait plus confiance à personne depuis si longtemps et s’isolait des gens normaux, il s’était confié à lui, s’était rapproché de lui, s’était laissé berner par sa gentillesse apparente, l’avait laissé lui redonner espoir, un espoir vain. Depuis, il avait encore plus de mal que d’habitude à se laisser approcher et s’isolait encore plus. Il n’avait pas repris son poste cd chez les jumeaux, il ne pouvait donc plus danser dans la rue, mais même s’il l’avait, il n’était pas sûr d’arriver à s’y remettre pour l’instant. Sentir ces regards sur lui, attirant d’autres êtres comme Koya voulant juste jouer avec lui… Il ne voulait plus.

L’argent que lui avait donné le frère de Koya lui avait permis de dormir ces derniers jours dans un petit hôtel, délabré certes, mais au moins il avait eu un toit sur la tête. Il essayait d’économiser au maximum pour faire durer cet argent le plus possible, mais il diminuait trop vite à son goût, même s’il limitait sa nourriture. Ne pouvant plus danser, il n’avait même plus de rentrée d’argent, faire la manche ne rapportait vraiment presque rien. La vie lui semblait encore plus difficile, s’il était possible, qu’avant cette rencontre.

Il ne se sentait pas bien ces derniers temps, il avait vraiment froid, avec des courbatures, il se sentait faible, plus que d’habitude, mais il devait quand même essayer de trouver un peu d’argent. Alors il était dans la rue, quémandant quelques pièces aux passants, essayant de ne pas leur tousser dessus, resserrant son manteau usé autours de lui, mais personne ne s’arrêtait. Avec quelques pièces, il avait pu s’acheter un petit truc à manger, trop peu pour calmer sa faim, mais il devait économiser, et puis il se sentait trop mal pour manger.

Assis sur un banc, il avait dégusté son maigre repas, frissonnant de froid. Se forçant à retourner faire la manche, il se leva du banc, mais un violent vertige le fit trébucher et il s’affala sur le sol, n’arrivant plus à se relever. Le souffle court, la fièvre tenace, il luttait pour ne pas s’évanouir.

Sortir... Ca devenait une obsession pour Shu qui était enfermé depuis des jours avec son père qui tentait de lui inculquer la façon dont il devrait s'y prendre pour diriger le clan lorsqu'il le lui laisserait d'ici quelques mois. Le problème était que son héritier n'était pas du tout attentif parce qu'il était contre ces méthodes archaïques qui consistaient à imposer sa loi par la force et à faire régner la terreur sur leur territoire... voire pire. Lui était partisan de la négociation et de toutes autres méthodes douces alors forcémment chaque leçon se passait en oppositions de fortes volontés et terminait invariablement en un violent clash qui mettait les nerfs du jeune homme à rude épreuve. Au plus fort de ces altercations, il n'était d'ailleurs pas loin de souhaiter que son père meure le plus vite possible puisque même une fois que lui-même serait devenu le nouveau boss, son paternel continuerais à faire de l'ingerance dans les affaires du clan (quand on était boss d'un clan, on le restait mentalement jusqu'à la mort).
Une fois de plus, il sortit en claquant la porte et jeta un regard mauvais au second de son père qui attendait dans le couloir. La première chose qu'il ferait en tant que nouveau boss serait de virer tous les partisans de son père, trop dévoués à sa cause pour épouser la sienne.

- Où allez-vous jeune maître ? lui demanda son propre second lorsqu'il le vit se diriger vers la porte de la demeure.
- Prendre l'air ! Seul !

Il fallait qu'il se calme et il n'y avait qu'une chose qui avait ce pouvoir : lire. Or il n'avait plus rien d'intéressant à dévorer donc une virée à la librairie s'imposait. Peu importait le sujet des livres qu'il choisirait, il lisait de toute facon tout ce qui lui tombait sous la main même si ça semblait ennuyeux, trop pointu ou autre.
Rabattant sur sa tête la capuche de son vêtement pour ne pas être trop repérable, il enfonça ses mains dans ses poches et prit le chemin de ladite librairie.
Une fois là, l'argent étant très loin d'être un problème vu la puissance et la richesse du clan, il entassa un bon nombre de volumes dans son panier sans même regarder les titres ou les sujets, puis passa en caisse où il paya sans sourciller l'exorbitante somme demandée et, pour le fun, fit du charme à la vendeuse qui s'évanouit presque d'émotion. Il se rendit ensuite dans le parc tout proche pour commencer sa lecture. Deux heures plus tard, tout à fait calmé, il décida de rentrer, mais ne tarda pas à apercevoir un homme étendu sur le sol non loin de lui. Doutant qu'il soit là pour son plaisir, le jeune homme se précipita vers lui.

- Monsieur, ça va ?! lui demanda-t-il, persuadé que non. Vous êtes blessé ?!

N'obtenant pas de réponse, le jeune yakuza retourna l'homme manifestement inconscient et constata qu'il était jeune. Environ son âge, supposa-t-il. S'accroupissant, il toucha le front et lui trouva une forte fièvre. Par ailleurs il n'avait pas l'air blessé mais rien ne lui permettait d'en être sûr et la conscience de Shu lui interdisait de laisser comme ça une personne dans le besoin. Ne sachant pas quoi faire d'autre, il prit la seule décision qui s'imposait à ses yeux : il fit passer les bras du malade sur ses épaules et le hissa sur son dos, l'y maintenant de son mieux avec ses propres bras. Son fardeau était moins lourd qu'il ne s'y attendait et lui-même était, malgré sa petite taille, musclé par des années de bagarres et d'entraînements, i n'aurait donc pas de mal à l'emmener jusque chez lui pour essayer de le soigner.
Avançant à pas rapides, il réequilibrait régulièrement sa charge afin de ne pas risquer de le faire tomber.
A son arrivée, son second se précipita et s'immobilisa en voyant que son jeune maître n'était pas seul.

- Jeune maître, qui est cet homme ? lui demanda-t-il.
- J'en sais rien et peu importe. Il est malade et a besoin d'aide.
- Dois-je comprendre que vous avez décidé de le soigner vous-même ?
- Exactement. Ouvre la chambre contiguë à la mienne. Celle qui à la porte de communication. Il faut que je l'allonge.
- Très bien.

Quelques minutes plus tard, le malade était allongé sur le matelas moelleux et couvert d'une épaisse couette. Bon il fallait maintenant qu'il trouve comment faire baisser sa température. Justement il avait pris sans le savoir un livre de médecine dans lequel il espérait trouver les renseignements nécessaires. Il tourna donc les pages jusqu'à tomber dessus et donna ses ordres pour qu'on aille lui chercher ce dont il avait besoin pour y parvenir : une bassine d'eau froide et un linge, une bouteille d'eau fraîche, un ventilateur...
Armé de tout ce matériel, Shu rouvrit la couette et demanda à son second de maintenir le malade pendant qu'il lui retirait le t-shirt trop grand dont il était habillé. Il trempa ensuite le linge dans la bassine, l'essora et le passa doucement sur le visage, le buste et les bras du malade, avant de s'efforcer de le faire boire. Il s'acharna longtemps, laissant même passer l'heure du dîner, au point que l'un de ses hommes du lui apporter un plateau. Ce ne fut que vers le milieu de la nuit que, la fatigue ayant raison de lui, il s'assoupit, assis près du lit, la tête reposant sur ses bras sur la couette.

Le sommeil du jeune sdf était loin d'être serein. La fièvre le tenaillait et rendait son corps fébrile. Sa respiration était lourde et difficile, sa transpiration abondante, et pourtant il tremblait de froid sous la couette. Grâce aux soins de son médecin personnel, bien qu'il ne s'en rende pas compte, son état semblait s'améliorer un peu, il tremblait moins, bien que sa fièvre était encore trop élevée. Plusieurs heures durant, son corps lutta contre cette fièvre, le faisant gémir dans son sommeil, lutter contre des ennemis invisibles et la couette qui le recouvrait.

Ses yeux finirent par s'ouvrir difficilement, la faible lumière ambiante lui déclencha une douleur fulgurante. Après quelques autres essais infructueux, il parvint à entrouvrir les yeux et à essayer de reconnaître l'endroit où il se trouvait et ce qu'il se passait. La fièvre aidant, son cerveau semblait pédaler dans la semoule et réfléchir semblait être une épreuve insurmontable. Pourtant il comprit tout de même qu'il était dans un endroit inconnu, bien plus richement décoré que tout ce qu'il avait pu voir depuis bien longtemps. Et puis le lit dans lequel il était allongé semblait bien trop confortable pour l'hôtel miteux dans lequel il logeait dernièrement, si confortable d'ailleurs qu'il avait du mal à rester éveillé. Mais il lutta pour ne pas sombrer de nouveau, la peur aidant, il combattait la fièvre pour se sortir de ce traquenard où il se trouvait. On l'avait enlevé ? Pourquoi ? Où était-il ?

S'asseyant difficilement sur le lit, sa tête se mit à lui tourner, mais il remarqua une forme posée sur le rebord du lit. Parvenant avec du mal à faire le point, il comprit que c'était un jeune homme aux cheveux gris endormi. Qui était-il ? Sursautant de surprise et de peur, Nao voulu s'éloigner de lui, quitter cet endroit inconnu, il devait retrouver ses habitudes difficiles mais rassurantes. Il voulu se lever du lit et remarqua alors qu'il était à moitié nu. Pourquoi ? Effrayé il sortit du lit rapidement, trop rapidement même, et s'affala sur le sol dans un grand fracas, la respiration courte. Sa fièvre avait raison de ses forces et l'empêchait de rester debout. Il tenta tout de même de ramper pour s'enfuir mais n'alla pas loin, trop épuisé pour continuer.

Un brusque mouvement près de lui tira Shu du sommeil. Perdu, il regarda autour de lui pour voir d'où venait le geste et ouvrit grand les yeux en se rendant compte que son protégé était tombé du lit il ne savait comment et que, pour une raison qui lui échappait, il tentait de sortir de la pièce en rampant. Interloqué, le jeune homme se gratta le crâne en le regardant faire. Intrigué, il se leva et se campa près de lui en croisant les bras sur sa poitrine, les yeux rivés sur la silhouette au sol.

- Ca va ? Tranquille ? Il est confortable le sol ? fit-il avec ironie après quelques secondes. Tu peux m'expliquer ce que tu fous, mec ?! T'as choppé la crève et tu tiens même pas debout, tu pense vraiment être en état de sortir ou je sais pas quoi ?! T'es con comme une malle ma parole !

Un claquement de langue agacé lui échappa, il leva les yeux au ciel et, sans laisser à son invité le temps de répondre quoi que ce soit, le porta de nouveau à moitié pour le remettre sur le lit et remit la couette sur lui.

- Ta fièvre était presque tombée... Si après le mal que j'ai eu à te soigner, tu l'a refais monter avec tes conneries, je te bute, tu pige abruti ?! Putain t'as du bol de pas être l'un de mes hommes, parce qu'avec une connerie pareille, je t'aurais déjà pété la gueule...

Le jeune yakuza qui était monté en pression en quelques instants, ferma les yeux en se tenant l'arrête du nez entre le pouce et l'index pour essayer de se calmer.

- Ok tu sais quoi mec ? Tu m'as soûlé. Tout ce que t'as gagné, c'est de devoir rester dans ce pieu jusqu'à ta guérison complète.

Sur ces mots, il ouvrit la porte et appela l'un de ses hommes en lui ordonnant de garder la porte jusqu'à nouvel ordre.

- J'espère que c'est bien clair dans ta tête, mec, dit-il. Bon, sur ce, je vais aller me coucher un peu. J'espère te trouver plus raisonnable dans quelques heures.

Allongé sur le sol, Nao essayait d'avancer, sans vraiment y arriver tant il était faible. Les raisons de son geste lui échappaient, alors que quelques secondes plus tôt , il savait bien que c'était la peur qui le faisait fuir. Le fièvre le faisait délirer et il n'arrivait plus à être clair dans ses idées. La voix qui retentit alors au dessus de lui le fit sursauter violemment. Il essaya de se retourner pour voir qui il était, mais ce mouvement lui provoqua un violent mal de crâne et un geignement de douleur lui échappa. Il essaya de comprendre les paroles de l'autre personne, pour tenter d'y répondre, mais l'autre ne lui en laissa pas le temps et il se retrouva, sans savoir comment, de nouveau dans le lit, sous la couette.

De nouveau un flot de paroles lui parvint, sur un ton plus énervé. Il comprit quelques mots dans ces phrases. Fièvre, soigner, connerie, je te bute, abruti. Alors si son cerveau le laissait comprendre un minimum… Il devait avoir de la fièvre (ça il l'avait remarqué), l'autre l'avait sans doute soigné (mais pourquoi ?), il avait dû faire une connerie (mais laquelle ?), l'autre voulait le buter (mais pourquoi le soigner alors ?), l'abruti devait sans doute être lui… Le reste de la phrase lui sembla obscure, il ne la comprit pas.

« Gomen… » Ce fut le seul mot qu'il put exprimer dans un souffle douloureux.

L'autre l'engueula encore, lui intimant de rester dans ce lit jusqu'à sa guérison. Pourquoi ? Pourquoi un homme comme lui prenait soin d’un sous-homme tel que lui en était un ? Voulait-il le rétablir pour mieux jouer avec lui ? Ou… Pour le vendre à un pervers ? Nao le vit aller vers la porte, pensant qu'il allait sortir, mais il sembla juste appeler quelqu'un pour… Garder sa porte ? L'empêcher de sortir ? Il était prisonnier ?

« Pourquoi… ? » Sa voix s'était faite un peu plus forte, bien qu'incertaine. « Attendez… hummm… » Voulant interpeller son interlocuteur, Nao s'était relevé brusquement et la tête lui avait tourné. Les mains serrées autours de son crâne pour atténuer la douleur il reprit. « Où on est ? Qui… Qui êtes-vous ? »

Au moment où Shu s'apprêtait à ouvrir la porte de communication entre les deux chambres, la voix aussi faible qu'hésitante de son invité involontaire se fit entendre et il se retourna. Bon... s'il était assez lucide pour se poser ce genre de question, c'était qu'il était moins mal en point qu'il pensait.

- Je suis Shibasaki Shurinosuke et tu es dans la demeure de mon clan, répondit-il sans le quitter du regard, en revenant vers lui. Je t'ai trouvé dans la rue, inconscient et brûlant de fièvre alors je t'ai ramené ici sur mon dos et t'ai soigné toute la journée et une partie de la nuit.

Un bâillement sonore lui échappa et il s'étira dans tous les sens.

- Tu devras dormir maintenant, mec. Quand on est malade c'est le mieux à faire. On parlera du reste plus tard. Maintenant je suis claqué, alors sois sympa, me complique pas la tâche en essayant de te barrer avant d'être guéri. De toute façon j'ai fais garder ta porte. T'es pas prisonnier, mais vu que t'as l'air de vouloir te sauver je sais pas pourquoi et que j'ai pas envie que t'aie un accident ou je sais pas quoi en sortant alors que t'es même pas en état de te tenir debout, c'est le seul moyen. Quand tu seras guéri, on avisera quoi faire.

Sur ces mots, il retourna à la porte de communication, l'ouvrit et la referma derrière lui es espérant que son patient récalcitrant serait un peu raisonnable.

Nao entendit en partie la réponse de l'autre homme, bien qu'il ne comprenne pas forcément tout. Il lui indiqua son nom, un nom qui ne lui disait rien. Nao voulu lui répondre et se présenter, mais il était trop épuisé pour ça. Ils étaient dans la demeure d'un clan… Hein ? Que voulait-il dire par là ? Pff trop fatigué pour y réfléchir. Il s'était donc évanoui dans la rue, il se disait bien qu'il se sentait bizarre ces derniers temps. Et… l'autre l'avait soigné ? Il n'entendit pas la suite des paroles de l'autre homme, il avait sombré dans un sommeil troublé par la fièvre.

Le souffle court, le corps bouillant, la gorge desséchée, la tête douloureuse, les membres courbaturés, Nao se sentait vraiment mal lorsqu'il ouvrit les yeux. Incapable de savoir l'heure qu'il pouvait être, ni où il se trouvait, la panique qu'il ressentait augmentait son malaise. La soif le tenaillait et son ventre grognait avec force, mais il était trop faible pour essayer de trouver de quoi se sustenter. D'ailleurs ne sachant pas où il se trouvait, comment pourrait-il en trouver ? Il essaya tout de même se lever mais s'écroula à côté du lit, assis par terre, les bras appuyés sur le matelas.

La porte de communication entre les deux chambres se rouvrit quelques heures après sa fermeture et Shu entra de nouveau dans la pièce, reposé, frais, dispo... et bien en forme.

- A propos, mec, j'ai oublié de te d... commença-t-il avant de s'interrompre, stupéfait en voyant son "patient" de nouveau à terre. Mais c'est pas possible, qu'est ce que tu fous ?! Qu'est ce que t'as pas compris dans "t'es malade et j'ai commencé à te soigner" ?! Si tu lis entre les lignes, ça veut dire que t'es en état de que dalle, hein !

Un claquement de langue agacé lui échappa et il se dirigea vers le jeune homme, avant de l'aider à se remettre au lit. Bon sang, jamais il n'aurait pensé qu'aider quelqu'un qui n'a conscience de rien du tout était si compliqué.

- Tu voulais aller où ou faire quoi ? Qu'est ce qui peut être assez important pour que tu veuilles absolument te lever ? demanda-t-il ensuite plus calmement. Dire que je revenais te préciser que j'allais te faire apporter un plateau repas... T'es pas possible... (il s'apprêtait à repartir dans sa chambre pour enfin se reposer, quand quelque chose lui traversa l'esprit) T'aurais pas eu envie d'aller aux toilettes ou un truc du genre par hasard ?

Affalé au pied du lit, Nao se sentait encore vraiment trop faible, incapable de se relever. Réfléchir était aussi bien trop difficile pour le moment. S'était-il rendormi ? Combien de temps avait-il passé assis par terre ? Il était incapable de le dire. Il sursauta juste en entendant une voix agacée s'adresser à lui et en sentant des bras le relever pour le remettre au lit.

« Soif… » Lâcha-t-il dans un souffle fiévreux. « De l'eau… Onegai… » Ses quelques mots dans sa gorge desséchée le firent tousser.

Sa toux se calma mais sa tête lui tournait encore. Après quelques secondes les yeux fermés en attendant de faire passer son vertige, il les rouvrit et tenta de faire le point sur l'autre jeune homme, avec bien des difficultés.

« Gomen… » Que pouvait-il dire d'autre ? Apparemment il avait énervé l'autre homme, sans trop savoir pourquoi. « Oui… J'aurais besoin… Les toilettes… » Avoua-t-il rouge de honte de ne pouvoir même pas se rendre seul pour ce genre de besoins. Il était tombé bien bas…

Surpris, Shu entendit la voix faible de son patient réclamer de l'eau et il alla lui en chercher un verre de la bouteille fraiche qu'il avait toujours dans sa propre chambre au cas où. Le jeune homme revint ensuite près de lui et posa le verre sur la table de nuit, avant de s'assoir sur le lit et de l'aider à se redresser. Il appuya le dos du malade contre son torse et reprit le verre pour l'approcher de ses lèvres.

- Bois doucement, lui recommanda-t-il d'un ton grognon destiné à cacher son inquiétude vis à vis du malade. L'eau est très froide, elle te ferait plus de mal que de bien si tu la buvais trop vite. Ensuite je t'aiderais à marcher jusqu'à la salle de bain. Nishida ! appella-t-il ensuite fortement pour que sa voix porte jusque dans le couloir.

L'interpellé, un homme d'une cinquantaine d'années qui l'avait vu grandir et presque élevé, entra dans la pièce au moment où son jeune maître reposait le verre vide.

- Vous désirez quelque chose, jeune maître ? demanda-t-il respectueusement.
- Oui. Demande à la cuisine de préparer un plateau. Que des trucs légers qu'il pourra facilement digérer. Des plats lourds le rendraient malade et dans son état ce n'est pas recommandé.
- Très bien, jeune maître. Y a-t-il autre chose ?
- Oui. Fais installer un futon ici.
- He ?
- Je vais rester près de lui pour être là s'il a besoin d'aide. Sa voix est tellement faible que s'il appelle, je n'entendrais rien depuis ma chambre.
- A vos ordres.

L'homme quitta la pièce et le jeune homme fit passer le bras droit de son patient par dessus ses épaules alors qu'il plaçait le sien autour de sa taille. Une fois encore, la légèreté de son invité pourtant bien plus grand que lui, le surprit. Et la finesse de sa taille aussi. Depuis quand ce garçon n'avait-il pas mangé à sa faim ? Et eu des vêtements à sa taille aussi (car il était evident que ce qu'il portait ne l'était pas, c'était bien trop court) ? Shu se sentit soudain coupable de tout posséder alors que, manifestement, son patient ne possédait rien.

- Allez inconnu-san, direction la salle de bain, ensuite tu vas manger, prendre les médicaments que tu pouvais pas prendre cette nuit et dormir. Et ensuite je pourrais peut-être apprendre ton nom.

Grâce à son hôte, Nao put enfin étancher sa soif. Heureusement qu'il l'aidait, sans doute n'aurait-il pas eu assez de forces pour tenir son verre. Même si la fièvre l'empêchait de réfléchir vraiment, il ne se rappelait pas de quelqu'un qui aurait pris soin de lui comme ça lorsqu'il était malade. Cette attention lui réchauffait le cœur. L'eau froide lui procurait une sensation vraiment agréable dans la gorge, et la chaleur dans son dos aussi.

« Merci… » Au moins l'eau avait apaisé sa toux, sa voix semblait un peu moins faible.

Fermant les yeux pour profiter encore un moment de ce bienfait que lui avait apporté l'eau, et étant encore sonné par la fièvre, il entendit vaguement la conversation qui se déroula près de lui. Il les rouvrit quand son hôte le releva pour aller dans la salle de bain. Une fois debout, il sentit la tête le tourner violemment, et heureusement que son hôte le tenait sinon il se serait une nouvelle fois écroulé.

« Nao… Mon nom… c'est… Nao… »

Oui… Il n'était que Nao… Son ancien lui n'existait plus, c'était aussi bien comme ça.

- Hum... Alors c'est Nao, hein... Et bah Nao-kun, t'as eu du bol que je tombe sur toi dans la rue. Je te l'ai déjà dis, mais moi c'est Shurinosuke. Mais tu peux m'appeler juste Shu, ce sera plus facile dans ton état.

Sur ces mots, il l'emmena à la salle de bain même si c'était très gênant et détourna pudiquement la tête lorsque son invité fit ce qu'il avait à faire, avant de le ramener jusqu'au lit. Il retourna ensuite à la salle de bain pour prendre des anti-douleurs et un nouveau verre d'eau. Posant le tout sur la table de nuit, il reprit place derrière lui et entreprit de lui faire avaler les médicaments, avec l'eau qui achèverait de le désaltérer en plus de l'aider à avaler les cachets.
Son second entra alors avec le plateau qu'il avait demandé et le lui donna après s'être respectueusement incliné.

- Merci, dit Shu. Oh Nishida, tu pourrais trouver des vêtements à sa taille ? Je sais pas d'où il sort ceux-là mais ils sont clairement trop courts. Il sera plus à l'aise avec des vêtements faits pour lui.
- Très bien, jeune maître, je m'en occupe personnellement.
- Merci Nishida.
- Asahi apportera le futon tout à l'heure.
- Parfait.

L'homme sortit et Shu reporta son attention sur son patient dont il cala le dos avec une masse d'oreillers pour qu'il puisse se tenir assis sans son aide.

- Allez Nao-kun, il faut manger pour reprendre des forces, sinon la grippe va gagner.

Sur ces mots, il entreprit de lui faire manger le petit bol de soupe miso, celui de riz avec des légumes saumurés et quelques morceaux d'anguille grillée couverte d'une sauce légèrement sucrée.

« Shu… » Récita doucement le jeune sdf, en effet c'était plus facile à dire que son nom complet.

Se faire emmener à la salle de bain, et aider pour ce qu'il avait à y faire, fut une grande honte de plus pour Nao, qui se sentait encore plus inutile que d'habitude, et c'était sans compter son état de grande faiblesse. Les yeux baissés vers le sol, les joues rouges de honte, il se laissa remmener vers le lit où il se trouvait précédemment. S'allonger de nouveau lui permit de diminuer son vertige. Quand Shu revint pour s'installer derrière lui et l'aider à prendre des médicaments, il se sentait déjà légèrement mieux, mais sa voix était encore bien faible.

« Merci… »

Lorsque le second de son hôte apporta le plateau de nourriture, l'odeur alléchante qui lui parvint aux narines fit grogner bruyamment l'estomac du jeune sdf. Depuis quand n'avait-il pas mangé ? Il ne remarqua même pas tout de suite qu'il était à présent installé le dos contre des oreillers moelleux, seulement lorsqu'il vit Shu installé à côté de lui pour l'aider à manger.

Les premières bouchées le firent tousser, sa gorge irritée n’appréciait pas de sentir de la nourriture la malmener un peu plus. Etant malade, il n'avait pas le sens du goût, il ne reconnaissait même pas ce qu'il ingurgitait.. La chaleur de la soupe miso lui fit du bien et il se força à manger le reste alors qu'il avait du mal, malgré sa faim dévorante.

« M… Merci… Je… C'est pas… c'est difficile… de manger… »

Entendre son patient se battre contre lui-même pour réussir à manger toucha Shu, qui n'avait jamais rien attrapé de plus grave qu'un rhume.

- Ouais je me doute, mais manger te fera reprendre des forces et ce sera ensuite plus facile pour ton corps de lutter contre la maladie. Les médicaments commenceront à faire effet d'ici une demie heure à peu près. D'ici là, reste tranquille et repose-toi. Manger, dormir et prendre des médicaments c'est le mieux que tu aie à faire. Si tu fais ça, tu devrais être sur pieds dans quelques jours.

Il n'avait bien sûr aucune certitude, mais c'était ce que disait son livre et son second le lui avait confirmé puisqu'il s'occupait de lui quand il tombait malade lorsqu'il était enfant.
La porte s'ouvrit alors sur Asahi, l'un de ceux qui lui étaient dévoués corps et âme et qui, il le savait, le considérait comme son grand frère puisqu'il n'avait que 18 ans. C'était d'ailleurs le seul à l'appeler...

- Aniki, où est ce que je pose le futon ?
- Là, à côté du lit, indiqua le jeune homme à son cadet.

Le garçon se déchargea donc de son fardeau et arrangea rapidement le tout avant de demander à son chef s'il avait besoin d'autre chose.

- Non merci Asahi, tu peux y aller. Oh et n'oublie pas la leçon ce soir hein.
- Non aniki, je n'oublierais pas.
- Parfait.

Le garçon parti, Shu reporta son attention sur Nao et se sentit obligé d'expliquer :

- Asahi n'a pas pu terminer le lycée à cause de problèmes de santé et il a trop honte pour y retourner, alors je lui donne des leçons puisque j'ai gardé tous mes livres de cours. Ca l'aide un peu je pense.

Nao avait encore bien faim, son estomac grognait encore d'envie pour le lui rappeler, mais il n'arrivait plus à manger. Un comble pour lui qui luttait habituellement pour trouver à manger, alors qu'en ce moment même il y avait bien plus de nourriture qu'il n'en avait pas vue depuis longtemps, excepté ce soir là chez Koya, et il n'arrivait pas à manger. Et son hôte avait beau dire qu'il devait manger pour guérir, il ne pouvait plus.

°Merci… » Que pouvait-il dire de plus ? Trop épuisé pour réfléchir, et puis ce jeune homme prenait soin de lui sans le connaître, ni rien lui demander en échange à priori.

Nao se laissa aller un peu plus en arrière, s'enfonçant dans les oreillers, les yeux fermés. Il se sentait un peu mieux ainsi, la lumière ne lui agressant plus les yeux. Il les entrouvrit en entendant quelqu'un entrer, un jeune homme qui appelait son hôte aniki. Il suivit tant bien que mal la discussion entre les deux, remarquant que le plus jeune semblait vouer une profonde admiration à son grand frère. Ils les enviait un peu, lui qui n'avait jamais eu de frère ou sœur, et maintenant qu'il n'avait plus la moindre famille.

« Tu es un gentil grand-frère on dirait… Il t'adore, ca se voit… Vous avez de la chance… Tu es donc prof en plus d'être médecin… » Ajouta-t-il en rigolant doucement, ce qui lui provoqua une quinte de toux qui l'épuisa encore plus. « Gomen… »

Il referma les yeux et s’enfonça de nouveau dans les oreillers, espérant que sa toux se calme.

La remarque de Nao fit gentiment rire Shu.

- Je pensais que tu l'avais compris, Nao-kun, mais je ne suis pas vraiment son frère. C'est un membre du clan, qui s'est attaché à moi parce que je suis à la fois son aîné et son chef, mais on a aucun lien de parenté. Il m'appelle "aniki" par respect et loyauté depuis son jeune âge de la même façon que Nishida et les autres m'appellent "jeune maître". Et puis... je ne suis pas vraiment prof. Ni médecin d'ailleurs. Les connaissances que j'ai mises en pratique en te soignant, je les ai acquises en lisant un livre que j'avais acheté dans la journée et j'aide Asahi parce que je lis beaucoup et que du coup j'emmagasine pas mal de connaissances sur pas mal de sujets, c'est tout.

Dit comme ça, il avait franchement l'impression de se vanter, alors que ce n'était pas du tout son genre.

- N'essaye pas de lutter si tu as envie de tousser ou autre, lui conseilla-t-il en lui tendant un verre d'eau lorsque la crise fut passée. Ah je t'ai apporté des pastilles pour la gorge. Elles contiennent des antiseptiques qui vont aider à faire passer ton mal de gorge.

Sur ces mots, il mit la main dans sa poche et en tira une plaquette métallisée, dont il extirpa une pastille qu'il lui mit dans la bouche avec douceur.

- Suce-la et avale ta salive, les antiseptiques seront dedans.

Ainsi le plus jeune n'était pas son frère ? Et celui qui le soignait était un futur chef de clan ? Mais quel genre de clan ? Un clan d'artistes ? De bohémiens ? A priori non… Shu parlait trop pour qu'il comprenne tout, son cerveau n'était pas en état pour suivre. L'autre chose qu'il avait retenue était qu'il lisait beaucoup. Cela voulait-il dire quelque chose d'important ? Relevant la tête, il entrouvrit les yeux pour le regarder.

« Un clan ? Quel genre ? »

Sa crise de toux lui avait arraché la gorge et ces quelques mots qu'il avait prononcés l'avaient fait souffrir encore plus. Une grimace douloureuse apparut sur son visage alors qu'il tentait de l'atténuer avec sa main. Il prit le verre d'eau avec empressement, et le but d'un trait, histoire de soulager sa gorge.

« Merci… » Sa voix était éraillée et encore faible.

Il détestait se sentir si faible, c'était encore pire pour lui que lorsqu'il faisait la manche dans la rue, supportant les regards méprisant des passants. En ce moment il se sentait faible, vulnérable, inutile, incapable. Toujours honteux, il ouvrit la bouche pour prendre la pastille et la suça, comme lui disait Shu.

« Pourquoi… Tu me soignes… comme ça ? » Il lui en était reconnaissant, mais ne comprenait pas pourquoi il s'occupait d'un être misérable comme lui.

La question à propos du clan, Shu ne s'y attendait pas du tout et pour être honnête, il ne savait pas s'il était bien prudent pur lui d'y répondre. Non pas qu'il ait quelque chose à craindre de Nao (dans son état, il ne serait même pas capable de lui faire une pichenette), mais c'était plutôt son éventuelle réaction qui l'inquiétait. Le jeune homme avait assez trempé dans toutes sortes d'affaires et de magouilles pour savoir que le seul mot de "yakuza" inspirait la terreur aux personnes normales et son invité, s'il avait peur, serait bien capable d'essayer de se sauver une nouvelle fois, alors qu'il n'était même pas en état de se tenir debout sans aide. C'était un coup à risquer un accident et Shu ne le voulait pas. Il décida donc de faire comme s'il n'avait pas entendu ladite question et posa une main sur le front de son patient pour voir où en était la fièvre.

- Tu es un peu moins chaud qu'hier. Les médicaments doivent commencer à faire effet. Mais ne t'agite pas ou ta fièvre va remonter, ce serait con. Reste calme, d'accord Nao-kun ? On m'a apporté des vêtements à ta taille alors je vais te laver un peu et t'aider à te changer, tu te sentiras mieux ensuite.

Sur ces mots, il s'éloigna vers la salle de bain dont il revint avec une bassine d'eau tiède, deux gants et du savon. Posant le tout au sol, il retira à son invité les affaires trempées du sueur qu'il portait et se fit la réflexion qu'il serait vraiment très beau s'il était un peu plus en chair. Il mouilla ensuite le gant et le savonna un peu, avant de le passer doucement sur le torse, le cou, les bras et les jambes de son patient. Il faisait chaud dans la pièce alors il s'essuya le front avec le dos de sa main, puis retira son haut. Plus à l'aise, il entreprit de rincer Nao avec le second gant, puis s'éloigna une nouvelle fois pour aller chercher une serviette et le sécher.

- Pourquoi je te soigne... se décida-t-il ensuite à répondre. Et bien je n'aime pas laisser tomber les gens quand je sais que j'ai la possibilité de les aider, tout simplement, répondit-il dans un petit sourire qui ne découvrit pas ses dents.

Il lui passa ensuite un t-shirt et un simple pantalon de toile beige.

- Ce n'est pas luxueux, mais pour le moment je pense que c'est bon tant que tu es malade.

Nao était tellement peu en forme qu'il ne remarqua même pas que Shu avait zappé sa question. Il essayait surtout de calmer sa toux et de soulager sa gorge. La main qui se posa sur son front était si fraiche qu'elle lui fit un bien fou et qu'un soupir d'aise lui échappa. Malheureusement, cette sensation disparut bien trop vite à son goût. Son hôte avait raison, il se sentait un peu mieux, c'était grâce aux bon soins de son sauveur.

« J'essaierai... d'être sage… » Affirme-t-il d'une voix encore faible.

Il vit Shu s’éloigner vers la salle de bain et soudain ses paroles lui revinrent. Il allait le laver ? Comment ça le laver ? Il ne put aller plus loin dans ses interrogations lorsqu'il revint dans la chambre avec ce qui semblait être le nécessaire pour le laver. Avant qu'il ne puisse dire quoique ce soit l'autre l'avait déjà déshabillé, il se retrouva en sous-vêtements sous les yeux d'un quasi inconnu. La honte le gagna rapidement et elle s'accentua encore plus lorsqu'il sentit le gant de toilette glisser sur son corps. Il savait que son corps, dont il était si fier avant, devait être moche maintenant, maigre et sans formes. Vivre dans la rue n'aidait pas à garder une plastique de rêve, ni une belle peau. Sa honte grandit encore une nouvelle fois lorsque le plus petit enleva son haut. Il était vraiment bien bâti, et même drôlement musclé pour ce que son physique pouvait laisser deviner. Face à lui, il ressemblait à une crevette desséchée. Rouge de honte, il détourna les yeux, attendant qu'il ait finit. Lorsqu'il fut propre et sec, il dut avouer qu'il se sentait tout de même mieux.

« Merci… » Ses joues toujours rouges, il avait du mal à regarder son hôte. « Tu as soigné beaucoup de gens ? Tu es un gars gentil alors… » C'était vrai… Combien de gens accueilleraient des inconnus chez eux pour les soigner sans rien attendre en retour ?

Shu trouvait ces vêtements pas luxueux, pourtant comparé avec ceux qu'ils avait l'habitude d'avoir sur le dos, il était classe là. Heureusement que Shu n'avait pas vu ses frippes.

« Non… Ils sont biens… »

La décision de son invité de rester tranquille soulagea Shu, qui se voyait déjà obligé de le faire garder le lit de force (ce qui n'aurait pas été bien difficile étant donné a) l'absence totale de muscles de Nao certainement due à bien des privations b) sa faiblesse actuelle et c) sa propre force et ses propres muscles).
Un petit sourire qui ne découvrit pas ses dents s'afficha de nouveau sur son visage et il tapota gentiment la main de son patient.

- Bonne décision, mec, j'approuve. Cela étant, je n'ai pas tellement d'expérience en la matière. Pour être honnête, tu es le premier que je soigne de ma vie. Même le gars du clan ce n'est pas moi qui m'en occupe quand ils choppent un truc. Mais m conscience m'interdisait de te laisser dans la rue, à la merci de n'importe quel détraqué. Dans ton état tu n'aurais pas pu te défendre et tu te serais juste fait buter. Toi, tu es un sacré veinard si tu veux mon avis.

Bon, tout était relatif puisque parler de "veine" pour un gars qui avait du en connaitre de dures, c'était un peu du foutage de gueule, mais bon, c'était histoire de dire.

- Tu veux bien me raconter comment tu es arrivé où je t'ai trouvé ? Et aussi... ce qui t'es arrivé tout court pour que... enfin je ne suis pas aveugle, je vois bien que si tu es si maigre c'est que tu ne mange pas à ta faim et il n'y a pas cent raisons possibles à ça alors... Qu'est ce qui t'es arrivé pour que tu finisse à la rue ? Tu n'es pas obligé de me répondre mais... comme je t'au un peu sauvé, j'avoue que j'aimerais bien savoir. Histoire qu'une fois que tu seras guéri on puisse tous les deux réfléchir à la suite.

Alors Shu le soignait parce qu'il s'inquiétait de ce qu'il aurait pu lui arriver. C'était vraiment étrange que quelqu'un s'inquiète comme ça pour lui, c'était tellement inhabituel qu’il ne savait pas trop comment répondre. Mais même si cet intérêt le touchait, ça n'effaçait pas ce qu'il avait déjà vécu depuis qu'il vivait dans la rue. Certes il ne se souvenait pas avoir été aussi malade et faible qu'à présent et il n'était pas encore fait buter, mais il était déjà tomber plusieurs fois sur des pervers ou des pervers, il s'était fait agresser, voler, mais c'était la vie de la rue. Heureusement il arrivait généralement à se défendre ou à s'enfuir quand ça dégénérait trop, mais étant tant malade, il n'aurait sans doute pas pu s'échapper cette fois.

« Oui… Veinard… Merci… » Répondit-il le regard dans le vide, si seulement il pouvait vraiment l'être, et avoir enfin un peu de chance dans la vie…

La question suivante de Shu déstabilisa Nao. Ainsi il avait compris ce qu'était sa vie… Il ne le cachait pas vraiment, même s'il en avait honte, après tout, pour beaucoup de gens il était un sous-homme. Le regard baissé, la mine grave, Nao repensait à son passé et se demandait s'il devait lui raconter, la dernière fois qu'il en avait parler, et la première aussi, c'était à Koya, celui de chez qui il s'était enfui. Ce qu'il voulait lui, c'était ne plus y penser, tout oublier, oublier le luxe de sa vie d'avant, luxe qu'il n'allait sans doute jamais retrouver. Mais Shu était son sauveur, il lui devait bien quelques explications…

« Je… ne sais plus vraiment… Comment je me suis retrouvé..  où tu m'as trouvé… Déjà trop malade pour m'en rappeler sans doute… » De sa voix encore éraillée et faible, coupée par quelques quintes de toux, Nao commença par le plus facile à expliquer, avant de continuer. « Mes parents avaient une grande entreprise… très prospère… Et moi j'étais… ce qu'on appelait un fils de riche… Mais un jour, ils ont subit une énorme arnaque et ont tout perdu… vraiment tout… Entreprise vendue, maison et tous les biens saisis… Et pas longtemps après ils ont été pris dans un gros carambolage et… Je me suis retrouvé tout seul, sans rien, sans maison, sans amis….. Et depuis… Je survis dans la rue… »

Nao n'osait pas relever son regard, sentant ses yeux le piquer, se sentant encore plus honteux.[/color]

Attentif, Shu écouta sans l'interrompre le récit de Nao, qui devait pourtant être pénible à raconter. Il se sentait désolé pour lui. Il le plaignait sincèrement et de tout son cœur, mais ce n'était pas de la pitié. Nao avait trop de courage et de force morale pour mériter ça. Le prendre simplement en pitié serait le rabaisser et le jeune homme reconnaissait trop la valeur de son patient pour ça. A la fin du récit, il resta silencieux un moment, cherchant comment formuler correctement ses pensées, puis se prit le menton dans la main et se lança :

- Je ne dirais pas que je comprends ce que tu ressens... parce que ce serait un mensonge. Je pense que personne ne peut comprendre ce genre de chose, à moins de les avoir vécues soi-même et, heureusement pour moi, ce n'est pas mon cas, loin de là. Nao (il avait finalement décidé d'abandonner le -kun) ... je pense savoir ce que tu pense à ton sujet, comment tu te vois... et laisse-moi te dire que tu te trompe lourdement sur ton propre compte. Je ne sais presque rien de toi, mais ce que je peux dire après avoir entendu ton histoire, c'est que tu es un guerrier et pas des moindres. Attends avant de protester, laisse-moi terminer, ajouta-t-il en le voyant ouvrir la bouche, avant de reprendre : Tu pense réellement que, ayant vécu tout ce que tu as traversé, la plupart des gens auraient eu la force morale et physique de se battre pour survivre ? Non, pas du tout, ils auraient juste abandonné. Mais toi tu as tenu bon des années alors qu'il a du t'arriver des horreurs que tu n'as pas mentionnées et que tu as probablement du faire des choses qui te rebutaient afin de rester en vie. Et je te respecte énormément pour ça. Tu en veux et j'apprécie beaucoup les gens qui sont dotés de ce genre de personnalité.

Il s'interrompit quelques secondes, puis ajouta :

- C'est pour ça que je ne peux pas te laisser retourner dans la rue. Tu vaux mieux cent fois, mille fois même, que cette existence de paria. Je voudrais que tu accepte d'habiter ici avec moi, que tu accepte de faire trois repas par jour pour retrouver ta santé et ta forme, que tu accepte de récupérer cette dignité que tu crois certainement avoir perdue et que tu accepte de me faire confiance pour la suite. Vraiment, c'est ce que je souhaite.

Nao se sentait vraiment mal, mais c'était à présent plus la honte que la grippe qui le tourmentait. La tête baissée, les yeux piquants, il n'osait pas regarder son hôte. D'ailleurs le silence de ce dernier l'angoissait. Comment allait-il réagir ? Allait-il le conspuer comme un malpropre, à l'image de la majorité des gens qu'il croisait dans la rue ? Allait-il se moquer de lui ? Il ne doutait pas qu'il ne puisse en être ainsi. Pourquoi réagirait-il autrement ? Nao sentait une sorte d'angoisse monter en lui. Même s'il avait l'habitude des réactions négatives de la part de la plupart des gens qu'il croisait, il sentait que si son infirmier éphémère réagissait ainsi, il aurait bien plus de mal à le supporter, sans trop savoir pourquoi. Peut-être que recevoir de la méchanceté après tant de gentillesse serait plus dur ?

Shu commença enfin à répondre et Nao se tendit aux premiers mots prononcés. Mais bizarrement ces mots n'étaient pas méchants ni dédaigneux, ils étaient justes et réalistes. En effet, difficile de comprendre sans le vivre soi-même… Mais la suite du discours de Shu déconcerta Nao. Pourquoi lui disait-il ce genre de choses ? Un guerrier, lui ? Alors qu'il n'était rien. Il allait le lui dire lorsqu'il lui coupa la parole pour continuer. Nao ne pensait pas être si fort que Shu pouvait le penser. Il survivait seulement comme il pouvait, comptant uniquement sur la générosité des gens, incapable de se débrouiller par lui-même pour s'en sortir. Alors pourquoi lui disait-il ça ? Ces mots que jamais personne ne lui avait dits ?

Alors que Shu mentionnait les horreurs qu'il avait dû vivre ou ce qu'il avait dû faire pour survivre, des images et des sensations lui revinrent en mémoire, des moments qu'il aurait voulu oublier mais qui étaient toujours là. Un frisson d'horreur et de dégoût le parcourut alors qu'il secoua la tête pour se changer les idées. Les larmes qu'il retenait depuis un bon moment trouvèrent le chemin pour s'échapper de ses yeux et couler librement sur ses joues. Il était pathétique franchement non ?

Alors pourquoi continua-t-il en disant vouloir qu'il reste avec lui ? Le pensait-il vraiment ? Lui ? Vivre ici avec Shu ? Dans ce manoir de luxe ? Pourquoi faisait-il ça ? Choqué, Nao le fixa un moment, incapable de réagir, avant que ses larmes ne recommencent à couler .

« Mais… Pourquoi… Pourquoi tu ferais… Ca ? Je ne suis… Personne pour toi… juste… un inconnu… »

Nao ne comprenait vraiment pas comment tout ça pouvait lui arriver. N'arrivant pas à lui répondre, la seule chose qu'il put faire fut de se pencher vers Shu, de l'enlacer et de se blottir contre son torse rassurant, ses pleurs ne se calmant pas.

Un hoquet de surprise échappa à Shu lorsqu'il sentit Nao l'enlacer et se serrer contre lui. Lui-même n'était ni du genre tactile, ni affectueux, mais une telle détresse émotionnelle émanait de son patient que, touché malgré lui, il referma les bras sur le corps frêle et lui tapota gentiment le dos de ses deux mains. Il n'était pas très bon quand ça touchait autre chose que la baston, la culture et la cuisine... En fait, il se considérait même comme un handicapé du sentiment. Depuis son adolescence, il avait toujours cru qu'en tant que Yakuza et étant donné sa taille, il ne trouverait jamais personne, alors il s'était plus ou moins fermé à tout (de toute façon, un Yakuza sentimental, c'était ridicule)... et voilà qu'en quelques minutes, ce quasi inconnu faisait voler son armure en éclat. Mais quel être humain pourrait rester insensible à cette détresse, si évidente qu'elle en était presque palpable ? Lui en tout cas n'était pas en bois.

- Il y a besoin d'une raison spéciale pour vouloir éviter à quelqu'un de souffrir ? grogna-t-il pour cacher son émoi, sans pour autant lâcher son patient, qui semblait avoir besoin à la fois de contacts et d'être rassuré.

Ca aussi c'était une première. Si on lui avait dit que lui, Shu, qui faisait en moyenne 20 à 30 centimètres de moins que la plupart des hommes et était de carrure bien moindre malgré ses muscles, serait un jour rassurant aux yeux de quelqu'un, il l'aurait certainement pris pour un fou et pourtant... il était inexplicablement heureux que Nao trouve sa présence réconfortante.

Nao ne savait pas vraiment pourquoi il s'était blotti contre son hôte, mais il en avait eu la soudaine impulsion et il se sentait bizarrement rassuré. Sentir la présence de quelqu'un d'autre près de lui, sentir sa chaleur, sentir des bras rassurants l'enlacer, tout ça lui manquait tellement. Il n'avait même jamais connu une tendresse aussi simple, que ce soit dans sa première vie où il n'avait que des larbins ou des envieux qui voulaient bien se faire voir, ou dans sa deuxième vie où il n'était plus qu'une ombre errante dans la rue. Alors sentir les bras de son hôte se refermer autours de lui semblait combler une partie de cet immense vide qu'il ressentait au fond de lui. La barrière qu'il avait érigé autours de lui pour se protéger semblait avoir été brisée par les paroles de Shu, et ses larmes qu'il retenait depuis si longtemps, il n'arrivait plus à les contenir.

« C’est si dur…. »

Pourquoi tout ça lui était arrivé à lui ? Avait-il fait quelque chose de si horrible pour mériter une telle vie ? C'était tellement dur qu'il n'en pouvait plus, il voulait juste que tout s'arrête à présent.

« Pourquoi… ? Pourquoi moi ? Je n'en peux plus… C'est trop dur… »