Changement de cible

A son retour à l'appartement après ses deux heures à la bibliothèque universitaire, quelle n'avait pas été la stupeur de Koya de ne plus trouver son beau poisson. Il n'avait pas mis longtemps avant de comprendre à qui il devait cette fuite et,  très en colère, il était allé dire ses quatre vérités à Kaito. Il l'avait pourri de toutes les façons possibles, lui faisant comprendre qu'il n'avait aucun droit de faire ce qu'il avait fait et son frère avait répliqué sur le même ton qu'il n'avait fait que son devoir en prévenant le pauvre Nao de ce à quoi il s'exposait en restant là. La dispute, plus longue et plus violente que les autres, s'était soldée par son poing dans la figure de son jumeau et l'étudiant était sorti en claquant violemment la porte. Il en fallait d'ordinaire énormément pour le mettre de mauvaise humeur et ce crétin d'abruti débile de Kaito avait réussi cet exploit. Il n'avait pas la moindre idée de l'endroit où il se dirigeait et ne savait pas non plus comment il allait bien réussir à se calmer, mais peu importait au final. S'il avait été Kaito, le plus simple aurait été d'aller traîner dans des endroits peu recommandables et de casser la figure du premier mec venu pour passer ses nerfs... mais il n'était pas cette ancienne petite frappe, il était un honorable et honnête étudiant en médecine et ne pouvait donc pas risquer sa réputation (ni son intégrité physique d'ailleurs).
Shootant dans une canette tombée de la poubelle de tri juste devant un combini, il suivit du regard le cylindre d'aluminium qui alla finir sa course contre la devanture d'une boutique. Une pâtisserie... Après tout, pourquoi pas, se dit-il en haussant les épaules. Manger de délicieux gâteaux lui ferait peut-être oublier à la fois sa colère contre son frère et sa déception d'avoir vu lui échapper une proie qu'il avait travaillé si dur pour attraper. Lorsqu'il poussa la porte, une clochette tinta pour signaler son entrée et il engloba l'intégralité de la pièce du regard. La décoration était aussi simple que l'ameublement, mais une certaine chaleur s'en dégageait et il se sentit étrangement un peu apaisé. A côté du comptoir où se trouvait la caisse, une vitrine réfrigéré présentait des pâtisseries qui avaient l'air succulentes et comme les gâteaux étaient son pêché-mignon, il ne se gêna pas pour s'approcher et les regarder avec envie pendant que les employés terminaient de servir les clients précédents.

- Bonjour monsieur, s'exclama finalement avec enthousiasme un garçon qui devait encore être au lycée s'il en jugeait par ses traits juvéniles. Est ce que vous avez choisi ?
- Oui, je vais prendre un tiramisu au matcha, une pavlova aux fraises, un cupcake au citron, un millefeuille et une part de fraisier, répondit l'étudiant avant de préciser : Et je vais manger sur place.

Le jeune garçon écarquilla les yeux et le fixa en les clignant.

- Vous voulez dire que vous allez manger tout ça tout seul ?! Mais vous allez être malade !
- Il y a un problème ? répliqua Koya d'une voix coupante comme une lame de rasoir et aussi réfrigérante que le pôle nord. C'est une habitude ici de juger ce que mangent ou pas vos clients ?

La remontrance fit monter le rouge aux joues du lycéen, qui s'empressa de le détromper :

- Non non ! Bien sûr que non ! Excusez-moi. Installez-vous, je vous sers tout de suite !
- Je préfère ça... marmonna l'étudiant en allant s'asseoir.

Une fois assis, il laissa son regard errer de nouveau sur la salle et son regard accrocha alors le second employé qui n'avait pas dit un mot. De taille modeste, il avait un visage aux traits plutôt fins surmonté d'une couronne de cheveux noirs plutôt courts et des yeux verts dont l'éclat n'arrivait pas à être terni par ses lunettes. Il avait l'air... gentil. Vraiment très gentil. Pas mal... Pas mal du tout... Au contraire de Nao, ce garçon dont il ne connaissait même pas le prénom correspondait parfaitement à ses critères. Peut-être qu'elle était là sa nouvelle proie finalement. Peut-être que la fuite de Nao orchestrée par son frère était un mal pour un bien finalement...

- Un thé au jasmin s'il vous plait. Et je voudrais être servi par votre collègue, déclara-t-il au lycéen lorsque celui-ci se dirigea vers lui pour lui demander s'il voulait boire quelque chose avec ses gâteaux.
- He ?
- Sans vouloir être désobligeant, il a l'air plus âgé et plus expérimenté que vous alors...
- J'ai commencé lundi...
- Vous voyez bien.
- Je... Je vais lui demander de s'occuper de vous. Patientez encore un peu s'il vous plait.

Le garçon se sauva vers le comptoir si vite que Koya eut presque pitié de lui. Mais il l'oublia bien vite pour se concentrer su sa nouvelle cible.

Ce matin-là Wataru avait dû aller travailler contre son gré pour former le nouvel employé qui était disons-le une catastrophe ambulante, il enchaînait bêtise sur bêtise et Wataru avait difficilement le temps de gérer le magasin et le boulet qui lui servait de nouveau il était même tenté de l’enfermer dans l’arrière-boutique à laver des trucs plutôt qu’à mettre les pieds dans le plat avec les clients ou à faire des bêtises derrière le comptoir.  
Il était en train de nettoyer la devanture quand le boulet – dont il refusait de retenir le nom il serait boulet tant qu’il ne lui prouverait pas le contraire – revint presque en courant les larmes aux yeux en lui disant qu’un client voulait un thé et qu’il soit servi par lui et pas par le boulet. Qu’est-ce qu’il avait encore fait mon dieu...
Wataru était pourtant de nature calme et patiente mais là le boulet commençait à lui taper sur le système et il devait sa survie au fait que le meurtre était toujours illégal au Japon.

-Je vais m’en occuper tu n’as qu’à aller nettoyer la cuisine pendant que je vais voir le client.

Il prépara avec soin le thé demandé et alla le servir avec son sourire le plus commercial pour le client qui semblait beaucoup trop heureux de recevoir son thé.

-Bonjour, voici votre thé puis-je faire autre chose pour vous ? Demanda Wataru aussi gentiment que possible mais tout de même avec politesse.

Ravi de voir arriver sa nouvelle cible, Koya, en acteur de grand talent qu'il était, se hâta de troquer sa mine revêche contre son plus grand sourire.

- Je vous remercie... Wataru-san, dit-il après avoir lu le badge qu'arborait son interlocuteur. Par contre, je suis navré d'avoir à le dire, mais... votre jeune collègue a oublié de m'apporter mes pâtisseries. Je comprends très bien qu'il soit nouveau et que les choses puissent encore être difficiles pour lui, mais puis-je vous demander de me les amener ? J'avais commandé un tiramisu au matcha, une pavlova aux fraises, un cupcake au citron, un millefeuille et une part de fraisier.

Il avait pris son ton le plus amical bien que l'incompétence du lycéen l'agace au plus haut point. Il s'agissait de ne pas se faire détester par sa nouvelle cible. Oui car plus il le regardait, plus il était convaincu que c'était lui le parfait remplaçant de Nao. Et cette fois, plus question de se retrouver privé de sa proie.

Il ne fut pas si surpris que ça que l’autre ait oublié de le servir il était aussi tête en l’air que maladroit. Il garda son sourire malgré l’agacement pointant et s’inclina pour s’excuser à la place lu boulet.

-Je suis vraiment désolé pour ce désagrément je vais vous apporter cela tout de suite, dit-il avec un air contrit.

Il s’inclina encore une fois et alla préparer la commande du client. Il vérifia régulièrement que le client ne s’énervait pas du retard. Il profita un peu de ses coups d’œil au client pour l’observer, il était plutôt beau et plutôt son style d’hommes même s’il s’était promis de ne plus tomber sur le charme du premier client venu il devait avouer qu’il était tout de même charmant. Dès qu’il termina de tout préparer il amena les desserts sur un plateau et les servi au client.


-Voilà pour vous merci d’avoir attendu et encore désolé du délai.

Pendant qu'il préparait sa commande, Koya qui ne le quittait pas des yeux, ne put s'empêcher de remarquer que Wataru lui jetait de fréquents coups d'œil et il se félicita une fois de plus d'être beau au point d'attirer les regards. Ca lui était d'une grande aide dans ses opérations séduction sur ses proies.

- Je vous en prie, ce n'est pas grave, dit-il dans un sourire enchanteur. Après tout, chacun débute un jour ou l'autre et l'erreur est humaine. Dites-lui que je ne lui en tiens pas rigueur, ça le rassurera je pense.

Ces mots prononcés, il se demanda s'il devait attaquer directement, mais il se rendit compte que ce serait un mauvais calcul alors il décida de procéder différemment. S'absorbant dans la dégustation des pâtisseries (succulentes d'ailleurs, le chef était très doué), il jeta de fréquents coups d'œil à sa proie et, lorsque par hasard il croisait son regard, lui dédiait son plus beau sourire. Lorsqu'il ne resta plus une miette des cinq gâteaux ni une goutte du thé très parfumé, il se leva et se dirigea vers le comptoir en plongeant la main dans sa poche. Au moment de régler sa note, il donna le billet directement dans la main de Wataru et en profita pour lui glisser également sa carte de visite, sur laquelle il avait écrit "je reviendrais".
Sur un dernier sourire, il quitta la boutique en espérant que sa nouvelle cible l'appellerait avant que lui-même ne revienne.

Il remercia le client et retourna derrière le comptoir où il prévint le boulet de son erreur et que le client ne lui en tenait pas rigueur mais qu’il ne devait plus faire cette erreur mais qu’ils ne seraient pas tous aussi gentils. Il reprit ensuite son travail au comptoir de la pâtisserie où il accueillit les clients avec le sourire un moment avant de revoir le client victime du boulet venir payer. Il l’encaissa en souriant et fut surpris de trouver la carte de l’homme dans sa main alors qu’il partait en souriant. Il resta interdit un instant avant de se reprendre et de mettre la carte dans sa poche et le billet dans sa poche.
Plus tard, à sa pause il sorti la carte de sa poche en se demandant s’il allait l’appeler ou non. Il lui avait plu mais il était déjà tombé sur des menteurs par le passé et il avait peur de retenter l’expérience. Après moult réflexion il décida que si l’autre était réellement intéressé il reviendrait et qu’il verrait la prochaine fois s’il a l’air honnête ou non. En attendant il devait gérer le boulet qui faisait encore des bêtises. Il repensa toute la journée à la carte cachée dans sa poche et à son mystérieux propriétaire.


-Bon je vais t’apprendre à faire la fermeture c’est pas compliqué mais sois concentré.
-Oui ! Répondit avec beaucoup trop d‘entrain le boulet.
-Tu commence par fermer le magasin et vérifie qu’il n’y ait plus de client ça inclut de vérifier les toilettes!


Il passa un long moment à tout expliquer au plus jeune et au final ils partirent presque une demi-heure plus tard que d’habitude mais au moins le boulet avait l’air d’avoir compris, espérons qu’il ne fasse pas de catastrophe à l’avenir ! De son côté Wataru resta bloqué sur la carte de visite un moment. Koya Konami. Pourquoi diable lui avait-il laissé sa carte ? Était-ce parce qu’il lui plaisait ou était-ce une blague ?

Trois jours avaient passé depuis la très intéressante visite de Koya à la pâtisserie où travaillait sa nouvelle proie, mais celle-ci ne l'avait pas contacté. Cette absence de réaction à l'hameçon lancé avec sa carte n'étonnait pas vraiment le jeune homme, car au contraire de Nao dont la beauté était cachée sous la crasse et la misère, celle de Wataru était au contraire mise en lumière par son travail. Il avait donc déjà du se faire draguer un nombre important de fois et peut-être même s'était-il trouvé la cible d'escrocs dans son genre, voire pire. Si c'était le cas, il devait donc se méfier un peu, alors ce serait à lui de montrer qu'il était digne de confiance. Au début du moins. Il regarda sa montre et se rendit compte que la fin de l'heure de déjeuner arrivait. Il n'avait pensé qu'à Wataru pendant une heure, il devait maintenant se reconcentrer sur ses cours. Il irait à la pâtisserie ensuite.

Trois heures plus tard, l'étudiant se précipita presque hors de la fac en espérant que sa cible soit là puisqu'il ne connaissait pas ses horaires. Quelle ne fut pas sa déception lorsque, à travers la baie vitrée, il n'aperçut que le lycéen maladroit de l'autre fois. Il poussa un soupir agacé puis, n'ayant pas envie de se retrouver nez à nez avec lui, s'apprêta à faire demi tour pour rentrer chez lui. C'est alors qu'un mouvement attira son attention et il vit Wataru sortir de l'arrière-boutique. Ah voilà qui était mieux. Il détestait voir ses plans contrecarrés.
Il poussa donc la porte vitrée, la clochette tinta pour annoncer son arrivée et il se dirigea directement vers sa proie.

- Bonjour, Wataru-san, lui dit-il de son plus beau sourire. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, je suis Konami Koya. Je vous avais laissé ma carte avant-hier en vous disant que je reviendrais. Alors me voici.

La journée de Wataru avait plutôt mal commencé il avait été réveillé par un voisin qui avait besoin d’aide, qui diable avait besoin d’aide à 8h le matin ? Puis il avait voulu se servir des céréales mais il n’en avait plus et enfin il devait travailler avec le boulet encore une fois et pour au moins la semaine à venir. Il était allé travailler à reculons mais finalement une fois au boulot les clients lui avaient remonté le moral en étant absolument adorables, une vielle dame lui avait même offert un petit porte bonheur en tissu très mignon. Il adorait son travail, il aimait le contact avec les gens malgré les quelques casse pieds qui venaient de temps en temps, il adorait les pâtisseries et il adorait voir les gens heureux de manger les gâteaux.

Il était presque à la fin de son service lorsque le jeune homme de la dernière fois entra dans le magasin, il le reconnu tout de suite, après tout il était particulièrement beau. Il avait beaucoup pensé à lui pendant ces deux jours en se demandant s’il allait revenir et s’il était sérieux. Il était effectivement revenu reste à voir s’il était sérieux ou non.

-Bonjour Konami-san, sourit Wataru, oui je me souviens, vous revenez pour moi ou pour les pâtisseries ?

Bon déjà si sa nouvelle proie se souvenait de lui, il avait marqué un point. Lui retournant son sourire, il répondit avec un naturel parfait :

- Vous pouvez m'appeller Koya. Mais les deux. Les pâtisseries d'ici sont un vrai délice et... vous êtes la cerise sur le gâteau. Excusez-moi si je suis direct mais vous m'avez posé la question directement aussi alors...

Pour être franc, c'était la première fois depuis qu'il draguait, qu'il était si honnête dès le départ. D'habitude, il était obligé de prendre des gants pendant des jours avant de pouvoir dire que sa cible l'intéressait physiquement et en général il obtenait des regards gênés. Là visiblement, le fait qu'il puisse être venu juste pour lui semblait ne poser aucun souci particulier à Wataru, ce qui faisait bien les affaires de Koya.

- Sinon pour en revenir à la boutique, cette fois, je prendrais une tartelette au citron meringué, un opéra, un saint honoré, une religieuse au chocolat et un pithiviers. Est ce que je peux vous inviter à boire un verre quand vous aurez terminé votre service ? J'aimerais discuter un peu avec vous.

C'était extrêmement bizarre comme sensation, mais il n'avait pas cette envie de posséder à tout prix comme il avait eu envers Nao. Là, c'était plus... comme s'il était naturellement attiré par lui.

Wataru fut agréablement surpris qu’il soit aussi honnête mais en même temps c’était rafraichissant de savoir tout de suite ses raisons sans passer par des phases de doute ou de drague un peu nulle. Il rougit de la réponse mais sourit tout de même heureux de l’honnêteté et de la réponse en elle-même.

-Nous faisons les pâtisseries nous-même je suis ravi que nous vous plaisions, lui dit Wataru en jouant exprès sur les mots.


Il fut surpris de la longue liste de gâteaux qu’il souhaitait manger mais après tout il y en avait à peu près autant la dernière fois. L’invitation de fin le surprit et il hésita à répondre et il prit le temps de noter sa commande pour y réfléchir encore un peu. Et finalement il ne risquait pas grand-chose avec juste un verre.

-je note et je vous apporte ça ! Il fit une pause, pourquoi pas je finis dans une demi-heure ça vous laisse le temps de manger vos gâteaux.

Wataru sourit et le regarda s’asseoir avant d’aller chercher sa commande pour lui servir juste après.

Ca avait été si facile d'obtenir ce premier "rendez-vous", que Koya n'en revenait pas bien qu'il s'abstienne de le montrer. Nao lui avait tellement compliqué la tâche quelques jours auparavant, qu'il s'était presque attendu à devoir ramer autant avec sa nouvelle cible, mais en fait non, sa proie semblait toute prête à lui tomber dans les bras s'il en jugeait par ses réponses et par le sourire qu'il lui dédia. C'était parfait mais il manquait toutefois le challenge qu'avait représenté Nao. Bah, ce Wataru ferait bien l'affaire en attendant mieux. Il était très mignon, ce serait un intermède sympathique.
Souriant en retour au jeune homme, il alla s'asseoir au même endroit que la fois précédente et s'apprêtait à observer ses moindre faits et gestes, lorsque son portable sonna. Il soupira en se rendant compte qu'il s'agissait de son manager. Il avait vraiment l'art de tomber systématiquement au plus mauvais moment... mais comme cet appel était probablement pour lui annoncer un nouvel engagement pour un concert à un quelconque endroit du Japon, il se releva et fit signe à Wataru qu'il allait prendre la communication à l'extérieur pour ne gêner ni les clients ni le personnel.
A son retour une dizaine de minutes plus tard, il avait appris que la ville de Fukuoka l'avait demandé pour un concert la semaine suivante et il avait du aménager son planning d'étudiant pour faire face à cet engagement imprévu. Il allait être parti plusieurs jours pour tout préparer, répéter etc et ne pourrait donc pas voir Wataru. Il était possible que quelqu'un le lui prenne pendant ce temps. Ce n'était vraiment pas de chance.
Comme la fois précédente, il savoura jusqu'à la dernière miette de ses pâtisseries, puis alla régler sa note à la caisse et souffla à Wataru qu'il l'attendait à l'extérieur. Ce qui lui permettrait de réfléchir à l'endroit où il allait l'emmener et de quoi ils allaient parler pendant ce "rendez-vous".

Wataru l’observa pendant un moment et il remarqua que Koya semblait agacé par l’appel et avait toujours le même air remonté en revenant. Il se demanda un moment de quoi il avait bien pu parler au téléphone mais après tout ils n’étaient rien l’un pour l’autre pour le moment alors c’était simplement de la curiosité mal placée et il ferait bien de ne pas montrer ce côté de la personnalité à l’autre s’il voulait lui plaire. Après tout c’est en partie pour ça que son ex l’avait quitté, enfin c’était les raisons invoquées.
Il le regarda manger et retrouver une expression beaucoup plus neutre, la nourriture ou du moins les pâtisseries devaient avoir des effets positifs sur Koya. Il régla ensuite sa note et le regarda le prévenir et sortir en souriant. Il finissait dans cinq minutes il espéra qu’il allait réellement l’attendre et ne pas lui poster un lapin. C’est ce qui lui occupa l’esprit pendant les dernières minutes de son service, il alla se changer au vestiaire et sortit en appréhendant ce qu’il verrait mais finalement Koya était toujours là. Il se dirigea donc vers lui avait un sourire tout de même un peu mal à l’aise d’avoir un rendez-vous avec un inconnu.

-Bonjour konami-san.

Malgré sa contrariété précédente, un sourire fleurit sur les lèvres de Koya lorsqu'il vit arriver sa cible en civil. Oui, vraiment très très mignon. Parfait.

- Oh vous pouvez m'appeler Koya, comme ça nous serons sur un pied d'égalité puisque je vous appelle par votre prénom depuis le départ, lui dit-il. Je connais un bar plutôt sympa pas loin, venez.

Il se dirigea vers l'établissement en question qu'ils atteignirent en quelques minutes et tous deux prirent place à une table où Koya passa commande de leurs boissons après s'être enquit des goûts de son interlocuteur.

- Je suis content que vous ayez accepté de me voir en dehors de la boutique, Wataru-san, dit-il. D'autant que je ne pourrais pas venir la semaine prochaine car je dois aller à Fukuoka pour raisons professionnelles. Ca m'ennuie alors que nous venons de nous rencontrer et que vous me plaisez beaucoup...

Il but quelques gorgées de sa bière sans quitter son interlocuteur des yeux, puis reprit :

- Je vais me présenter un peu plus en détails, ça vous permettra de savoir à qui vous avez affaire. Je m'appelle donc Konami Koya, j'ai presque 21 ans et j'ai un frère et une sœur jumeaux. Je suis à la fois étudiant en médecine et violoniste professionnel. Je donne des récitals depuis mes 6 ans mais je me suis spécialisé en violon moderne quand j'avais 16 ans. L'appel de tout à l'heure était pour donner un concert à Fukuoka le week-end prochain. Je pense que ça me résume assez bien. Et vous, Wataru-san, que pouvez-vous me dire à votre sujet ?

Wataru fut rassuré de voir Koya sourire et de l’entendre lui dire de l’appeler par son prénom. Il savait que ce genre de plan drague pouvait mal se passer alors pour le moment il décida de rester sur la réserve au cas où.

-D’accord Koya-san, dit-il en souriant, je vous suis !

Il le suivit jusqu’à un bar où il était déjà allé par le passé avec des collègue mais il ne l’avait jamais fréquenté en rendez-vous. Il fut presque triste de savoir que Koya ne serait pas disponible la semaine prochaine, il avait l’air agréable à vivre même si l’argument des raisons professionnelles était plus que bancale il comprit que soit il lui mentait soit il ne voulait pas beaucoup en parler.

-Oh c'est dommage, mais nous pourrons nous voir après si je vous intéresse toujours ? Vous me plaisez nous verrons bien ce soir si cela se confirme, non ? Dit Wataru avec un sourire complice en buvant une gorgée de bière.

Il l’écouta avec attention et fut surpris qu’un élève en médecine ait encore le temps de faire de la musique de manière professionnelle.

-Je m’appelle Wataru Aoki j’ai 19 ans, j’ai une petite sœur. Je suis en deuxième année de stylisme à L’école de Kyoto et je travaille à la pâtisserie pour payer mes études mine de rien c’est une école plutôt chère. Je n’ai jamais fait de musique je viens d’une famille riche mais mes parents ne voulaient pas m’imposer de choix donc j’ai fait de la couture. Oh et j’ai la double nationalité Brésilienne par ma mère. Sinon.... Je n’ai pas grand-chose à dire je n’ai pas une vie palpitante, rit Wataru.

Koya hocha la tête en souriant en l'écoutant. Alors comme ça sa nouvelle cible était également métis et étudiant. Ca leur faisait deux points communs, ce qui était plus qu'il avait jamais eu avec ses anciennes proies (enfin il le supposait, il n'avait jamais le temps de les connaitre assez pour découvrir s'ils en avaient). Sa lignée brésilienne expliquait donc sa peau bien plus dorée que la sienne. Il était également plus jeune que lui de presque deux ans, ce qui plaisait beaucoup au jeune homme.

- La couture... Je ne suis pas doué pour les choses qui demandent de la minutie, c'est pour ça que je ne me spécialiserais pas en chirurgie. Oh j'y pense... est ce que créer mes costumes de scène vous intéresserait ? Je me disais justement qu'il fallait que je les renouvelle. Si oui, je peux vous employer et vous payer plus que vous ne gagnez à la pâtisserie.

Pour une fois, l'étudiant n'avait pas calculé ses mots pour qu'ils atteignent un but précis et pour être honnête il n'avait même pas réfléchi à ses paroles, elles étaient exceptionnellement dictées par une vraie envie d'avoir le garçon près de lui et peut-être aussi de l'aider à payer ses études puisque lui-même n'avait pas de souci d'argent.

- Vous n'êtes pas obligé d'accepter mon offre, mais ça me ferait plaisir que vous le fassiez. Je vais bientôt partir en tournée et j'ai besoin d'un costumier qui puisse être en permanence avec moi.

Dire qu’il était surpris de sa proposition aurait été un euphémisme. Qu’on lui propose à lui seulement étudiant en stylisme de devenir le costumier officiel d’un artiste professionnel ? C’était aussi inespéré qu'incongru ! Il n’avait pas fini ses études et était loin d’être parfait dans son art. Il était flatté mais ne se sentait absolument pas assez bon pour endosser cette responsabilité.

-C’est une proposition à ne pas rater mais je ne suis encore qu’étudiant je ne suis pas si bon... et puis vous n’avez jamais vu mon travail je ne suis pas sûr d’avoir le talent pour vous habiller comme il faut. Je ne dis pas non mais regardez d’abord mon book avant de vouloir m’engager.

Il se sentait un peu mal de presque refuser l’offre qui ne se représenterai sûrement jamais, mais il ne voulait pas non plus mentir au charmant jeune homme face à lui et partir sur un mauvais départ dans leur relation.

-C’est vraiment très gentil de me l’avoir proposé et de même avoir proposé de me payer mais je ne veux pas vous décevoir, je préfèrerai que vous voyiez de quoi je suis capable.

Les réticences de Wataru ennuyèrent un peu Koya, mais dans un sens il les comprenait. Et puis en plus, il venaient de faire connaissance, le jeune styliste ne savait rien de lui ni de son univers musical.

- Je comprends. Et bien dans ce cas, pourquoi ne pas venir chez moi me montrer votre book ? proposa-t-il. Et puis je pourrais vous jouer quelques morceaux histoire que vous sachiez ce que je fais et quel style peut avoir ma musique.

C'était quitte ou double : ou Wataru acceptait et il avait une chance qu'il le suive dans sa tournée, ce qui lui permettrait de l'avoir à ses côtés en permanence et donc de pouvoir mieux le séduire... ou il estimait qu'il mettait la charrue avant les bœufs et il devrait trouver une autre tactique d'approche qui semblerait tout aussi naturelle. Et honnêtement il n'avait pas trop envie de chercher cette tactique alors il espérait fortement que sa première proposition serait agréée.

- Ca vous fera un petit concert privé, petit veinard, ajouta-t-il en riant.

Il réfléchit un moment à la proposition du musicien et il pesa le pour et le contre. Les choses allaient un peu trop vites pour lui mais après tout s’il peut se trouver un travail bien mieux payé que la pâtisserie et payer ses études tout en s’améliorant en stylisme il serait idiot de refuser. Après quelques longue secondes d’hésitation il finit par répondre à l’autre.

-C’est... Un peu tôt pour ce genre de proposition mais après tout c’est une chance qui ne se présente pas deux fois alors pourquoi pas, je veux bien venir vous montrer mon book chez vous.

Il n’était pas sûr d’être certain de vouloir y aller la peur de ce qu’il pourrait se passer bien présente après ses dernières expériences désastreuses avec des garçons mais après tout l’autre n’aurait rien à gagner à lui faire quoi que ce soit... non ?

-Vraiment vous me joueriez un morceau ? Ça serait idiot de refuser un concert privé !

Un grand sourire fleurit sur les lèvres de Koya lorsqu'il entendit la réponse de son interlocuteur.

- Génial ! s'exclama-t-il. Pourquoi ne pas y aller tout de suite si vous avez votre book avec vous ? A cette heure-ci, je pense que mon frère doit être parti à son travail donc nous ne serons pas dérangés.

Il ne savait même pas lui-même pourquoi il était si enthousiaste. Peut-être que c'était à l'idée de ne plus être presque totalement seul pendant une tournée. Il avait beau être entouré de tout son staff, tous ses membres étaient bien plus âgés que lui et il ne pouvait considérer personne comme proche, alors Wataru dont l'âge était proche du sien serait une bénédiction pour lui. Bref l'embaucher n'aurait que des avantages pour lui.

- Faire mes costumes de scène étoffera votre... ton book, dit-il encore en le tutoyant finalement. Quand tu cherchera du travail, ça t'aidera pas mal je pense, d'avoir fait toute la garde-robe de quelqu'un pendant tes années d'étude.

Le jeune homme donnait l'impression de se vanter et pour être tout à fait honnête, il le faisait un peu, mais il savait quelle valeur avait son talent et aussi quelle notoriété était la sienne. Il aurait donc été stupide de faire preuve de fausse modestie : oui pour un étudiant, indiquer sur son cv "a créé tous les costumes de scène de Konami Koya" ne pourrait que lui ouvrir des portes.

L’enthousiasme de l’autre le surprit et le toucha, il avait vraiment l’air de vouloir de lui comme costumier même s’il était encore qu’un élève et il semblait considérer le book comme une option obligatoire mais inutile. Mine de rien cela faisait remonter en flèche l’estime de lui de Wataru qui était flatté de se sentir désiré pour son talent. Il sourit heureux à Koya même si sa proposition et son ajout sur l’absence de son frère aurait pu l’effrayer il se sentait presque en confiance même s’il gardait une petite appréhension il sentait que l’autre pensait juste au travail.

-Non je n’ai pas mon book il est chez moi mais j’habite pas très loin je peux aller le chercher si vous... tu veux ? Et on pourrait aller chez toi après ?  

Il espérant vraiment pouvoir travailler avec Koya, même s’il ne le connaissait pas avant il se doutait bien qu’il devait avoir un certain public et que toute expérience dans le stylisme lui serait bénéfique... et puis son patron serait sacrément canon!

- C'est parfait ! s'exclama Koya. Faisons ça alors. Je vais payer nos consommations et puis nous pourrons y aller.

Joignant le geste à la parole, le jeune homme termina son verre, se leva et se dirigea vers la caisse, avant de revenir vers lui. Il avait réellement hâte de voir le book de Wataru en fait. C'était la première fois depuis bien longtemps qu'il ne se sentait pas blasé de tout. Wataru était une exquise brise rafraîchissante dans son existence monotone et si ça aboutissait à davantage qu'une collaboration professionnelle, il ne pourrait qu'en être satisfait.
Il le suivit ensuite jusque chez lui où ils ne restèrent que quelques instants pour que l'étudiant récupère son fameux book, puis prirent le chemin de l'appartement où il le fit entrer.

- Assieds-toi, mets-toi à l'aise, j'arrive tout de suite, lui dit encore Koya en se dirigeant vers le studio.

Le studio n'en était évidemment pas un, c'était lui qui avait baptisé comme ça la troisième pièce de l'appartement qu'il s'était appropriée et aménagée avec son matériel, ce qui lui permettait de répéter chez eux sans gêner son frère dont il n'ignorait pas que ce genre de musique n'était pas trop son genre. Il refit son apparition quelques instants plus tard avec son violon fétiche, celui qu'il utilisait en général en tournée, un Harley Benton HBV. Il le posa sur la table avec son archet et fit signe à Wataru de le rejoindre alors qu'il leur versait à chacun un verre de thé glacé.

- Alors, montre-moi donc tes créations.

Ils étaient allés en vitesse chez lui et tout le trajet de sa maison à celle de Koya fut le trajet le plus stressant de sa vie il était vraiment anxieux à l’idée que ses créations ne plaisent pas à Koya ou qu’il ne le trouve pas assez professionnel. Il avait des milliers de question et d’incertitudes dans la tête qui commençaient à le rendre fou. Lorsqu'il s’assit sur le canapé de Koya le stress était à son plus haut mais il ne pouvait plus reculer maintenant. Il le vit revenir avec son magnifique violon et fut subjugué par l’instrument, il avait beau être totalement néophyte dans ce domaine l’instrument semblait cher et précieux.

-Je n’ai pas beaucoup de choses pour le moment mais j’espère que cela te plaira quand même.

Il lui tendit son book avec stress les mains moites et le cœur au bord des lèvres. Il regarda Koya feuiller le book sans trop savoir ce qu’il lui dirait au final, s’il serait accepté ou non.

Avec l'attention soutenue qu'il mettait dans ses actions lorsqu'elles concernaient son travail de musicien, Koya observa chacune des créations de l'étudiant en stylisme et il fut satisfait de se rendre compte que son instinct ne l'avait pas trompé : Wataru avait beaucoup de talent. Un talent à l'état brut qu'il faudrait polir comme un diamant pour qu'il se révèle totalement, mais un réel talent. Refermant le book, il prit quelques secondes pour réfléchir à ce qu'il allait dire, puis reprit la parole :

- Tu as du talent, Wataru-kun. C'est un talent encore un peu brut, mais tu as vraiment quelque chose. Tes créations sont originales et fraîches. Je suis plus que jamais certain que c'est de toi dont j'ai besoin pour ma tournée. Si du moins ce que je fais te convient également.

Sur ces mots, il s'empara de son violon toujours posé sur la table, le raccorda à une prise électrique et se mit à jouer comme s'il était en spectacle, c'est à dire en vivant sa musique de façon physique. Il avait décidé de lui jouer trois morceaux de son nouvel album, les plus entraînants (qui étaient aussi ceux que Kaito préférait). Il savait que pour un observateur extérieur, il paraissait habité par sa musique et il en était content. Il avait l'habitude de dire qu'un musicien qui ne vivait pas sa musique physiquement n'en était pas un et n'avait donc pas sa place sur une scène quelle qu'elle soit.
Lorsque la performance miniature prit fin, Koya était presque essoufflé et il fixa son interlocuteur avec appréhension. Il voulait réellement qu'il accepte. Sans calcul ni manigance, il avait envie de l'avoir près de lui pendant ces deux mois de tournée.

Il rougit en entendant le compliment de Koya, il ne s’était jamais considéré comme réellement talentueux et savoir qu’un vrai artiste aimait son travail le ravissait au plus haut point. Il se sentit incroyablement heureux que Kora veuille toujours travailler avec lui et surtout qu’il dise qu’il avait besoin de lui. Il lui sourit en le remerciant de tout son cœur. Alors qu’il comptait répondre Koya commença à jouer et entra dans une sorte de nouveau monde. Il n’était pas hermétique à la musique classique mais habituellement il n’en écoutait pas réellement et pour être honnête il n’avait jamais eu l’impression d’y perdre. Pourtant entendre Koya jouer fut une toute nouvelle expérience pour lui, il n’avait jamais vu quelqu’un être aussi transporté par son art et vivre l’instant totalement en accord avec la musique. Koya semblait dans son monde et l’inviter à l’y rejoindre, les douces notes de violon était pourtant remplies d’énergie et de force. Il n’aurait jamais imaginé un instrument classique jouant un air aussi contemporain. Il laissa les dernière notes mourir alors que Koya reprenait son souffle.

-Wow c’était... wow, je n’aurais jamais imaginé ce genre de rythme avec ce genre d’instrument, c’était vraiment très beau ! Je n’ai jamais fait de tenues pour suivre une musique mais ça pourrait être un exercice très intéressant ! Mais..., il fit une pause, je ne peux pas m’absenter de mon école sans raison et j’ai encore beaucoup de choses à apprendre là-bas... quand commence la tournée ? Il me faudra aussi du temps pour concevoir et créer les tenues...

Comprenant à ses dernières phrases que malgré son enthousiasme, son costumier était en train de lui filer entre les pattes pour des considérations terre à terre, Koya reprit la parole.

- La tournée commence le mois prochain. Je comprends tes réticences au sujet de ton école mais... tu as peut-être des camarades qui pourraient prendre les cours pour toi pendant ces deux mois et... je doute que tes professeurs te fassent des reproches à propos de ton absence quand ils sauront que c'est justement pour te perfectionner que tu ne seras pas là. Si besoin, je suis prêt à aller les voir moi-même pour leur demander de te permettre de m'accompagner.

Ca faisait très longtemps que le jeune homme n'avait pas voulu quelque chose ou quelqu'un avec autant de force et surtout sans aucune idée malsaine derrière, alors il espérait vraiment que la façon dont il se proposait de régler les difficultés de son interlocuteur le feraient changer d'avis.
Il vida d'un trait son verre de thé glacé et s'en servit un nouveau qu'il but tout aussi vite, avant d'aller débrancher puis ranger son précieux violon. Il revint ensuite près de son invité et attendit en silence, le regard suppliant rivé sur lui.