Tout change

Ca faisait des semaines que Koya parlait de ce récital à Kaito et l'aîné des jumeaux n'en pouvait plus de l'entendre répéter encore et encore et encore. Le violon lui sortait par les yeux, les oreilles et tous les autres orifices même si son frère jouait parfaitement, mais il ne pouvait pas lui dire qu'il en avait marre. Ce récital où Koya apparaitrait en guest star au milieu d'un orchestre symphonique venu de Tokyo représentait quelque chose de très important dans sa carrière musicale. Alors il avait suporté, jour après jour, semaine après semaine. Et ce soir c'était le grand soir.

- Pourquoi c'est toi qui a l'air nerveux alors que c'est moi qui monte sur scène ? lui demanda-t-il.
- J'en sais rien moi, c'est comme ça c'est tout, grogna Kaito. Occupe-toi de ton nœud pap' plutôt. Il est de traviole.
- Kai, relax. Et arrête de t'occuper de moi comme si j'étais un môme. Bon je dois y aller, je dois répéter encore avant l'arrivée de l'orchestre.

Sur ces mots, il tapota l'épaule de son frère et, empoignant l'étui de son instrument, quitta l'appartement.
Un soupir échappa à Kaito qui décida de regarder la télévision en attendant l'heure de rejoindre la salle de concert puisqu'il avait promis à son jumeau que cette fois il serait là (en général il n'allait pas voir ses récitals parce qu'il se sentait toujours inférieur face à son génie de la musique). Le programme étant des plus ennuyeux, il ne tarda pas à s'endormir devant et se réveilla en sursaut des heures plus tard. Quelle heure était-il ?! S'il avait manqué le concert... Mais un coup d'œil à son portable le rassura : il était encore dans les temps. Enfilant rapidement le costume qui lui servait pour travailler au club, il se dépêcha de sortir pour prendre le bus. Un monde surprenant attendait déjà devant l'entrée principale, ce qui l'étonna pour un récital de musique "classique", mais en tant que frère de la guest star, il avait un pass backstage qui lui permettait de passer par l'entrée des artistes er donc d'éviter la foule. Après quelques minutes, il put entrer dans la salle et se dirigea vers les coulisses. C'est alors qu'il arrivait vers la loge de Koya, qu'il apperçut la personne qu'il pensait le moins voir de la soirée et encore moins à cet endroit.

- Yu ' ! s'exclama-t-il, content de voir un visage connu parmi tous ceux qui l'entouraient, avant de l'enlacer et de l'embrasser passionnément. Bah qu'est ce que tu fais là ? Tu m'avais dis que tu pouvais pas te libérer. Si tu voulais me faire une surprise, elle est réussie !

En compagnie de ses camarades du conservatoire de Tokyo, Yukio participait à un concert à Kyoto. Il allait avoir plusieurs prestations pendant la soirée, un récital solo de piano, une chanson qu'il allait chanter accompagné par un pianiste, et une chanson qu'ils allaient à cappella en trio avec un chanteur célèbre et un de ses camarade. Ce concert représentait aussi prestation avec le conservatoire de Tokyo et sa première avec celui de Kyoto. Son transfert à Kyoto ayant été acté, il avait profité de cette occasion pour s'installer dans cette ville.

La journée était chargée, les dernières répétitions et les préparations avant le concert allaient bon train, tout le monde courrait partout. Yukio aussi répétait et essayait de se détendre. Bien qu'il adorait chanter ou jouer de la musique, ainsi qu'être sur scène, ça ne l'empêchait pas de ressentir un grand stress. Aussi, se baladait-il dans les coulisses, essayant de se calmer lorsqu'une voix l'interpela.

Yu' ? Qui pouvait l'appeler ainsi ici ? Il ne connaissait personne à Kyoto et aucun de ses camarades du conservatoire ne l'appelait ainsi. Il n'eut pas plus le temps de s'interroger sur cette personne qu'il se retrouva pris dans une étreinte fort agréable et que des lèvres se posèrent sur les siennes avant d'entamer un baiser torride.

D'abord surpris et choqué, Yukio sentit soudain son cœur s'emballer de plus en plus frénétiquement au fur et à mesure que le baiser durait. Ses jambes le lâchèrent presque et il se raccrocha à cette personne si mystérieuse, mais si… ouah… Le baiser fini, Yukio avait quitté la réalité et planait dans une sphère douce et inconnue pour lui, un sourire d'extase s'étirait sur ses lèvres, son stress et même le concert étaient à présent loin de lui.

« Ano… ouah… Qui… Qui êtes-vous ? » Yukio avait pu retrouver un semblant de raison pour poser cette question.

La soudaine question de son petit ami surprit tellement Kaito, qu'il en resta muet l'espace de quelques instants, regardant simplement son compagnon en clignant des yeux, avant d'éclater de rire.

- "Qui êtes-vous ?", le singea-t-il gentiment. Super drôle, Yu', tu m'avais caché tes talents de comique. Tu es venu voir le solo de Koya je parie. Tu m'étonne, tout les gens de la région veulent le voir. Allez viens.

Sur ces mots, il prit sa main et alla ouvrir la porte.

- Hey Ko', comme promis je suis là.

Il se retourna.

- Et t'es pas venu seul on dirait, tu as amené la petite friandise.
- L'appelle pas comme ça. Il s'appelle Yukio et c'est sérieux entre nous.
- Je vois ça. Je te l'avais dis en même temps, hein.(il se tourna vers le plus âgé) Salut Yukio. Je crois que je ne me suis jamais présenté correctement alors... Je suis Konami Koya, le frère jumeau de Kaito si tu ne l'avais pas remarqué. J'espère que tu n'as pas l'intention de jouer avec mon frère.
- Dis pas de conneries, Ko'. Bien sûr qu'il en a pas l'intention. Bon comment tu te sens ? Ca va aller pour le concert ?
- Evidemment. Je te rappelle que je fais des récitals depuis mes six ans. Je suis un pro.
- Ouais, ouais... Bon on te laisse, on va aller s'installer dans la salle. Met le feu, ok ?
- T'inquiète.

Kaito reprit alors la main de son petit ami et quitta la loge de son frère.

Yukio ne comprenait pas la réaction du jeune homme qui l'avait si soudainement embarrassé, d'ailleurs ses joues étaient encore tellement rouge et il avait du mal à s'en remettre. Était-ce une habitude à Kyoto d'embrasser des inconnus ? Mais surtout… Pourquoi avait-il eu un fou rire à sa question ? Elle était pourtant légitime non ? Et il n'était pas tellement doué pour faire rire les autres habituellement, alors pourquoi comique ?

« Ano… Non.. Je… Koya ? Qui… ? »

Tout se bousculait tellement dans sa tête qu'il avait du mal à poser des questions ou même répondre à ce jeune homme. Surtout lorsqu'il lui prit la main comme si c'était chose la plus naturelle du monde. L'inconnu l'entraina vers une loge, il devait connaître quelqu'un qui participait au spectacle, mais Yukio ne regarda même pas où il l'emmenait, son regard était fixé sur cette main chaude qui tenait la sienne.

Une étrange sensation se répandait en lui, en partant de ce contact si inédit pour lui, sa main était si douce et si chaude. Son regard quitta enfin leurs mains pour se poser sur le visage en profil du jeune homme, son sourire, ses traits sans défaut, il le trouva… beau… Une autre voix s'adressa à lui et il sursauta, comme l'autre aussi pouvait le connaître ? Ils ne s'étaient jamais vus. Jouer ? De quoi parlait-il ? Il était totalement perdu. Il le saurait quand même s'il sortait avec ce… Kaito ? Saluant par politesse le fameux jumeaux, il tenta de lui répondre.

« Non…Je ne… Jouer ? Mais qui… »

Il était tellement perdu que sa voix ne semblait pas vouloir sortir normalement, et celui qui devait s'appeler Kaito répondit à sa place. Les deux autres parlèrent alors de récital, le deuxième faisait donc bien partie du concert, mais ce n'était pas un de ses camarades, donc il était de Kyoto. Yukio ut de nouveau coupé dans ses réflexions lorsque Kaito reprit sa main pour l'entraîner dehors. Ils prenaient la direction de la salle, probablement pour s'installer parmi les spectateurs. Yukio s'arrêta alors, forçant l'autre à s'arrêter aussi.

« A…Attendez ! Où allez-vous ? Et qui êtes-vous ? » Demanda-t-il un peu plus assurément qu'avant, sa main toujours bien au chaud dans celle de l'autre, avant de continuer. « Je ne sais pas qui vous pensez que je suis… mais… Vous avez dû me confondre… avec un autre… » De moins en moins assuré, le jeune chanteur buttait sur quelques mots alors que ses joues se teintaient de rose bien soutenu. « Et… Je dois aller par là… » Ajouta-t-il en pointant du doigt les coulisses et les loges où s'entrainaient et se préparaient les artistes de la soirée…

Stoppé dans sa progression par son petit ami qui faisait de la résistance il ne savait trop pourquoi, Kaito se tourna vers lui.

- Comment ça qui je suis ? releva-t-il, effaré. Tu crois vraiment que je pourrais me tromper sur l'identité de mon petit ami ? Je suis pas gâteux hein...

Perdu, le jeune homme fixa son compagnon qui semblait perturbé et pas du tout en train de rire comme il le faisait souvent. Qu'est ce que c'était que ce cirque ?
Il regarda son interlocuteur avec attention : exactement le même visage, les mêmes yeux, le même nez... jusqu'à la voix, parfaitement identique et le même prénom en prime. Mais se pourrait-il que...
Pris d'un doute, il jeta un œil en direction de la loge de son propre jumeau. Mais jamais Yukio n'avait mentionné le fait que, comme lui, il avait un frère qui était sa copie conforme.

- Tu es bien... Asano Yukio, hôte au Papillon Rouge... pas vrai ? fit-il, incertain.

Petit-ami ? Alors ce jeune homme le prenait vraiment pour son petit-ami. Comment était-ce possible ? Il devait pourtant bien connaître son petit-ami pour se rendre compte qu'il n'était pas lui. D'ailleurs la pensée qu'il puisse l'être lui traversa l'esprit et lui parue étrangement agréable, le copain de ce jeune homme devait avoir beaucoup de chances de l'avoir.

Le jeune homme, Kaito, semblait enfin se rendre compte de son erreur, il avait d'ailleurs lâché sa main, ce qui était bien dommage selon le chanteur. Son air rieur devint suspicieux et effaré.

« Ano… Je suis bien Yukio… Mais Saito Yukio… Je suis… Musicien et chanteur au conservatoire de Tokyo… Et bientôt à celui de Kyoto… » Expliqua-t-il en hésitant quelque peu, buttant sur certains mots. « Je… Je suis là pour le concert… »

Yukio se doutait qu'avec cette explication, son interlocuteur allait sans doute s'en aller avec une simple excuse. Que pourrait-il attendre de plus ? Il n'était qu'un inconnu pour lui, même s'il ressemblait à son petit-ami. Le jeune chanteur avait l'inexplicable envie qu'il reste un peu plus avec lui… Bizarre non ?

« Je… Je ressemble tant que ça à votre petit-ami ? C'est… Troublant… »

Halluciné, Kaito fixa son interlocuteur qui venait de lui confirmer la belle erreur qu'il venait de faire. Le même visage, la même silhouette, la même voix, le même prénom... mais pas la même personne. Qu'est ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Enfin il avait entendu dire que chaque personne sur terre avait un double mais là... dans la même ville... c'était une coïncidence plus que troublante. Et brusquement, il se sentit très embarrassé d'avoir enlacé et surtout embrassé un garçon qui était finalement un total inconnu. S'il s'écoutait, il prendrait juste la fuite pour cacher sa gêne, mais déjà, sa fierté ne supporterait pas une telle lâcheté et ensuite... comme lorsqu'il avait rencontre son Yukio, une force étrange semblait le pousser à rester près de lui.

- Oui... Tu... Tu lui ressemble comme un jumeau en fait... Autant que je ressemble à Koya. (il s'interrompit, puis s'éclaircit la voix et reprit) Je suis Konami Kaito, j'aurais bientôt 21 ans et pour le moment je suis hôte dans un club gay qui s'appelle le Papillon Rouge. Koya, dans la loge de laquelle on était, est mon frère jumeau et nous avons aussi une sœur jumelle qui s'appelle Kanon et fait des études de journalisme. Koya est soliste au violon pour le concert de ce soir et il étudie la médecine, expliqua-t-il à son interlocuteur en oubliant volontairement de parler de son frère aîné. (il s'interrompit de nouveau et laissa passer quelques secondes avant d'ajouter) Désolé pour la méprise, le baiser et tout ça... J'espère que je ne t'ai pas fais peur...

Le jeune homme savait qu'il aurait du s'en aller, laisser Yukio vaquer à ses occupations qui devaient être nombreuses puisqu'il faisait partie du concert, mais il n'arrivait pas à s'y résoudre.

Yukio avait posé sa dernière question parce qu'il était intrigué, mais aussi parce qu'il espérait que ça pousserait le jeune homme à rester un peu plus longtemps avec lui. Il avait bien senti pendant un moment que son interlocuteur semblait vouloir s'enfuir loin de lui, mais à sa grande surprise, il resta avec lui et répondit à sa question. Il lui raconta même des détails sur sa famille, des choses qu'il ne devait sûrement pas raconter au premier inconnu venu non ? Serait-il un privilégié ? Konami Kaito. Joli nom… 21 ans ? Il était donc plus jeune que lui. Yukio avait l'impression de boire les paroles de Kaito, sa voix sonnant telle une douce musique dans son oreille.

« Tu as de la chance d'avoir des frères et sœurs… » Sans faire attention, Yukio s'était mis à le tutoyer lui aussi. « Je suis fils unique, j'aurais bien aimé en avoir… Mais je pense que mes parents ne pouvaient pas en avoir vu qu'ils m'ont adopté… » Pourquoi donc lui racontait-il sa vie lui aussi ? Étrangement il en avait envie, de se confier à lui. « Et euh… Non tu ne m'as pas fait peur… C'était plutôt… Agréable… » Ajouta-t-il en rougissant.

Ohlala… Comment il avait osé dire ça… Son premier baiser… Et il disait qu'il avait trouvé ça agréable ? C'était bien plus qu'agréable en fait. Mais dire que ce baiser lui avait fait découvrir un monde inconnu de sensations plus violentes et délicieuses les une que les autres… Ses joues étaient tellement rouges, qu'il posa ses mains dessus pour essayer de les refroidir, alors que ses yeux pétillaient d'envie… Il voulait y regoûter…

Alors le sosie de son Yukio avait été adopté et était aussi fils unique. Ca commençait à être vraiment étrange toutes ces coïncidences entre eux... Et il n'était pas loin de se dire qu'il y en avait un peu trop pour que c'en soit vraiment. C'était complètement fou comme théorie mais puisque ce Yukio-là avait été adopté... est ce qu'il ne pourrait pas être un genre de jumeau caché du sien, comme dans les films et les romans ? Comme si... ils avaient été séparés à la naissance parce que les Asano ne pouvaient pas subvenir aux besoins de deux enfants en même temps... ou quelque chose du style... C'était dingue, mais le raisonnement tenait finalement pas mal la route quand on mettait tout bout à bout. Par contre... pour valider sa théorie, il faudrait qu'il arrive à les mettre en présence tous les deux. Et pour ça... il devait rester en contact avec ce Yukio-là. Et étant donné la réaction similaire que tous les deux avaient à son contact, le moyen qu'il entrevoyait pour arriver à ses fins était... plutôt déloyal, donc plus dans le style de Koya que dans le sien. Mais comment faire autrement ?
S'excusant mentalement auprès de son petit ami pour ce qu'il s'apprêtait à faire, il enlaça de nouveau le garçon qui lui faisait face et l'embrassa de nouveau passionnément, exactement comme il avait pris l'habitude de faire avec son copain. Si après ça le musicien ne devenait pas lui aussi accro à ses baisers et ne souhaitait pas plus que tout rester près de lui, il n'avait plus qu'à abandonner.

- Désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris... s'excusa-t-il faussement en se disant qu'il fréquentait son frère de bien trop près et qu'il le contaminait de façon négative. Je sais que c'est mal, mais j'avais très envie de t'embrasser encore une fois...

Yukio ne savait pas ce qu'il espérait. Pour une raison inconnue, il voulait que cet inconnu reste près de lui, mais il savait qu'il avait un petit-ami et qu' il ne resterait donc qu'une rencontre fortuite pour lui. Il aurait aussi dû aller se préparer pour le concert, mais il n'arrivait pas à se décider de s'éloigner. Les joues toujours aussi rouges de son trouble, il n'osait pas parler plus et attendait sa réaction en l'observant attentivement. Kaito sembla passer par différentes émotions, la stupeur, la réflexion, et d'autres qu'il ne capta pas. Yukio se demandait à quoi il pouvait tant réfléchir et plus les secondes passaient, plus il se disait que cette rencontre allait finir ainsi.

Les lèvres douces et chaudes qui se posèrent sur les siennes le coupèrent dans ses réflexions. Resté quelques secondes figé par la stupeur, la passion de ce baiser eu rapidement raison de lui. Il fut de nouveau transporté dans un monde inconnu et si violemment agréable, puissant, qu'il en aurait défailli s'il n'était pas entre les bras de cet inconnu très… attirant ? Réfléchir pour trouver un autre qualificatif était trop compliqué pour lui pour l'instant.

« Hein ? Quoi ? » Le jeune chanteur avait du mal à revenir à la réalité. Il réalisa soudain ce qu'il s'était passé. « Mais… Pourquoi ? Tu… » Et son copain alors ? Mais ce baiser avait été si… ouaaah… « Je… Moi aussi… Moiaussij'enavaisenvie… » Ajouta-t-il très vite en rougissant fortement.

Le même air extasié après un baiser... Même sur ce point, son Yukio et celui-ci étaient identiques. Ca devenait vraiment bizarre, il avait l'impression d'avoir un petit ami possédant deux corps distincts mais identiques et ça perturbait légèrement le pauvre Kaito. Mais s'il voulait avoir la confirmation de sa théorie farfelue, il devait s'assurer que son interlocuteur n'aurait pas d'autre souhait, une fois le concert terminé, que de rester près de lui le plus longtemps possible. C'était clairement de la manipulation à la Koya et le jeune homme se sentait atrocement coupable de recourir à un tel moyen, mais encore une fois, comment faire autrement ? S'il en restait là, il était presque certain que jamais il ne reverrait Saito Yukio et il ne saurait jamais le fin mot de l'histoire.
Même sa façon adorable de rougir pour un rien et d'avouer ce qu'il pensait sans filtre était les mêmes que celles de son compagnon.

- Je ne saurais pas te dire pourquoi, mais ce que tu me dis me fait très plaisir alors que je ne devrais pas. (il hésita, puis reprit dans un petit sourire) Si tu es libre après le concert, je voudrais te parler encore un peu. Je ne te retiendrais pas longtemps, promis. Je vais te laisser te préparer, je m'en voudrais de te déconcentrer. Je te regarderais depuis la salle. Bonne chance, Yukio.

Sur ces mots il s'éloigna, non sans s'être retourné une dernière fois pour faire un signe de la main à son interlocuteur.

Encore tout chamboulé par ce baiser, ou plutôt ces baisers, Yukio en avait presque oublié la raison pour laquelle il se trouvait ici. Pourtant chanter et être sur scène était sa raison d'être, tout dans sa vie tournait autours de ça. Et cet inconnu avait presque réussi à le lui faire oublier en quelques minutes. Comment était-ce possible ? Il avait envie de rester près de lui encore, l'idée de s'éloigner lui était presque douloureuse, comme une intense sensation de vide. Mais Kaito avait raison, il avait un concert à assurer , il devait donc se préparer… Et essayer de se concentrer, sans penser à ce beau jeune homme qui lui avait volé son premier baiser… Mission impossible hein ? Il fallait bien pourtant…

« Oui je suis libre… » Répondit-il avec un peu trop d'entrain avant de reprendre d'une voix plus normale, les joues rouges. « Ça me plairait de parler encore un peu avec toi… Alors…. On se retrouve après ? Tu viendras… Dans les loges ? » Il n'était pas encore parti qu'il avait déjà hâte de le retrouver. « J'espère que tu vas apprécier le concert… Merci… A tout à l'heure… »

Yukio s'éloigna lui aussi, en direction des loges, non sans se retourner vers Kaito pour lui répondre d'un signe de la main. Arrivé dans la loge qu'il partageait avec des camarades de Tokyo, un immense sourire barrait son visage, des étincelles brillaient dans ses yeux. Ses camarades se moquèrent gentiment de lui, après tout il était le petit ange adorable que tout le monde aimait et qui les quittait pour s'installer à Kyoto, lui disant qu'il semblait être amoureux. Yukio essaya de les détromper, ses joues écarlates leur donnant pourtant raison, il n'y connaissait rien, ce ne pouvait donc n'être que des bêtises. Sous les rires de ses amis, Yukio s'habilla d'un costume gris perle et d'une chemise blanche immaculée. Il passa ensuite entre les mains d'une maquilleuse et coiffeuse, tout devait être parfait pour ce concert. Il essaya pendant ce temps là de se concentrer sur ses prestations à venir, tentant de chasser de son esprit ce bel inconnu, ses sourires charmeurs et ses baisers endiablés. Chose quasi impossible, il le fallait pourtant.

Sa première prestation de la soirée était presque au début du concert, un solo de piano. Pendant le morceau précédent, il s'efforça à ne penser qu'à la musique, oubliant qui se trouvait dans l'assistance à l'observer. Pendant les applaudissements clôturant ses prédécesseurs, il s'avança vers le magnifique piano à queue blanc au centre de la scène et s'y installa après avoir salué le public. Ses mains, tendues au dessus des touches d'ivoire, tremblaient un peu, ce n'était pourtant pas son habitude tant il vivait pour la musique. C'était de sentir le regard de Kaito sur lui qui le troublait. Deux respirations profondes plus tard, il avait retrouvé son calme et commencé son morceau. C'était un morceau assez difficile, mais pas pour lui, les notes s'envolaient avec force et légèreté, diffusant une émotion presque palpable, si bien que presque toute la salle retenait son souffle. Le morceau finit, il se leva et salua sous les applaudissements sonores.

De retour dans la loge, Yukio se sentait heureux, comme à chaque fois qu'il plongeait dans cet univers de musique. Il était content de sa prestation et le public semblait en être content aussi, que demander de mieux ? Il lui restait un peu de temps avant sa seconde participation, cette fois il allait chanter seul, accompagné par un ami au piano. Il espérait encore une fois que le public allait apprécier. Ai Nante… C'était une chanson qui parlait d'amour et qu'il avait écrite assez longtemps auparavant. Même s'il n'avait jamais connu l'amour, il se plaisait à l'imaginer, se basant sur les histoires qu'il connaissait dans les mangas ou à la télé. Mais il s'était imaginé vivre un amour puissant, comme dans les plus belles histoires d'amour, et cette chanson était née à ce moment là. Jusqu'à présent, elle ne s'adressait à personne en particulier, mais en cette soirée particulière, il se surprit à voir apparaitre le visage de Kaito alors qu'il la répétait. Cela voulait-il dire quelque chose ?

L'heure de sa prestation arriva et il fut coupé dans ses pensées, mais l'image de Kaito restait encore. Arrivé sur la scène, Yukio salua de nouveau le public et s'installa sur un tabouret haut, près du piano sur lequel il avait joué précédemment, où son ami avait pris place. La musique commença doucement avant que sa voix ne s'élève. Douce et légère au début, prenant de la force par moment, sa voix vibrait avec émotion alors que son regard cherchait un visage précis dans la foule. Les lumières ne l'aidaient pas à voir le public, mais il finit par l'apercevoir au premier rang. Chanter en pensant que Kaito l'écoutait et le regardait le rendit encore plus sensible, comme si cette chanson avait enfin trouvé son destinataire. Ne quittant pas des yeux celui qu'il pensait être Kaito, les dernières paroles et le dernières notes de musique s'évanouirent, et dans un magnifique sourire, il salua la foule avant de sortir de scène.

Encore sur son petit nuage, Yukio regagna la loge, le cœur ronronnant. Ce soir il avait chanté pour une personne en particulier , c'était la première fois qu’il ressentait ça. C'était tellement fort et tellement plaisant à la fois qu'il ne savait pas trop quoi en penser. Mais il devait garder ça pour plus tard, après le concert il le retrouverait. Malgré cette hâte qu'il ressentait, son dernier morceau allait bientôt débuter, il allait chanter avec une vraie star qui avait déjà vendu des tas d'albums, et même si ça l'intimidait un peu, il savait qu'il allait pouvoir montrer la puissance et la justesse de sa voix dans ce trio, accompagné par un orchestre à corde. De plus, comme c'était sa dernière prestation de la soirée, il s'en donna à cœur-joie, faisant le plein de pur bonheur, il était de nouveau dans son univers magique et merveilleux fait de chants et de notes de musique.

Saluant avec enthousiasme le public une nouvelle fois, il retourna dans les coulisses, souriant comme un bienheureux, irradiant d’une joie communicative alors que celui qu'il reconnut comme le frère de Kaito montait sur scène. Cette façon de jouer du violon était exceptionnelle, il était drôlement doué, Yukio, qui était lui-même une sorte de génie de la musique, reconnut sans complexe que Koya Konami en était un encore plus doué que lui. Il profita de sa prestation à partir des coulisses très près de la scène, et en prit plein les oreilles.

Le concert se terminant ainsi, tous les artistes rejoignirent Koya et ses danseurs sur scène pour un salut général sous les applaudissements du public avant de se disperser de nouveau dans les loges. Yukio s'affala sur le canapé présent dans leurs loges, un immense sourire sur les lèvres alors qu'il planait encore sur son petit nuage.

En allant s'asseoir dans la salle, la tête occupée par ce Yukio qui n'était pas le sien, Kaito se rendit compte que le quart des places de la salle étaient occupées par des membres du fan-club de son frère. Elles étaient toujours là à chacune de ses prestations aussi courte soit-elle. Elles avaient déployé une énorme banderole sur laquelle était écrite la phrase "Koya-sama tu es le meilleur !". Le jeune homme savait que ce genre de phrase flattait énormément l'égo déjà démesuré de son jumeau dès lors qu'il s'agissait de son art et qu'il en jouait à plaisir. Il se comportait en fait comme un idol et si Kaito devait être honnête, il en était une. Un idol du violon moderne. Il avait carrément des danseurs attitrés et même un car personnel pour les moments où il devait partir en tournée après la sortie d'un album. Ce n'était pas très souvent car ses études de médecine lui laissaient assez peu de temps libre, mais du coup vu son planning (géré par un manager), Kaito s'était toujours demandé comment il trouvait le temps de draguer des mecs et de se comporter comme il le faisait. Si ses fans savaient qu'il n'était pas ce qu'il paraissait, elles feraient une drôle de tête.

Secouant la tête, il prit place à celle que Koya lui avait réservée au premier rang. Il n'était pas fan de musique classique loin s'en fallait, il trouvait ça ennuyeux à mourir, mais comme il avait promis à Koya d'être présent, il avait décidé d'endurer le récital jusqu'à la fin (Koya ne devait performer qu'à la toute fin. En clôture en quelque sorte, avec trois musiques tirées de son nouvel album). Mais ça... c'était avant. Avant sa rencontre avec le second Yukio, le jumeau du sien (il en était persuadé).
Quelques minutes plus tard, les lumières de la salle s'éteignirent et la scène s'alluma pour que l'orchestre puisse entrer et se placer. Il y avait quatre violonistes classiques, un violoncelliste, une harpiste et un pianiste, tous issus du conservatoire de Kyoto (s'il en croyait le programme qu'on lui avait remis à l'entrée du moins). Une salve d'applaudissements polie salua leur entrée et Kaito pouffa en se disant que tous ces gens allaient comprendre grâce à Koya qu'un violoniste pouvait mettre le feu à une salle aussi bien qu'un idol. Koya n'avait pas besoin de chanter (ce qu'il faisait d'ailleurs très mal), son talent pour le violon parlait pour lui.

Après un temps qui sembla infini au jeune homme qui s'ennuyait, l'orchestre quitta la scène qui fut rapidement débarrassée des chaises et pupitres par les bons soins du staff, Kaito vit entrer Yukio, très élégant dans son costume gris perle et le suivit du regard alors qu'il allait s'asseoir devant le piano. Il n'avait pas regardé le programme à part pour la partie concernant son jumeau, donc la surprise était totale pour lui. Et la surprise se mua en stupeur lorsqu'il commença à jouer. Ses mains fines virevoltaient sur les touches, semblant à peine les effleurer alors qu'une musique, certes classique mais envoûtante, s'élevait de l'instrument et Kaito se fit la réflexion que s'il jouait avec Koya, le duo a lui seul serait sûrement capable de remplir la salle. Lorsque le morceau s'acheva, une nouvelle salve d'applaudissements polie monta du public mais lui se mit à applaudir à tout rompre, enchanté de ce qu'il venait d'entendre. Il ne savait pas si son Yukio était capable de ça, mais celui-ci le faisait à la perfection.

Son enthousiasme retomba lorsqu'un violoncelliste entra seul sur la scène et il soupira. C'était vraiment ce qu'on appellait souffler le chaud et le froid niveau ambiance. Les sons tirés de cet instrument étaient toujours horriblement mélancoliques, il ne comprenait pas qu'on puisse aimer en jouer ou en écouter. Le jeune homme soupira discrètement alors que la salle applaudissait de nouveau poliment. Ce public était vraiment chiant (même les fans de Koya semblaient aussi éteintes que leurs penlights). Ca allait leur faire tout drôle quand son frère allait arriver.

Il en était là de ses réflexions lorsque Yukio entra de nouveau sur la scène, suivi d'un second garçon qui s'assit au piano.
Ne comprenant pas trop ce qui se passait, Kaito s'apprêtait à ouvrir le programme pour regarder ce qui était prévu, mais le piano mit fin à son geste alors qu'une voix pure et cristalline s'élevait. La voix de Yukio. Wow... d'où tirait-il une voix aussi magnifiquement angélique ? Quant aux paroles... Honnêtement, s'il n'avait pas su que la chanson ne pouvait pas avoir été écrite suite à leur rencontre, Kaito aurait presque pu en jurer. Soudain, son regard accrocha celui de Yukio et le jeune homme se sentit tout drôle. L'impression était étrange, il lui semblait que c'était son petit ami qui chantait sur scène. L'instant semblait hors du temps. Il n'y avait plus de salle, plus de public, juste eux deux et cette impression diffuse de le connaitre depuis longtemps, depuis toujours. La même qu'il avait eue en rencontrant son petit ami.
Mais une fois encore, l'instant hors du temps prit fin au dernier accord de piano, à la dernière note chantée par la voix magique de Yukio. Il fit a peine attention aux musiciens qui prirent la suite et ne put empêcher un sourire de fleurir sur ses lèvres en voyant revenir l'objet de ses pensées, accompagné cette fois. La voix angélique fit des merveilles une fois encore et le jeune homme se dit qu'il faudrait vraiment qu'il le complimente après le concert.

Il remarqua alors que le staff était en train de débarrasser la scène. Ce qui signifiait que l'heure de la prestation de Koya était venue. Il jeta un coup d'œil au fan-club brusquent réveillé et les entendit crier à son entrée sur scène comme à un concert d'idols de jpop. Comme si Koya et son violon étaient à eux seuls News ou Arashi. Il commença d'ailleurs son numéro par faire un clin d'œil charmeur à ses fans et leur envoya un baiser du bout des doigts, avant d'être rejoint par ses six danseurs. Le premier morceau, Kaito le reconnut immediatement, c'était son préféré "Roundtable rival". Il était si rythmé et Koya vivait tellement sa musique, que très vite, la salle à moitié amorphe se mit à tapper des mains en rythme, à l'unisson du fan-club qui scandait le nom de Koya. Voilà comment réveiller un public ! Le second morceau, "master of tides" était tout aussi entraînant et les gens dans la salle se levèrent. Du coin de l'œil, Kaito vit même certains des spectateurs se mettre à danser et le troisième "moon trans" eut le même effet sur l'assemblée. C'était une fois de plus mission accomplie pour son frère, qui eut même droit aux rappels de la part d'un public à la base tout sauf réceptif.
Lorsque la dernière note s'éteignit, tous les musiciens ayant participé au show rejoignirent Koya sur scène pour le salut final, puis le rideau tomba et les spectateurs quittèrent la salle un à un. Ce fut le signal, pour Kaito, de rejoindre les coulisses. Il devait féliciter son jumeau, mais surtout retrouver Yukio.

- Hey frangin, t'as encore réussi a enflammer la salle. Bien joué, dit-il en entrant dans la loge personelle de son frère.
- Evidemment. C'est moi, répliqua Koya qui n'était pas modeste pour un sou quand il s'agissait du violon. Au fait t'as remarqué ?
- Quoi ?
- Le mec qui a chanté, c'est le sosie de la petite friandise.
- Je t'ai déjà dis de pas l'appeler comme ça. Et oui, bien sûr que j'ai remarqué.
- Tu en pense quoi ?
- J'en pense... qu'ils sont probablement jumeaux mais que pour une raison x ou y ils ont pas pu être élevés ensemble. Ils ont le même physique, la même voix, le même prénom, des réactions identiques...
- Ce que tu décris s'apparente plus à un clone qu'à un jumeau.
- Tu lis trop de science-fiction, Ko.

Il haussa les épaules.

- Crois ce que tu veux. Tu vas faire quoi vis à vis du sosie ?
- Je sais pas. Aller le voir déjà. Après... j'aviserais.
- Et pour la petite fri... Yukio ? Tu vas faire quoi ?
- Qu'est ce que tu veux dire ?
- Tu as une idée en tête depuis que tu as vu le sosie pas vrai ? Mens pas, je te connais par cœur. Donc ?
- Je lui ai envoyé un message pour lui demander de me rejoindre devant la salle. Je veux les confronter pour voir si j'ai raison.
- Pas con. Et ensuite ?
- Je verrais comment ils réagissent. Allez je vais le voir, il doit m'attendre.
- A plus alors.

Le jeune homme quitta la loge de son frère et alla frapper à celle de Yukio, avant d'ouvrir le battant.

- Salut. Je peux entrer ?

Affalé sur le canapé de la loge, Yukio baignait dans un océan de félicité, un immense sourire de bienheureux sur les lèvres. Déjà le fait d'avoir chanté le rendait heureux comme toujours, mais sa rencontre avec Kaito le rendait totalement euphorique. Quand il l’avait vu dans le public, son regard n'avait pas pu se détourner de lui, il était tellement magnétique. Sa chanson, il aurait aimer la chanter rien que pour lui et qu'elle lui transmette ce qu'il ressentait. Mais que ressentait-il exactement ? Il ne le savait pas mais il sentait son cœur ronronner et se réchauffer dès qu'il pensait à lui et à son sourire. Quelle était cette magie ?

Perdu dans ses pensées, Yukio n'écoutait même pas ce que ses amis racontaient, ce qui les faisait bien rire. Haru, son ami qui l'avait accompagné au piano pour sa chanson, vint s'installer sur le canapé près de lui et le poussa un peu pour qu'il capte enfin sa présence.

« Et bien p'tit ange qu'est-ce qui t'arrive ? C'est rare de te voir aussi à l'ouest… » Rigola-t-il.
« Nani ? » A l'ouest le Yukio ? Naaan à peine… « C'était génial ce soir hein ? C'était magique même… » S'enthousiasma-t-il alors, provoquant de nouveaux rires chez son ami.
« Ce concert ressemblait pourtant aux autres…. Et si… C'était à cause de ce jeune homme… Tu sais ? Celui que tu as vu… avant le concert… » Son ton suspicieux devenait de plus en plus amusé à mesure que les joues du jeune chanteur rougissaient. « Tu sais, celui qui t'a embrassé siiiii passionnément… »
« Aaaaaaah… Chuuuuuut… Comment tu sais ça toi ? » Les joues écarlates , Yukio essaya de faire taire son ami de plus en plus hilare.
« Hahaha…. C'est trop mignon… Dis moi c'est qui ce jeune homme ? Il est très beau… »
« C'est… Un jeune homme… qui m'a pris pour son petit-ami… Et qui est très beau en effet… » Répondit-il avec un sourire candide.
« Et qui embrasse bien hein ? »
« … Voui… » Ca il ne pouvait pas le nier…
« Moooh que c'est mignon… Le petit ange est amoureux… Hahaha »
« Mais arrête tu dis n'importe quoi… Même pas vrai… Et d'abord vas-y ils vont t'attendre… »
« Tu as raison… j'y vais… Et toi… Profite bien… Mais ne fais pas trop de bêtises… Hahaha… »

Haru se releva, toujours hilare, avant d’ébouriffer les cheveux du jeune chanteur aux joues écarlates, le faisant râler. Il récupéra ses affaires et se dirigea vers la porte pour rejoindre ses amis qui étaient déjà partis. La porte s'ouvrit avant qu'il n'ait le temps de le faire lui-même et un jeune homme fit son apparition. Haru eut un sourire amusé en le reconnaissant, le kisseur de petit ange.

« Tien… Quand on parle du loup… Entre donc monsieur le troubleur de petit ange… Il est là-bas sur le canapé… Prend soin de lui, je te le confie… »
« Haru !! Arrête de dire des bêtises ! »
« Hai, hai… Je vous laisse… » Répondit le fameux Haru en sortant, mort de rire…
« … Désolé pour ça… Il est…. Parfois un peu… Moqueur… » Bafouilla Yukio, gêné, mais heureux de le revoir.

Ne sachant comment réagir face à lui, le jeune chanteur resta silencieux quelques instant, avant de reprendre la parole timidement.

« Tu… Comment as-tu trouvé le concert ? Oh tu… Tu veux t'asseoir ? »

Les gentilles moqueries du pianistes désarçonnèrent un peu Kaito, mais il lui souhaita bonne soirée et, la porte refermée, fixa Yukio dont le visage avait pris une intéressante couleur tomate due à la gêne. De quoi, il l'ignorait, mais s'il en jugeait par les paroles du garçon qui venait de sortir, il avait certainement quelque chose à y voir.

- Le concert était plutôt pas mal, répondit le jeune homme en prenant place près de son interlocuteur sur le canapé, mais toi tu étais juste stupéfiant. Quelle voix incroyable ! Si claire, si pure... Et quel talent au piano ! J'ai été bluffé, c'était juste magique. C'est complètement idiot, mais j'ai eu l'impression que tu chantais pour moi. Ca doit faire des années que tu t’entraîne.

Il s'interrompit, cherchant comment amener ce qu'il souhaitait, puis demanda :

- Je sais que tu vas trouver ça rapide parce qu'on vient de se rencontrer mais... ça me ferait plaisir si tu acceptais de venir quelque part avec moi ce soir. Je te rassure, je n'ai pas de mauvaises pensées ou autres mais... en fait je voudrais te présenter quelqu'un.

Il prenait un risque en disant ça, mais il n'aimait décidément pas la manipulation, alors il ne voulait plus l'utiliser. Il n'était pas Koya après tout.

Rhalala sacré Haru, il n'en manquait pas une. Pourquoi avait-il dit ça à Kaito ? A présent il ne savait plus comment réagir face à l'objet de ses pensées, surtout lorsqu'il vint s'asseoir près de lui. Ses joues de dérougissaient pas. Le concert semblait être un bon sujet de conversation, Kaito semblait l'avoir à peu près apprécié. Ses compliments sur ses prestations lui firent vraiment plaisir . Qu'il ait apprécié sa façon de jouer et sa voix lui réchauffait le cœur, comme si son jugement était des plus important.

« Merci… » Répondit-il dans un doux sourire heureux, avant de rougir de nouveau en détournant le regard. « Je… C'était le cas… Enfin…. Je… C'était… Elle t'a enfin trouvé… La chanson… »

Mais qu'est-ce qu'il lui faisait dire ? Près de Kaito le jeune chanteur semblait bien trop bavard et troublé, si bien qu'il zappa la fin de sa phrase, mais se reconcentra sur la suite de ses paroles, parvenant même à le regarder.

« Oh… qui veux-tu me présenter ? Bien sûr que je veux bien t'accompagner. »

Comme s'il pouvait douter de lui, il n'avait pas besoin de préciser ses intentions, Yukio avait comme une confiance totale en lui. Etait-il aveuglé par cette vague de sensations inédites qui déferlait en lui ? Peut-être, mais il était sûr que Kaito était quelqu'un de bien.

La chanson... l'avait trouvé ? Que voulait-il dire par là ? Bon, peut-être que Kaito ne devait pas trop faire attention aux paroles qui s'échapaient de la bouche de Yukio en cet instant, parce qu'il avait l'air complètement shooté. Et le jeune homme ne savait pas trop si cet état d'euphorie lui était du ou si c'était à cause du concert qui venait de se terminer.

- Heu tu devrais peut-être te changer pour sortir, suggéra-t-il. La personne que je veux te faire rencontrer nous attend à l'extérieur de la salle.

Enfin si du moins son petit ami avait bien reçu son message et était venu au point de rendez-vous. Sinon il n'aurait plus de raison de retenir son actuel interlocuteur et, pour une raison inexplicable, il n'avait pas vraiment envie de s'éloigner de lui.

- Je sors pour te laisser te changer, déclara-il ensuite en se dirigeant vers la porte, le cœur inexplicablement serré.

Yukio avait eu tant hâte de retrouver le jeune homme à qui il avait pensé toute la soirée, espérant pouvoir à nouveau aussi proche qu'avant le concert, pouvoir…. Goûter à nouveau à ses lèvres peut-être. Cependant il avait déchanté quelque peu, trouvant Kaito plus…. Distant, ou plus froid. Sans doute avait-il trop espéré, ou mal interprété ses intentions ? Sans trop comprendre pourquoi, il sentit son cœur se serrer et une grande peine s'insinuer en lui.

« D'accord… je me dépêche… »

Regardant Kaito sortir, le jeune chanteur laissa échapper un gros soupir alors que ses yeux se chargeaient d'humidité cristalline. Après quelques secondes, il s'efforça à se calmer et à ne plus y penser, il devait se dépêcher, Kaito l'attendait. Enlevant son costume gris et sa chemise blanche, il en profita pour se démaquiller, n'aimant pas trop avoir cette substance sur le visage. Il remit alors les vêtements qu'il avait avant le concert, n'oubliant pas son chapeau, et sortit rapidement de la loge avec ses affaires pour rejoindre celui qui l'attendait.

« Me voilà… J'espère ne pas avoir été trop long… »

En attendant la sortie du musicien, Kaito dont le cœur battait comme un tambour il ne savait pourquoi, essayait de réfléchir à la façon dont il allait présenter les deux Yukio l'un à l'autre. S'il avait raison au sujet de leur gémellité (et c'était sûrement le cas), comme ils ne s'étaient jamais vus, ils allaient sûrement commencer par mettre en doute le fait qu'il soient frères, par émettre des objections au sujet de cette théorie farfelue, mais il faudrait bien qu'ils se rendent à l'évidence. Par contre ce qu'il ne s'expliquait pas, c'était l'attirance troublante qu'il éprouvait envers le second Yukio, alors qu'il était amoureux du premier. C'était d'autant plus perturbant que, simplement éloigné de lui par une porte, il avait malgré tout une sensation de vide et de froid assez désagréable et plutôt similaire à ce qu'il ressentait lorsque son petit ami n'était pas à ses côtés.
La voix de Yukio s'élevant brusquement à côté de lui fit sursauter le jeune homme, qui rassura son interlocuteur d'un sourire :

- Non, pas du tout, tu as même été plus rapide que je pensais. viens, sortons. En plus je parie que tu meurs de faim après le concert. On pourra aller manger tous les trois.

Si du moins la brusque rencontre des jumeaux ne leur coupait pas l'appétit, ce qui n'était pas sûr du tout.

Yukio avait trouvé la journée vraiment longue et presque ennuyante, chose extrêmement rare pour lui. Pour une fois que le jeune hôte et son petit-ami avaient un jour de repos en même temps, il n'avait pourtant pas pu le voir, Kaito passant la soirée au récital de son frère et lui s'étant engagé pour aider à une sorte de kermesse organisée par des amis de ses parents. Mais au final, il aurait mieux fait d'accompagner son petit-ami, il s'y était ennuyé comme un rat mort. Se retrouver seul chez lui après cette journée désastreuse d'ennui n'était pas ce qu'il aurait espéré, aussi, lorsqu'il reçut le message de Kaito lui demandant de le rejoindre, son cœur fit un bon et se prépara rapidement.

Yukio arriva en avance sur place, avant même l'heure de la fin du récital, mais il ne tenait tellement plus en place que rester dans son appartement avait été impossible. Alors il était là, devant le bâtiment, entendant en sourdine une musique entraînante qui ressemblait à du violon moderne, plutôt sympa. Autours de lui plusieurs personnes semblaient attendre aussi, mais ce n'était rien comparé au flot d'individus qui sortirent soudain. La plupart s'éparpillèrent, mais une partie, surtout de jeunes filles en fleurs, attendaient en piaillant, semblant attendre leur idole. D’après ce que lui avait dit Kaito dans son message, il allait sortir du côté de l'entrée des artistes, aussi se dirigea-t-il vers cet endroit, encore épargné par la cohue.

Après quelques minutes, une silhouette familière apparut par la porte que Yukio surveillait. L'apercevant, son cœur fit un bon et un immense sourire prit place sur ses lèvres. Il se précipita vers lui avant de lui sauter au cou, sans remarquer la personne qui l'accompagnait, et de l'embrasser passionnément.

« Mon Kaikai… Si tu savais comme tu m'as manqué aujourd'hui… Merci de m'avoir envoyé ce message… Une journée complète sans te voir, c'est trop… »

Le jeune chanteur suivait le jeune homme dans les coulisses, appréhendant la rencontre qui allait suivre. Qui voulait-il lui présenter ? Et pourquoi à lui alors qu'il ne se connaissaient presque pas et qu'il semblait de plus en plus distant, alors qu'ils étaient côte à côte. Avait-il faim ? Il n'en savait rien du tout, son esprit trop obnubilé par la présence de Kaito. Il eut tout de même la présence d'esprit de lui répondre.

« Oh… Ca va pour l'instant je n'ai pas vraiment faim. »

A peine furent-ils dehors, un jeune homme sauta au cou de Kaito avant de l'embrasser passionnément. Figé par la stupeur, le jeune chanteur les regarda en sentant son cœur se déchirer. Alors c'était ça ? Kaito voulait lui présenter son petit-ami, pour lui expliquer plus facilement qu'il n'y aurait rien de plus entre eux que ces deux baisers. Sentant les larmes lui monter aux yeux, il préféra rester un peu en arrière, le regard rivé vers le sol pour ne pas en voir plus, tentant de chasser ces maudites larmes et de retrouver son sourire. Il ne remarqua alors même pas la particularité de ce fameux petit-ami.

Dans son plan parfait, il y avait toutefois une chose que Kaito avait oublié de prendre en compte. Une chose même tellement essentielle que le jeune homme se demandait même comment il avait pu oublier de la prendre en compte. Non, même deux : les sentiments débordants de Yukio à son égard et le fait qu'ils avaient été séparés toute la journée. Du coup il fut complètement surpris lorsqu'un ouragan blond lui sauta littéralement dessus avant qu'il ait pu faire le moindre geste ni prononcer le moindre mot et l'embrassa comme si sa vie en dépendait ou qu'ils ne s'étaient pas vus depuis des semaines. Le contact de la bouche de son petit ami lui faisant toujours le même effet (bien qu'un peu moins dévastateur sur lui que sur son aîné toutefois), il commença par lui rendre son baiser avec passion, puis le repoussa doucement en murmurant "Nous ne sommes pas seuls, Yu', sois sage".
Il fit alors doucement pivoter son petit ami vers le chanteur et s'éclaircit la voix avant d'annoncer tout fort :

- Asano Yukio, je te présente Saito Yukio !

Il espérait que la similarité de leurs prénoms ferait relever la tête au musicien et qu'il s'apercevrait alors que le second Yukio était son sosie. Voir son jumeau comme il le pensait. Par contre il ne comprenait pas pourquoi brusquement, le deuxième Yukio était devenu monosyllabique à tendance muet, ni pourquoi il semblait trouver le sol fascinant alors que quelques minutes auparavant, c'était lui-même que, comme son Yukio à lui, il trouvait fascinant.

Le jeune hôte aurait pu rester ainsi, dans les bras de son chéri, à l'embrasser, toute la journée et toute la nuit. C'était vraiment là qu'il se sentait le mieux. En plus Kaito répondait à son baiser, cette fois il était sur son petit nuage. Le temps pouvait bien s'arrêter dans l'instant, ça ne le dérangerait pas, tant qu'il pouvait être avec son Kaikai. Malheureusement ce moment ne dura pas assez longtemps à son goût et il se devait d'être sage, comme le lui avait demandé sin Kaikai. En plus il semblait vouloir lui présenter quelqu'un, c'était sans doute important alors.

Se tournant vers l'inconnu, il ne remarqua pas tout de suite sa particularité, celui-ci ayant toujours la tête baissée, cachée par un chapeau, et l'éclairage public n'étant pas très performant. Il remarqua tout de même qu'il était aussi blond que lui, chose assez rare ici au japon.

« Yukio ? On a le même prénom c'est drôle… Enchanté de vous connaître. » Se présenta-t-il joyeusement avec un grand sourire.

Le jeune musicien fut choqué en entendant le prénom du petit-ami de Kaito. Yukio ? Ils s'appelaient pareil ? Quelle était cette coïncidence ? En entendant la voix enjouée du dit petit-ami, il releva la tête pour l'observer. Ce qu'il vit le choqua encore plus, il eut l'impression de se voir dans un miroir, avec un sourire plus enjoué cependant, alors que lui se sentait seulement triste.

« Comment… Tu… Vous… Enchanté… Mais… Pourquoi ? »

Comment était-ce possible ? Il comprenait mieux pourquoi Kaito l'avait confondu avec son amant… Mais ce n'était pas normal qu'ils soient si identiques…

Le jeune hôte avait quand à lui perdu son sourire lorsque l'autre avait relevé la tête. Tout d'abord choqué par la ressemblance, il remarqua rapidement les yeux rouges de l'autre et ses larmes. Sans savoir pourquoi, son instinct lui avait dicté d'aller le consoler. Aussi s'était-il précipité vers lui pour le prendre dans ses bras et sécher ses larmes.

« Ne pleure pas… Pourquoi es-tu si triste ? »

Alors qu'il essayait de consoler l'autre jeune homme, le jeune hôte se sentait étrange, comme si quelque chose en lui remuait ou voulait sortir de lui. Il passa outre pour s'intéresser au jeune homme en pleurs.

A la grande surprise de Kaito, lorsque Yukio numéro 2 releva finalement la tête, il se rendit compte qu'il pleurait. Et il ne s'en expliquait pas la raison. Qu'avait-il bien pu se passer dans sa tête en quelques minutes pour qu'il passe sans transition de l'euphorie aux larmes ? Perplexe, il vit alors sa peluche de petit ami aller prendre dans ses bras cet inconnu qui lui ressemblait si fort pour essayer de le consoler. Et lui les observait sans savoir quoi faire et encore moins quoi dire. Il n'était pas doué pour réconforter les gens, alors il valait mieux laisser faire celui qui avait le plus d'empathie mais il se sentait un peu inutile. En les voyant l'un près de l'autre, il était évident qu'ils étaient jumeaux mais étant donné les circonstances, il ne pouvait plus tellement le leur annoncer comme ça.

- Je ne sais pas ce qu'il a... dit-il à son petit ami d'un ton désemparé. Tout à l'heure il était aussi joyeux que toi en général et puis d'un coup, rideaux, des larmes.

Il détestait avouer son impuissance, son impossibilité à contrôler une situation. Ca revenait à avouer une faiblesse.

- Yu'... il... Je pense... que lui et toi vous êtes jumeaux, finit-il par dire, mais que vous avez été séparés à la naissance. Il y a que ça qui peut expliquer votre ressemblance. Vous avez le même prénom, le même visage, la même taille et la même voix... et mêmes vos réactions sont identiques. Toutes vos réactions.

Ne comprenant pas vraiment pourquoi il se sentait si triste, pourquoi il avait si mal au niveau de sa poitrine, le jeune musicien plongea son visage dans le cou de la peluche bienfaitrice qui le serrait contre lui. Ses bras l’entourèrent et se s'agrippèrent à sa taille, comme à une bouée de sauvetage. L’hôte glissait ses mains dans le dos et dans les cheveux de son sosie, essayant de le consoler, ne supportant pas de le voir si triste, alors qu'il ne le connaissait pas. C'était vraiment bizarre, c'était comme si le voir si triste lui faisait mal à lui-même, comme si un instinct protecteur venait de s'éveiller en lui.

« Qu'est-ce qui t'arrive ? Raconte moi… » Demanda doucement le jeune hôte au musicien.

Le jeune musicien dénia de la tête, comment expliquer ce qu'il ne comprenait pas lui-même ? Et dire à celui qui le consolait que c'était sans doute en partie à cause de lui ? Parce qu'il était le petit-ami de celui qui l’avait chamboulé avec seulement deux malheureux baisers ? Comment pourrait-il dire ça ? Malgré ça, la présence de l'autre Yukio l'apaisait, comme si ce manque qu’il ressentait depuis si longtemps se comblait peu à peu. Vraiment bizarre.

« Qu'est-ce que tu racontes ? » Demanda le jeune hôte à son compagnon alors que l'autre dans ses bras était trop occupé à essayer de se calmer pour les écouter. « Des jumeaux ? Comment ce serait possible ? C'est vrai qu'on se ressemble… mais … Des jumeaux ? Et pourquoi on porterait le même prénom en étant jumeaux ? » Le jeune hôte s'interrompit, la sensation bizarre semblait s’agiter encore en lui, encore plus forte qu'avant… Mais qu'est-ce que c'était ? « Kaikai… Que s'est-il passé ? Pourquoi tu dis qu’il a les mêmes réactions que moi ? »