Hypothèse une ; protocole A étude de cas

Oh mon dieu... Etait-il possible de se rendre plus ridicule qu'il ne l'était en ce moment même ? Sora en doutait fortement. L'idée de se terrer dans un trou de souris si cela lui avait été possible était infiniment tentante, mais ne le pouvant pas, il resta à sa place, ne sachant plus où se mettre. Il le savait pourtant, que son client était hétéro et même Tadayoshi l'avait mis en garde quelques minutes auparavant, alors à quoi jouait-il ? Mais les bras lui en tombèrent presque lorsqu'il l'entendit parler de ses relations et il retint son souffle lorsqu'il entendit ses derniers mots. Que voulait-il dire par là ? Que les relations n'étaient pas faites pour lui ? Ou bien était-ce l'amour en règle général ou bien... ou bien juste... les femmes ? Sora aurait tellement voulu que cette troisième possibilité soit la bonne, mais il ne voulait pas se faire d'illusions. Les illusions étaient dangereuses pour le cœur... et le sien avait déjà été brisé en si menus morceaux qu'ils auraient pu passer par le chas d'une aiguille. Pourtant il ne pouvait pas rester comme ça, sans savoir, le cœur battant comme un tambour à l'aube d'une bataille.
Tout en sachant qu'il outrepassait totalement ses droits et devoirs d'hôte et qu'il pourrait se faire licencier pour ce manquement grave, il quitta sa place face à son invité et reprit place tout près de lui. Vraiment très près. Au point où son épaule droite toucha presque celle du jeune homme.

- C'est affreusement présomptueux de ma part de vous dire ça et ce dès le premier soir où nous nous parlons, Mizuno-sama, mais.... si jusque là vous n'avez pu retenir aucune femme, que vous n'étiez réellement amoureux d'aucune et que... que vous vous posez ce genre de question... peut-être... Enfin n'avez-vous jamais pensé que vous pourriez... ne pas aimez les femmes tant que ça ? Je veux dire... (il s'interrompit le temps de choisir ses mots car il ne souhaitait pas le blesser) si ça n'a pas fonctionné avec une femme, peut-être qu'avec un homme... (il s'interrompit de nouveau et conclut) Vous êtes peut-être bisexuel sans le savoir...

Il s'interrompit finalement et se recula un peu sans plus oser le regarder. Il aurait une chance inouïe si son client ne se mettait pas en colère ou du moins ne se vexait pas de ses insinuations et s'il n'allait pas parler de son outrecuidance à son patron. Ce soir était peut-être le dernier qu'il passait en tant qu'hôte.

Dire qu’il était surpris aurait été un euphémisme. Il s’était déjà surpris tout seul en avouant que ses relations avaient toutes été catastrophiques. Puis il avait eu son hôte tout près de lui ce qui l’avait surpris mais aussi quelque part apaisé sans trop comprendre pourquoi, en enfin cerise sur le gâteau enfin plutôt la bombe sur la pièce montée la remise en question de sa sexualité...enfin surtout le fait que cette repise en cause ne le choquait pas tant que ça.
Le fait de penser à se tourner vers les hommes ne le choqua pas enfin il savait qu’il n’avait rien contre les gay ou les bi il ne serait pas resté dans le club sinon. Mais le fait de penser à lui-même se tourner vers les hommes ne lui avait jamais effleuré l’esprit.

-Je.... Je dois avouer que je n’y avais jamais réellement pensé.... Peut-être après tout... je n’ai rien contre les gay mais de là à l’être... Je ne sais pas du tout.... Je devrais peut-être y réfléchir ?  

Takahiro se posait en ce moment beaucoup trop de questions pour sa santé. L’hôte le faisait douter et s’il n’avait pas eu des doutes sur les règles du lieu il se serait déjà appuyé sur lui pour retrouver un semblant de stabilité sa tête étant sans dessus dessous. Après ce qui lui parut une éternité il prit son courage à deux mains bu son verre cul sec et il appuya sa tête sur l’épaule de l’hôte en soupirant.

-Tu me trouble beaucoup trop, dit-il sur un ton plaignant.

Alors qu'il le regardait se poser des questions sur lui-même sans pourtant avoir l'air fâché de ses insinuations, le cœur de Sora manqua plusieurs battements en voyant son interlocuteur s'appuyer contre lui même s'il ne s'agissait que de sa tête. Il savait parfaitement que le fait qu'un client le touche allait à l'encontre du règlement du club, mais lui-même l'avait déjà enfreint d'une façon inimaginable alors... Mais lorsque le jeune homme ajouta qu'il le troublait, l'hôte oublia tout le reste. Il n'y avait plus de club, plus d'hôte, plus de client... juste deux personnes attirées l'une par l'autre de façon inexplicable et inattendue. Il déglutit péniblement, inspira pour se donner du courage et passa doucement un bras autour de la taille de son compagnon du moment.

- Je peux vous aider à y voir plus clair, dit-il doucement, avant de se pencher... et de prendre possession des lèvres qui le tentaient tellement depuis un long moment.

Pour ne pas l'effrayer puisqu'il s'agissait de son premier baiser avec un homme, il se contenta de pincer ses lèvres entre les siennes, avec douceur et même une certaine tendresse. Il les prit encore et encore sans se lasser pendant de longues secondes, puis les relâcha et s'écarta très lentement afin de jauger ses réactions. Celles-ci ne pouvaient être que de deux types : ou il serait dégoûté d'avoir été embrassé par quelqu'un du même sexe, auquel cas il partirait certainement pour ne plus jamais revenir... ou alors il avait apprécié le baiser, ce qui induirait qu'il était bel et bien bisexuel.

Son cerveau avait littéralement fait pause dans ses questionnements quand il sentit des lèvres contre les siennes. Si au début il fut tenté de le repousser la douceur et la délicatesse de la bouche de Sora lui avait anesthésié le cerveau et un ferma les yeux pour juste profiter de l’instant. Il n’avait jamais ressenti un tel bien être en embrassant une femme. Soit c’était parce qu’il s’agissait d’un homme c’était seulement l’hôte qui lui faisait cet effet. Et quelle que soit la raison il ne voulait pas arrêter le baiser tout de suite cependant il n’eut pas le choix lorsque Sora s’éloigna de lui l’air incertain.  
Il ferma les yeux et posa son front sur l’épaule de l’hôte et soupira essayant de remettre de l’ordre dans ses pensées et de calmer son cœur qui battait à toute allure.

-Je suppose que c’était totalement interdit par règlement ?

Il n’attendit pas vraiment de recevoir une réponse il savait très bien que ça l’était.  

-Tâche de me prévenir si tu comptes recommencer...

Toujours perdu dans ses pensées et ses sentiments en vrac il comprit tout de même qu’il n’avait absolument plus aucun doute il était au moins bisexuel.

L'air alangui de son compagnon alors qu'il venait de l'embrasser, manqua faire perdre son sang froid à Sora, mais il parvint à se dominer malgré tout et il hocha simplement la tête lorsque, dans un murmure, il lui demanda si ce baiser était interdit. Oh que oui... Si jamais il venait aux oreilles de son boss que non seulement il s'était laissé toucher par un client, mais qu'en prime il s'était laissé aller au point d'embrasser ledit client, il serait définitivement grillé dans le métier et plus aucun club ne voudrait de lui. Un hôte incapable de respecter un règlement n'était une bonne acquisition pour personne. Pourtant, il ne parvenait pas à se sentir coupable de son geste. Et d'autant moins, même, lorsque tacitement, Takahiro lui donna l'autorisation de recommencer. Il n'était après tout qu'un homme faillible et il était seul depuis si longtemps qu'il était assoiffé de contacts étroits.

- Dans ce cas, attention à toi, je recommence, prévint-il dans un souffle, avant de s'emparer de nouveau de la bouche offerte.

Ne voulant pour le moment pas trop pousser les choses, il reprit le baiser à l'endroit exact où il l'avait laissé, sa main libre passée dans la longue chevelure d'argent de son compagnon. Il l'embrassa ainsi pendant un long moment, puis s'écarta de nouveau et le fixa avec tendresse, beaucoup de choses lisibles au fond des yeux.

- Je pense que... si nous voulons poursuivre... il vaudrait mieux le faire hors d'ici, dit-il doucement. Si cela vient à se savoir... il te sera interdit de revenir ici et je serais probablement remercié.

Il fut certes moins surpris mais pas moins chamboulé par le deuxième baiser. Il se sentit de nouveau sur un nuage et il laissa ses mains glisser la joue et dans le cou de son hôte. Et autant il adorait ce baiser autant pour le moment il ne se sentait pas prêt pour aller plus loin. ET il n’avait aucune idée de comment l’annoncer à Sora qui semblait ravi de l’embrasser et d’imaginer plus entre eux.

-Sora... je... j’adore nos baisers et je n’en parlerai pas par sécurité pour ton travail mais je ne me sens pas prêt à aller plus loin... comprend moi il y a une demi-heure j’étais persuadé d’être totalement hétéro et voilà que tu viens tout chambouler.... J’aurais besoin de temps pour tout mettre à plat tu veux bien ?

Takahiro se detesta de blesser Sora qui était un homme formidable mais il ne voulait pas non plus lui mentir. Puis soudainement une pensée lui vint, une pensée plutôt inquiétante ; même s’ils étaient dans un box privé il y avait probablement des caméras dans la pièce pour protéger les clients et les employés en cas de problème non ?

-Sora... n’y a-t-il pas des caméras dans toutes pièces du club ? Si c’est le cas je ne veux pas te faire perdre ton travail!

Il n'aurait pas du imaginer des choses, il n'aurait pas du se laisser aller de cette façon. Une fois encore il allait souffrir parce qu'il s'était attaché à une personne qui n'était pas pour lui. Comme Okuto quand il avait 17 ans... Pourquoi n'avait-il donc pas appris la leçon et avait-il remis ça avec Takahiro ? Etait-il masochiste au fond ? Sinon comment expliquer que, malgré la boule qui s'était formée au fond de sa gorge et le poids qui pesait sur son cœur, il avait le plus grand mal à laisser partir son compagnon ?

- Je... Je comprends... arriva-t-il pourtant à articuler malgré son chagrin d'avoir cru quelque chose possible. C'est après tout ma faute si tu... (il s'interrompit car sa voix tremblait) Ne te fais pas de souci pour moi, je vais bien.

C'était faux mais il savait qu'une fois que son compagnon serait sorti du club, jamais plus il ne le reverrait car celui-ci oublierait bien vite celui qui avait chamboulé son existence l'espace de quelques minutes. Alors autant qu'il ne parte pas avec le poids de la culpabilité sur les épaules.

- Non, il n'y a de caméras que dans la grande salle, parce que c'est là que les débordements ont lieu lorsqu'il y en a, dit-il en essayant d'empêcher sa voix de trembler. Tu pourras repartir quand tu voudras sans être inquiété, ajouta-t-il en se relevant.

Takahiro ne comprit pas trop la réaction de Sora un instant plus tôt il était à la limite du flirt raisonnable et il était désormais au bord des larmes et c’était totalement de sa faute. Il se senti très mal de le mettre dans cet état malgré lui. Il s’approcha et le prit dans ses bras pour le réconforter voyant bien qu’il n’e tiendrais pas longtemps avant de craquer. Il posa sa joue sut le crane de l’hôte et lui caressa le dos.

-Je n’ai pas dit que je ne reviendrais jamais, j’ai juste besoin de temps, imagine d’un coup tu te rends compte que tout ce que tu pensais vrai sur ta sexualité depuis 25 ans n’est qu’à moitié vrai et que tu as peut-être gâché une partie de ta vie à ne sortir qu’avec des gens avec qui ça m’aurait jamais marché? C'est dur à encaisser.

Il se sentait désolé de lui avoir fait croire qu’il fuirait ou qu’il n’assumait pas son attirance pour lui. Il continua de frotter délicatement le dos de l’hôte avant de l’éloigner puis de le forcer à le regarder dans les yeux.

-Je te jure sur la tombe de ma mère que je reviendrais te voir quand j’aurais mis ma tête au clair d’accord ? Je te le jure !

La gentillesse et la sollicitude de son compagnon achevèrent de bouleverser Sora dont, malgré lui, les larmes se mirent à couler. Il venait de comprendre, en écoutant parler Takahiro, que celui-ci n'avait pas l'intention de l'abandonner comme l'avait fait Okuto, que ce qui venait de se passer entre eux signifiait quelque chose pour lui aussi et que s'il était patient, il lui reviendrait. Un sourire fleurit sur les lèvres de l'hôte malgré ses larmes et il hocha la tête.

- D'accord. Je comprends et je te crois, inutile de jurer, surtout sur quelque chose de si important, dit-il finalement. Je serais patient en attendant ton retour. Tu devrais peut-être partir maintenant... Plus tôt tu t'esquivera et plus tôt... Peu importe.

Il compterait les jours, les heures, les minutes et même les secondes en attendant de le voir revenir. Le temps allait lui sembler extrêmement long. Plus qu'il ne lui avait jamais semblé jusqu'ici.