Enquête en quête

Cela faisait deux mois que Kanon avait été demandée à la propriété du clan Shibasaki pour un entretien avec le second de l'héritier. Apparemment le gamin (oui il avait beau être plus âgé qu'elle, il ressemblait à un môme) s'était entiché d'un type que le second estimait louche ou du moins qu'il ne voulait pas voir s'approcher de trop près de son maître sans être sûr qu'il n'allait pas lui planter un couteau dans le dos. Ou quelque chose d'approchant. L'inconvénient étant qu'il n'avait réussit à fournir à la jeune journaliste que le strict minimum au sujet de cet homme, à savoir son prénom : Nao. Il n'avait même pas pu lui fournir de nom de famille, pas plus qu'il n'avait été capable de lui dire si "Nao" était son prénom, son surnom ou un pseudo. Et elle avait beau être extrêmement intelligente, douée, débrouillarde et curieuse (entre autres qualités), elle n'était tout de même pas extralucide.

Pour commencer, elle l'avait bombardé de questions sur le lieu et les circonstances de la "rencontre" entre ce Nao et l'héritier, puis s'était glissée dans la foule d'invités à une fête d'anniversaire pour prendre discrètement une photo du type en question… et elle avait bien du avouer que le Nao était plutôt canon et que de ce fait, elle pouvait comprendre les sentiments qu'il avait su inspirer à l'héritier.

Elle s'était rendue jusqu'au quartier où tout avait commencé et montré la photo à tous les commerçants des environs dans l'espoir que le visage de l'homme leur dirait quelque chose. Pendant des jours, elle avait écumé les restaurants et les boutiques, les bars et les kombini en faisant chou blanc à chaque fois, jusqu'à ce qu'au bout de deux semaines, le patron d'un bar mâchonne vaguement que le visage ressemblait un peu à celui d'un SDF qui trainait souvent devant son établissement. Ce vague indice étant la seule piste dont elle disposait, Kanon pressa l'homme de questions et obtint simplement de lui qu'elle aille voir le plus proche foyer pour poser ses questions car le mendiant n'était plus jamais revenu.
Elle y était donc allée et avait obtenu une entrevue avec le directeur, qui avait confirmé que l'homme de la photo et le SDF n'étaient qu'une seule et même personne, mais il s'était avéré incapable de dire ce qu'il était advenu de "Nao" après son départ du foyer, il avait toutefois soulevé le fait que l'éducation du sans-abri avait du être très bonne, parce que ses manières étaient radicalement différentes de celles des autres.

Son enquête avait stagné un long moment mais sa curiosité s'était réveillée : elle voulait savoir comment un homme ayant apparemment de l'éducation avait pu tout perdre et se retrouver en foyer. Elle avait alors eu l'idée d'aller voir les archives du journal pour lequel elle travaillait. La jeune femme ne savait pas exactement elle-même ce qu'elle cherchait quand, au hasard de coupures de presse soigneusement conservées, elle était tombée sur un article écrit des années plus tôt par un confrère aujourd'hui décédé, à propos de la ruine d'une famille dont la fortune était auparavant incalculable et dont les membres avaient été tués dans un tragique accident de voiture : les Sasazaki qui n'avaient qu'un fils unique, Niko, dont on était sans nouvelles depuis qu'il s'était enfui de l'hôpital où ils avaient tous les trois été transportés. Rien ne lui permettait de relier cette affaire à l'homme qui l'intéressait, mais son instinct de journaliste lui criait qu'elle se rapprochait de la vérité. Mais elle ne pouvait pas donner à son commanditaire un rapport bourré de zones d'ombre, il fallait donc qu'elle puisse confirmer ses soupçons, à savoir que le fameux Nao et Sasazaki Niko l'héritier disparu de la famille ruinée, seraient une seule et même personne.
Elle contacta donc Nishida Toma par téléphone en lui demandant de l'introduire de nouveau à la résidence en la faisant passer pour une nouvelle domestique afin qu'elle puisse poursuivre son enquête.

Le second lui fournit donc rapidement un uniforme de soubrette et l'informa de l'endroit où se trouvait la chambre de "Nao" en la prévenant d'être prudente car il y avait une porte de communication entre la chambre du jeune maître et celle de son invité. Ainsi habillée et coiffée d'un sévère chignon, Kanon se faufila discrètement jusqu'à la porte de la pièce et, après avoir frappé, entra en se présentant sous une fausse identité. Elle avait décidé de l'appeler directement par son véritable prénom en se disant que si c'était bien lui, il allait forcémment régir d'une façon ou d'une autre.

- Bonjour maître Niko, dit-elle en s'inclinant dans un sourire. Je suis Amasaki Yuriko et je viens faire le ménage.

Arrivé dans la demeure du clan Shibasaki depuis un peu plus de deux mois, Nao avait encore parfois un peu de mal à se sentir chez lui, il était encore mal à l’aise. Il se demandait régulièrement encore pourquoi Shu l’avait choisi, lui, alors qu’il n’était qu’un moins que rien alors. Il sentait encore aussi par moment l’hostilité des hommes du clan, qu’un civil inutile ose leur voler leur chef adoré, qu’il le rende gaga alors qu’il était un rock indestructible normalement. Ils craignaient que les autres clans ne se foutent de lui et n’en profitent pour annexer leur territoire et détruire leur clan. Pourtant Nao n’avait rien fait pour ça, Shu était devenu fou de lui en quelques jours alors que lui était malade. Etait-ce ce petit baiser qu’il lui avait donné, en guise de paiement peut-être ? Le pire avait été l’annonce de Shu, de vouloir l’épouser, ses hommes avaient eu beaucoup de mal à l’accepter.

Le jeune danseur avait été quelque peu choqué par cette annonce, mais il s’était dit que Shu avait dit ça que pour contrarier son père, pourquoi voudrait-il réellement l’épouser lui ? Il avait pourtant aussi été touché, bien qu’il en soit un peu mal à l’aise. Mais la disparition du chaton avait coupé court à cette discussion et ils n’en avaient jamais reparler, ce qui avait conforté Nao dans l’idée que Shu n’avait sorti ça que pour contrarier le vieux grincheux. De plus, Nao avait fini par comprendre qu’il se trouvait dans un clan de yakuzas, il en avait été un peu refroidi, se rappelant que c’était en partie à cause d’autres yakuzas que sa famille avait été détruite. La présence de Shu et sa façon d’être avait alors réussi à presque lui faire oublier son aversion pour les yakuzas.

Depuis, l’héritier semblait toujours aussi accroc à son Nao, le moindre sourire, le moindre baiser, la moindre caresse semblaient toujours lui faire autant d’effet. Le jeune danseur s’en amusait et aimait le taquiner, lui accordant aussi parfois des câlins un peu plus… Poussés, pourrait-on dire. Shu étant totalement inexpérimenté, Nao devait lui apprendre. Il sentait bien que le plus petit avait envie de plus, mais Nao préférait ne pas précipiter les choses. Pour lui coucher n’avait jamais représenté grand-chose, dans sa première vie il avait une cour d’admirateurs, filles et garçons, prêts à écarter les jambes pour obtenir ses faveurs, dans sa deuxième vie, il couchait pour survivre, se faisant payer pour ça, ou étant forcé. Mais avec Shu, Nao sentait que ce n’était pas pareil, il voulait que ça représente quelque chose de spécial.

C’était perdu dans ses pensées que Nao se trouvait allongé sur son lit. Shu avait été occupé toute la journée par ses obligations envers le clan, et lui avait trainé un moment, puis avait dansé dans une salle qui lui était réservée, avant de retourner dans sa chambre. Du bruit se fit entendre au bout d’un moment dans la chambre voisine, Shu avait dû finir sa journée, sans doute allait-il venir le voir peu de temps après. Des coups portés sur la porte de sa chambre coupèrent ses pensées en le faisant sursauter. Il n’a pas le temps de répondre que la porte s’ouvre sur une demoiselle en tenue de soubrette.

« Oh… euh oui faites donc… » Répondit-il, surpris de voir une demoiselle ici, il n’en avait encore pas vu une seule. Il était aussi peu habitué à être appelé maître, avant de capter la façon dont l’avait la servante. Surpris, il écarquilla les yeux avant de se retourner vers elle, se forçant à reprendre une expression normale avant de lui répondre. « Comment m’avez-vous appelé ? Vous vous trompez, mon nom est Nao. » Niko… Ca faisait tellement longtemps qu’il n’avait plus entendu ce prénom, qu’il n’était plus lui…