Tonnerre Sous les Tropiques

Quelques semaines plus tard Taka revint d’une visite chez ses parents épuisé, énervé, et agacé. Il avait besoin de voir Sora de toute urgence mais savait qu’il travaillait déjà à cette heure-là et donc qu’il ne pourrait probablement pas le voir tout de suite ce qui accentua les sentiments négatifs qu’il ressentait. Son père avait été tout simplement infect avec lui comment pouvait-il dire ce genre de choses à son propre fils ? Et il l’avait menacé par-dessus le marché ! Il avait osé le menacer.

En arrivant devant le club il devait avoir une sale tête parce que tous les employés l’évitèrent comme la peste et quand habituellement ils le saluaient avec joie cette fois-ci les visages étaient effrayés. Sans le faire exprès les employés en avaient rajouté une couche à son énervement et lorsqu’il fit demander Sora dès qu’il serait libre il se rendit compte qu’il avait été agressif avec le pauvre garçon qu’il venait d’effrayer et qu’il allait devoir s’excuser plus tard.

Il alla se réfugier dans son bureau et dans un verre bien rempli de whiskey. Il but son verre en vitesse et le fit suivre d’au moins deux autres verre avant d’être un peu moins énervé et d’être sûr qu’il n’allait pas crier sur quelqu’un par erreur

Chaque minute qui le séparait de l’arrivée de Sora sembla durer des heures tellement il avait viscéralement besoin de lui à cet instant. Après une éternité on toqua à la porte et la douce voix de son aimé résonna dans le silence et dans son cœur. Il se releva en vitesse et se précipita à la porte pour le tirer à l’intérieur et le prendre dans ses bras. Il savait bien qu’il devait effrayer Sora mais il avait besoin de le sentir contre lui.

-J’ai besoin de t’avoir près de moi encore quelques minutes je t’expliquerai après, marmonna-t-il le visage dans le cou de Sora.

Sora avait beau faire, il avait du mal a se concentrer sur son travail. Ce soir heureusement personne ne l'avait encore demandé, donc sa distraction passait relativement inaperçue, mais le visage de son Taka ne quittait pas son esprit. Il voulait être avec lui, en toute chose et en tout temps, peu importe ce que les gens pouvaient dire... et il devait bien y avoir un moyen pour y arriver.
Il en était là de ses réflexions, lorsqu'on vint lui dire que l'objet de ses pensées le faisait appeler dans son bureau. Brusquement joyeux à l'idée de le voir, le métis courut presque et ouvrit la porte quasiment à la volée. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque son petit ami se précipita vers lui pour se serrer contre lui avec l'énergie du désespoir. Son attitude contrastait tellement avec sa propre euphorie, que l'hôte perdit son sourire et referma les bras sur lui, caressant tendrement ses soyeux cheveux d'argent. Qu'avait-il bien pu arriver à son si calme Taka pour qu'il soit bouleversé à ce point ? Avait-il reçu une mauvaise nouvelle ? Le voir si agité le bouleversait lui-même par mimétisme.

- Tout ce que tu veux, Taka, répondit-il doucement sans lâcher son chéri. Tu m'expliqueras quand tu te sentiras mieux.

Taka resta dans les bras de son homme quelques minutes incapable de formuler la moindre réponse autant à cause de l’alcool qu’à cause de sa douleur mentale. Il souffrait réellement des mots que son père avait utilisé pour parler de ce qu’il faisait mais aussi de Sora. Il ne pensait pas un jour pouvoir lui pardonner de lui avoir manqué de respect et d’avoir aussi manqué de respect à Sora de cette manière. Il finit par réussi à se calmer et il se détacha de Sora pour le guider dans le canapé du bureau. Une fois assis dessus il se serra contre son chéri et commença à raconter la terrible visite chez son père.

-Tout à l’heure je suis allé voir mon père pour lui parler de l’entreprise. Il... il a su je ne sais comment qu’on se voyait et m’a insulté de tous les noms hurlant à qui voulais l’entendre que son fils ne serait pas une pédale et encore moins avec.... Il dut prendre une inspiration pour ne pas pleurer, encore moins avec une pute de sous homme qui se vend pour de l’argent. J’ai... il sentit les larmes rouler sur ses joues, j’ai essayé de le raisonner mais il n’y a rien eu à faire il ne veut plus jamais me voir tant que je serai avec toi et il si dans l’année je ne suis pas marié à la femme qu’il a choisie il me déshérite. Je ne comprends pas pourquoi il ne m’accepte pas comme je suis et pourquoi il ne t’accepte pas... Jusqu’ici il m’a toujours dit de faire ce que je veux tant que je suis heureux alors pourquoi ?

Taka était désemparé il ne savait plus quoi penser et il se contenta de serrer Sora contre lui en pleurant sur son épaule.

Sora aida son petit ami à s'asseoir, de plus en plus inquiet devant son état auquel il ne pouvait pour le moment pas grand chose à part lui caresser doucement les cheveux. Lorsque son Taka commença son récit, il se statufia et toute couleur disparut de son visage. Carrément exsangue et au bord du malaise, il remercia le ciel d'être assis et se remit à caresser les cheveux de son compagnon. Il n'avait jamais été confronté à l'homophobie de toute sa vie et la violence des propos du père de son Taka était franchement choquante pour lui. Mais ce n'était pas tant les propos envers lui-même qui le choquaient (il avait de toute façon tellement mauvaise opinion de lui-même, que se faire traiter de prostitué lui était presque égal, même si ça faisait mal puisque jamais il n'avait vendu son corps), que le fait qu'un père puisse sérieusement traiter son propre fils (unique par dessus le marché) de cette façon. Admettre sa bisexualité n'avait déjà pas été simple pour Takahiro, alors entendre ces mots affreux sortir de la bouche de son père... Sora comprenait totalement que son petit ami soit dévasté. Mais surtout... il venait de réaliser qu'en bouleversant d'une phrase la vie jusque là tranquille de son compagnon, il lui avait causé un tort infini. Il était mauvais pour lui. S'il disparaissait de sa vie... celle-ci pourrait reprendre un cours qui n'aurait jamais changé si ce soir-là il ne s'était pas mêlé de ce qui ne le regardait pas.

- Taka, je... je suis désolé, murmura-t-il. Tout est ma faute, j'en suis parfaitement conscient. Si ce soir-là je n'avais pas posé cette fichue question, tu... tes relations avec ton père seraient... (il inspira pour lutter contre les larmes de souffrance qui menaçaient de déborder devant ce qu'il s'apprêtait à faire) Je vais partir. Loin. Retourner à Tokyo peut-être. Là où tu ne me verras plus. Loin de mon influence néfaste, tu pourras reprendre ta vie où elle en était avant que je n'y fasse irruption pour tout bouleverser.

Sur ces mots, il se releva en chancelant, brisé de l'intérieur et se dirigea vers la porte comme un automate.

Taka se laissa faire dans les bras de son homme mais se redressa d’un seul coup à l’entente de ses mots. Il n’y avait aucune chance qu’il le laisse partir ! Surtout pas maintenant ! Il se leva aussi vite que son corps aviné lui permettait et rattrapa Sora avant qu’il n’atteigne la porte. Il se jeta contre la porte la fermant à clefs au passa et glissant la chef dans sa poche. Il prit un instant avant de se retourner face à Sora.

-Il n’y a aucune chance que je te laisse partir Jamais ! Je refuse de me laisser abattre et de le laisser gagner ! Tu n’as aucune raison de partir et surtout tu n’as rien fait. C'est... merde ! C'est moi qui suis venu dans le club à la base tu n’as fait que me répondre ! Je refuse que tu partes ! Si tu pars je te retrouverai et je t’enfermerai chez moi pour que tu restes ! Tu ne peux pas me faire ça... tu ne peux pas partir quand j’ai le plus besoin de toi... tu ne peux pas me quitter... non.... tu ne peux pas...

Au fur et à mesure qu’il parlait Taka pleurait des larmes de plus en plus lourdes au début il regardait Sora dans les yeux et peu à peu ses yeux se perdirent dans le vague en même temps que ses pensées qui répétaient inlassablement que Sora ne pouvait pas le quitter. Plus il perdait pied avec la réalité plus il glissait lamentablement contre la porte pour finir la tête entre les genoux à sangloter bruyamment en suppliant Sora de ne pas le quitter lui jurant qu’il changerait le monde s’il le fallait.

La réaction de son Taka à l'entente de sa décision stupéfia Sora. Jamais il ne se serait attendu à ce que son compagnon se jette sur la porte pour l'empêcher de partir, ni qu'il la fermerait à clé pour s'assurer qu'il ne le ferait pas. Abasourdi, il l'entendit lui interdire de partir, le menacer de l'enfermer pour l'empêcher de le quitter... Sora, qui pensait très sincèrement bien faire en proposant de le laisser retrouver sa vie, resta stupidement à le regarder s'effondrer et répéter en boucle qu'il ne pouvait pas le quitter, qu'il devait rester près de lui. Les sanglots convulsifs qui échappèrent à son compagnon, sortirent l'hôte de sa torpeur et il s'accroupit à son tour pour le prendre dans ses bras, le serrant contre lui aussi fort qu'il le pouvait.

- Taka, je... Je pensais juste à ton bien... Je ne veux pas que tu... te brouille avec ton père et que tu sois malheureux à cause de moi, lui dit-il doucement en posant sa joue sur ses cheveux. Tout ce que je veux c'est que tu sois heureux et que... que je... (il s'interrompit) Je n'ai aucune envie de te quitter, je t'aime bien trop pour ça... Mais justement, je t'aime bien trop pour t'enfermer dans une relation qui ne t'apportera que de la souffrance... (il déglutit) Taka je... je ne te quitterais pas si c'est ce que tu souhaite... mais je... j'ai peur pour toi... J'ai peur de ne rien t'apporter de bon...

En sentait Sora le prendre dans ses bras il s’accrocha à lui comme à une bouée de sauvetage, Sa bouée de sauvetage. Evidemment Sora ne savait pas tout de son passé mais il l’avait sauvé quand il lui avait posé cette fameuse question il l’avait sauvé de sa vie monotone et insipide sans passion qu’il aurait surement vécu très longtemps sans lui.

-Tu m’as... tu m’as sauvé de tellement de choses, tu m’as apporté tellement de positif Sora je... Tu... je ne peux même plus imaginer ma vie sans toi.... Je t’en prie même sans mon père même sans mon héritage je te veux dans ma vie coûte que coûte Sora. Je suis déjà riche même sans l’héritage de mon père ! Et puis il ne peut pas me déshériter c’est illégal, il ne fera que réduire ma part. Je t’en prie ne parle plus de me quitter.

Sentir son compagnon s'accrocher désespérément à lui bouleversa Sora davantage qu'il ne l'était déjà et il le serra contre lui encore plus fort pour lui montrer qu'il était là, avec lui et qu'il ne l'abandonnerait pas s'il avait à ce point besoin de lui. Pourtant une expression stupéfia le jeune homme

- Je t'ai sauvé ? Moi ? De quoi donc ? Je n'ai rien fais de particulier... Et je ne demande rien de mieux que rester dans ta vie jusqu'à ma mort... mais je... Ton père... n'a pas tellement tort à mon sujet tu sais. Je sais que la profession que j'exerce est jugée honteuse par beaucoup de gens... Quant à l'argent, tu sais que je m'en fiche complètement. Même si tu étais sans le sou, je t'aimerais de la même façon. Mais dans la vie, on a un seul père et si tu perds le tien parce que nous sommes ensemble, je m'en voudrais tellement...

Il s'interrompit et prit dans ses mains le visage baigné de larmes de son petit ami, les effaça des pouces et l'embrassa tendrement.

Taka serra son amour contre lui avec la force du désespoir. Il savait que Sora ne comprendrait jamais sa façon de penser mais pour lui son père était plus proche d’un associé que d’un parent, il n’avait été proche que de sa mère en grandissant et à sa mort son père était devenu froid et la vague chaleur paternelle qu’il avait eu auparavant disparut totalement.

-Tu m’as sauvé de la vie morne que j’avais avant, sans plaisir, sans passions, sans joie, sans amour ! Il n’y a qu’une seule personne que j’aime plus que toi et elle se trouve dans les étoiles. Si mon père est trop buté pour voir que tu me rends réellement heureux alors je n’ai pas besoin de lui. J'ai besoin d’un père qui me soutienne et qui accepte qui je suis. Je ne veux pas te perdre parce qu’il ne supporte plus de voir le bonheur depuis la mort de ma mère. Elle ne le voudrait pas non plus.

Il plongea dans le baiser comme un assoiffé sur une goutte d’eau. Sora était une oasis dans le désert qu’avait été sa vie avant de le rencontrer et il n’était pas près de quitter cette oasis.

- Taka... murmura Sora, plus touché par la déclaration qu'il n'était capable de le dire. Je serais toujours là pour toi, mon cœur. Tant que tu voudras de moi dans ta vie, je n'en partirais pas. Tu m'es bien trop précieux, trop essentiel. C'est grâce à ta présence que j'ai arrêté de souffrir à cause de... de mon ex. Et aussi grâce à toi que j'ai moins mal de la haine de mes frères. J'ai beau faire, tu es sans arrêt dans mes pensées, je n'arrive plus à imaginer le moindre jour ni la moindre nuit sans toi. Plus la moindre minute en fait. C'est pour ça que j'ai eu une idée... (il inspira et déclara très sérieusement) Je veux étudier sérieusement pour devenir ton secrétaire et ne plus te quitter même au travail.

Le jeune homme savait que c'était extrêmement présomptueux de la part d'un homme ayant arrêté ses études aussi tôt que lui, mais il avait réfléchi à ça toute la soirée et c'est la seule solution qu'il avait trouvée. La seule viable du moins, car l'autre était juste totalement irréalisable au Japon. Et il avait beau savoir que Taka l'aimait, il craignait malgré tout qu'il ne se moque de lui et ne lui dise qu'il visait trop haut.