My diary, my story

Je m'appelle Nishida Asahi. Ou du moins, c'est mon nom depuis quelques années. Depuis que j'ai été adopté. J'ai 18 ans mais j'en aurais 19 dans quelques jours. La majorité n'est plus très loin. C'est mon père qui m'a convaincu de commencer ce journal, parce que je ne parle jamais à personne mis à part Lui. Mon sauveur. Mais je crois que je vais trop vite, il faut que je reprenne du début si je veux raconter mon histoire correctement. De toute façon, je le mettrais probablement à jour régulièrement.

Mes plus anciens souvenirs remontent à ma petite enfance, quand je devais avoir 3 ou 4 ans. Je me revois sur les épaules de mon père, une glace à la main et l'autre glissée dans ses cheveux, en train de rire à une blague que faisait ma mère pour que je souris sur la photo. A l'époque, je m'appelais encore Shibata Asahi et j'étais l'enfant le plus heureux du monde même si j'étais fils unique. Mes parents n'étaient pas riches, mais je n'ai jamais manqué de rien et mes parents m'aimaient infiniment. Notre vie était simple mais paisible. Et puis un jour, quand j'avais 11 ans... tout à basculé. Je rentrais de l'école quand j'ai vu s'élever de la fumée de l'endroit où se trouvait la maison. Pris d'un mauvais pressentiment, je me suis mis à courir de toutes mes forces, mais... je suis arrivé trop tard. La maison était en flammes, les pompiers essayaient d'éteindre l'incendie mais ils avaient visiblement du mal. Dehors, j'ai vu notre vieille voisine, Tanaka-san, l'air catastrophée et je me suis dirigé vers elle.

- Où sont mes parents, Tanaka-san ? lui demandé-je, paniqué, en ne les voyant nulle part.
- Oh mon pauvre petit... se contenta-t-elle de dire en me prenant dans ses bras.

Elle n'avait pas besoin d'ajouter quelque chose de plus, j'avais compris.

J'arrête d'écrire, le temps d'essuyer les larmes qui se sont mises à couler malgré moi en pensant à cet horrible jour. Ca fait si longtemps, je ne pensais pas que ça m'affectait encore.

Après ça, j'ai été placé dans un orphelinat, mais je n'y suis pas resté longtemps, j'étais trop mal traité. Le personnel avait trop d'enfants à s'occuper et mon cas n'était apparemment pas leur priorité, alors j'étais livré à moi-même la plupart du temps et la proie des autres orphelins qui s'en prenaient à moi pour des raisons qui m'échappent encore aujourd'hui. Je me suis sauvé et je pense que personne n'a jamais pensé à me chercher. Ou plus probablement, ils s'en fichaient bien. J'ai erré pendant des jours, m'asseyant sur le sol pour mendier et je dois avouer que ça fonctionnait plutôt bien, surtout parce que j'ai toujours eu un visage très enfantin qui m'a toujours donné l'air plus jeune que je ne le suis en réalité. Je récoltais des pièces, j'allais chercher de quoi me nourrir au combini le plus proche et pour rester plus ou moins propre, je squattais au manga café. C'était très loin de la vie que j'avais toujours connue, mais au moins j'arrivais à survivre de façon relativement correcte. Mais les choses se sont brusquement envenimées environ un mois après.
Je venais de m'asseoir à mon endroit préféré, tout près du fameux combini, quand trois brutes, des adultes, se sont dirigés vers moi. Ils m'ont toisé et l'un d'eux m'a jeté qu'ils faisaient partie du Clan Igarashi et que personne n'était autorisé à mendier sur leur territoire. Je me suis relevé et j'ai dis que je ne faisais rien de mal, que je voulais juste survivre. Ils ont ricané et répondu qu'il n'y avait pas d'exception. Mais l'un d'eux a attrapé mon menton dans sa main, l'a tourné dans tous les sens et a dit aux autres :

- Regardez-moi ce visage adorable. On devrait pouvoir en faire quelque chose, vous croyez pas les gars ?

Sur le coup, je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire par là, mais tout ce que je savais, c'était qu'il me faisait peur. Alors j'ai essayé de me sauver, mais je n'étais qu'un enfant, je n'ai pas réussi à être assez rapide et ils m'ont coincé dans une ruelle.

- Tu pensais faire quoi là, petit ? Si tu veux continuer ton petit business sur notre territoire, tu dois en payer le prix, point.
- Mais je n'ai rien…
- Ton corps nous suffira.

Une fois encore je n'avais pas compris ce qu'il voulait dire, mais je ne pouvais plus fuir. Alors… Alors ils… ils…


Je m'arrête de nouveau. Rien que d'y repenser, j'ai encore l'impression de les voir, de les sentir… surtout de les sentir et je me remets à trembler comme une feuille, comme à l'époque, quand Aniki m'a trouvé…


Après ça, ils sont revenus. Tous les jours. A la même heure. Ils m'entrainaient dans un love hôtel quelconque et… et ils me passaient dessus. L'un après l'autre. C'était le prix de ma survie et je n'avais que 11 ans.


Je déglutis et resserre autour de moi les pans du plaid dont je me suis entouré. On est pas encore en hiver, mais j'ai brusquement l'impression que la température dans ma chambre a chuté de dix degrés. Il n'en faudrait pas beaucoup pour que je me mette à claquer des dents. Il faut que je me reprenne, ce ne sont que de vieux souvenirs qui ne valent pas la peine que je me mette dans cet état.


J'avais quasiment 12 ans, quand j'ai rencontré Aniki. Ca faisait presque un an que j'étais la… le jouet des hommes du Clan Igarashi. Je ne savais même pas ce qu'était un clan à cette époque. Je venais de refuser de me soumettre à eux et le plus violent venait de me donner un grand coup de poing dans le ventre qui m'avait plié en deux de douleur, quand j'ai entendu une voix, derrière nous dans la ruelle. C'était un garçon qui devait être plus âgé que moi, avec des yeux et des cheveux argentés.

- Hé vous, laissez ce gosse tranquille ! leur ordonna-t-il sans sembler avoir peu.

Ils se sont retournés, ont ricané et l'un d'eux a répondu :

- Pour qui tu te prends, demi portion ? Tu sais à qui tu parle ?
- Et vous, vous savez ? a répondu le garçon en croisant les bras sur sa poitrine d'un air assuré.

Honnêtement, j'ai eu peur autant pour lui que pour moi. Il était si petit par rapport à eux qui étaient des montagnes de muscles. S'il lui était arrivé malheur parce qu'il avait voulu m'aider… je ne me le serais jamais pardonné. Mais il s'est alors passé quelque chose d'incroyable. Quelque chose auquel je ne m'attendais pas du tout : le garçon a commencé à se battre contre les trois hommes et, sans que je comprenne comment, il les a battus. Tous les trois.

- Je suis Shibasaki Shurinosuke. On me surnomme Shuriken et maintenant vous savez pourquoi, bande de larves. Allez dire au Clan Igarashi que ce garçon est désormais sous ma protection et que si quelqu'un de chez vous s'en prend encore à lui, c'est comme s'il s'en prenait directement à moi.

Sous le choc de ce que je venais de voir, je suis retombé assis par terre, les yeux écarquillés posés sur les trois hommes salement amochés par cet ange salvateur qui devait faire la moitié de leur taille. Je les ai vus se relever tant bien que mal et s'enfuir en boitant. Le garçon s'est ensuite approché de moi, m'a souri et m'a tendu la main pour m'aider à me relever.

- Tu vas bien ? Ils ne t'ont pas fais de mal ? m'a-t-il demandé.

J'ai secoué la tête, mais je n'ai pas pris sa main. Je ne supportais déjà plus le moindre contact.

- Comment tu t'appelle ?
- Asahi…
- Asahi ne… Enchanté Asahi-kun. Je suis Shibasaki Shurinosuke.
- Je… Je sais… Je vous ai entendu quand… quand vous leur avez parlé.
- Où sont tes parents ?
- J'en ai plus…
- Tu veux dire que tu es tout seul ?
- Hum…
- Alors tu vas venir avec moi, chez moi. Tu vas habiter chez moi. Je vais m'occuper de toi. D'accord ?

Je l'ai regardé sans réussir à y croire, mais je l'ai suivi. Il m'avait sauvé alors je l'aurais suivi au bout du monde.
Une fois chez lui, je me rappelle avoir de nouveau écarquillé les yeux. Je n'avais jamais vu un endroit aussi grand. Les gens qui y vivaient étaient tous des hommes assez effrayants, mais qui avaient l'air de beaucoup respecter Shurinosuke. Alors j'ai attrapé le bas de son t-shirt pour l'arrêter et j'ai demandé doucement :

- Je vais faire quoi maintenant ?
- Tu vas continuer à aller à l'école, tout simplement. Je t'aiderais de mon mieux.
- Merci… Aniki…

A partir de ce moment, je n'ai plus quitté mon Aniki. J'avais de toute façon trop peur de tout et de tout le monde pour faire le moindre pas sans lui. Il m'accompagnait lui-même à l'école et venait aussi me chercher le soir. Il m'aidait à faire mes devoirs, bref, il s'occupait de moi comme le grand frère que je n'avais jamais eu. En fait je ne sais pas à quel moment j'ai commencé à le voir autrement que comme un grand frère, mais ça s'est fait naturellement. Je me suis demandé toujours si ce n'était pas après qu'il ait demandé à son second, Nishida-san, de m'adopter pour que j'ai de nouveau un nom… et un père, mais après tout ce n'était pas grave.

On frappe à ma porte et mon père passe la tête par l'entrebâillement de la porte.

- Asahi, le jeune maître te demande de ramener un futon dans la chambre à côté de la sienne.

Je le regarde avec étonnement.

- Le jeune maître a un invité. Il l'a trouvé brûlant de fièvre dans la rue.
- He ?
- Dépêche-toi, tu sais qu'il n'aime pas attendre.
- D'accord, to-san.

De toute façon, les désirs d'Aniki sont des ordres divins pour moi. Je me ferais tuer avec plaisir pour lui. Je me précipite donc hors de ma chambre pour aller chercher le futon et la couette pour aller dessus. Mais bon, je n'aime pas trop cette histoire d'invité trouvé dans la rue. Ca me fait bien trop penser à ma propre histoire et en plus… Mais non, je n'ai pas de raison de m'inquiéter. Aniki a très bon cœur et il veut simplement aider quelqu'un qui en a besoin.
Je me dépêche donc d'emmener le matériel demandé même si je ne vois pas trop où je vais tellement c'est volumineux. J'ouvre la porte avec mon coude et pousse la porte d'un coup de hanche.

- Aniki, où est ce que je pose le futon ? demandé-je.
- Là, à côté du lit.

Je pose donc le futon à l'endroit indiqué et le déplie pour l'arranger correctement, puis je lève les yeux pour observer l'invité en question. Wow, il est super beau… Si jamais Aniki… Mais non c'est ridicule, ce genre de chose n'intéresse pas mon Aniki. Je m'incline et quitte la pièce. De toute façon, il faut que j'apprenne la leçon qu'il m'a donné hier.
Pourtant, quelques heures plus tard, Aniki me fait de nouveau appeler pour me confier une mission : me demander de veiller sur son invité le temps qu'il règle ce qu'il doit à l'extérieur. Je dois avouer que ça ne me plait pas beaucoup de savoir qu'il passe tout son temps près de cet inconnu. Même en sachant qu'Aniki n'est pas intéressé par tout ce qui est sentimental, je ne suis pas rassuré. Tant que j'étais le seul homme jeune dans son entourage, je n'avais pas lieu de me faire du souci, mais là... Je soupire, puis me mets une claque mentale. Aniki le veut, alors je le ferais.
J'ouvre la porte de la chambre d'ami et m'approche du lit.

- Je te le confie. Donne-lui à boire régulièrement et empêche-le de se lever encore, me dit Aniki.
-  Lui donner à boire ? Mais...
- Tu n'auras pas besoin de le toucher pour ça, Asahi. Juste de porter le verre à ses lèvres. C'est une mission importante, c'est pour ça que je te la confie.
- Oui Aniki...
- Bon à tout à l'heure.

Il quitte la pièce et je vais m'asseoir sur la chaise à côté du lit. Je ne suis pas à l'aise mais me mets à observer l'homme qui est étendu dans le lit.

Un bruit sourd réveille Nao dans un sursaut. Sur le qui-vive, il se recroqueville sur lui-même dans sa couverture de fortune. Son cœur a fait une embardée et a du mal à retrouver son rythme normal après cette frayeur. Même s'il tend l'oreille à présent, il n'entend plus rien, sans doute n'était-ce qu’un chat ou une autre bestiole. Se pelotonnant contre son coin de mur, il essaye de se rendormir, bien qu'il ne dorme jamais vraiment, la dureté du sol et le danger de la rue l'en empêchant. Mais alors qu'il somnole, un nouveau bruit, bien plus proche, se fait entendre, puis des paroles. Plusieurs hommes s'approchent de lui, riant, criant, s'amusant à frapper dans tout ce qu'ils trouvaient. Nao se cache un peu plus derrière un carton, espérant qu'ils passent sans le voir. Mais il faut croire qu'il jouit d'une sacrée malchance, les imbéciles les repèrent et commencent à donner des coups de pied dans ses affaires en se tordant de rire. Mais une fois qu'ils le voient, une autre idée leur vient en tête, il faut dire qu'il est appétissant le petit sdf.

Les regards lubriques, ils s'approchent de lui, lui coupant tout échappatoire. Nao a déjà vu ce genre de regard et sait bien ce qu'ils veulent, lui ne veut pas, mais il ne pourra pas y échapper… Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive depuis qu’il vit dehors, et… Il ne veut pas mais…

« NOOOON ARRETEZ »

Je me débats pour échapper à ces hommes, mais bizarrement ils ne sont pas là. Où je suis d'ailleurs ? Je ne reconnais pas l'endroit, mais c'est bizarre. Je suis dans un lit, bien trop confortable. Assis sur ce lit, la peur m'étreint encore. Mon cœur ne semble pas vouloir se calmer et j'ai du mal à respirer. Où sont-ils passés ? Pourquoi je suis là ? Ah… Des images d’une grande demeure me reviennent, un jeune homme aux cheveux et aux yeux gris, un lit confortable… Alors… Un rêve… ce n'était qu'un rêve, un cauchemar plutôt… Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que ça fait longtemps que je n'ai pas dormi aussi profondément…

En relevant la tête, je vois un jeune homme dans la pièce. Que fait-il là ? Il semble si jeune, si fragile… Qui est-il ?

« Qui… Qui es-tu ? »

J'étais perdu dans mes pensées, alors je sursaute quand l'inconnu qu'Aniki n'a pas nommé commence à s'agiter dans tous les sens. Son visage est tordu de... douleur ? Inconfort ? Colère ? Je ne sais pas trop. En tout cas, une chose est sûre, c'est qu'il fait un cauchemar. J'en faisais beaucoup aussi à l'époque où j'étais dans la rue et ça a continué au moins pendant un an après qu'Aniki m'ait sauvé. Je me demande bien ce qui a pu conduire cet homme à vivre dans la rue comme je l'ai fais... Il a l'air plus vieux qu'Aniki, alors je doute qu'il se soit sauvé d'où que ce soit. Il a peut-être eu des problèmes qui lui ont fait perdre sa maison...
D'un coup, il se redresse en criant et je sursaute de nouveau comme un taré en portant la main a mon cœur qui bat super vite de la peur qu'il m'a faite. Bon il est réveillé, mais il a l'air complètement perdu. Aniki a dit qu'il était malade alors il doit encore avoir de la fièvre. Ca doit être pour ça. Il me regarde. Il est vraiment beau mais il n'arrive pas à la cheville d'Aniki à ce niveau. Parce que la beauté d'Aniki est parfaite.

- Je m'appelle Nishida Asahi. Je suis...

Je m'interrompt parce que je ne sais pas trop comment me définir en fait : je vis dans la demeure du clan, mais je n'en fais pas vraiment partie vu que ni mon père ni Aniki n'ont jamais voulu m'impliquer dans quoi que ce soit.
Je m'éclaircis la gorge et reprends :

- Je m'appelle Nishida Asahi. Aniki m'a demandé de veiller sur vous, il a du sortir un moment.

Je lui tends alors le verre d'eau préparé par Aniki avant de partir, en faisant attention de ne même pas frôler la main du l'homme alité.

- Quel est votre nom ?

J'observe encore un moment ce jeune homme. Il a l'air vraiment jeune et tellement innocent, rien à voir avec les autres hommes que j'ai croisés ici. Que peut-il bien faire parmi eux ? D'ailleurs, je n'ai vu aucun autre jeunes pour le moment, à part lui et Shu. Et Shu… Quel âge a-t-il en fait ? Il semble bien jeune… mais pas autant que ce petit Asahi, et il a une telle prestance, une aura presque terrifiante… Mais il a aussi une telle innocence adorable… Que j'avoue ne pas trop imaginer son âge.

« Nishida… Tu es le fils de celui… qui me surveillait quand je suis sorti de la chambre ? » Il ne lui ressemble pas du tout pourtant, enfin il ne me semble pas. Et puis ce aniki… ce doit être Shu… Le souvenir fugace du jeune homme qui avait apporté le futon me revient, bien que ce souvenir soit très flou à cause de la fièvre. Shu avait expliqué qu'il n'était pas vraiment son frère mais son chef. Mais… Ouais bof trop mal au crâne pour réfléchir à tout ça. « Aniki…. C'est Shu n'est-ce-pas ? »

Grâce à son aide, j'arrive à boire un peu, ça fait du bien, ma gorge semblait tellement desséchée, mais ça me fait tousser aussi.

« Gomen…. Merci… Je m'appelle Nao… » Que dire de plus que mon nom ? Il n'y a rien d'intéressant. « Tu as quel âge ? »

Il a l'air complètement perdu, cet homme qu'Aniki a trouvé dans la rue... Il doit vraiment être malade. Je n'ai pas trop envie d'attraper ce qu'il a mais bon, en restant dans la même pièce que lui, c'est un risque. Espérons qu'il ne me tousse ou éternue pas dessus. Je pense que je me fâcherais. Il me regarde bizarrement. Je me demande bien pourquoi. Je n'aime pas qu'on me fixe, ça me rappelle ces hommes...

- Oui, Nishida Toma est mon père adoptif, confirmé-je.

Je ne sais pas pourquoi j'ai précisé mon adoption. Ce n'est pas comme si je ne considérais pas to-san comme mon père, bien au contraire. Il me fait dire des trucs chelous ce gars.
Je sursaute quand il me demande si Aniki est Shu. Shu ? Comment il ose appeller Aniki par le diminutif de son prénom ?! Comme il ose se montrer si familier ce type ?! Comment il ose alors qu'Aniki lui a sauvé la vie comme il a sauvé la mienne ?! Il devrait l'appeller Shibasaki-sama oui ! Shu... N'importe quoi... Même moi je n'ai jamais eu le courage d'appeller Aniki autrement que "aniki". Même pas "onii-san". Alors que ce gars sorti de nulle part se permette ça, ça me met hors de moi !

- Oui, Shurinosuke est bien le prénom d'Aniki, confirmé-je de mon ton le plus froid, les poings serrés de colère sur le tissu de mon jean. Mais vous êtes gonflé de l'appeller autrement que Shibasaki-sama alors qu'il vous a aidé, Nao-san. Vous n'avez pas honte ? (Je fais une pause, puis reprend) Bien que ça ne vous regarde pas du tout, sachez que j'ai 19 ans aujourd'hui.

Je fais de mon mieux pour le toiser de mon air le plus méprisant, mais quelqu'un qui a aussi peu de descence que lui, ne sera sûrement pas impressionné. Pourtant, si un regard pouvait tuer, il serait déjà raide mort. Je le déteste ! J'espère qu'il va fiche le camp très vite ! Je ne partage pas mon Aniki !

C'était bien ce que je pensais, ce petit chaton ne ressemble pas à son père, le fait qu'il soit son fils adoptif me confirme cette idée. Je me demande ce qu'il a bien pu lui arriver pour que cet adorable gamin atterrisse dans cette étrange maison, parmi ces gros bras et ces êtres effrayants. Il a dû en voir et en subir bien trop pour son âge, je comprends pourquoi Shu veut le protéger. D'ailleurs ce petit semble vraiment attaché à son hôte, il suffit de voir comme il semble en colère pour le simple fait de l'avoir appeler Shu.

Un sourire amusé prend place sur mes lèvres, il est adorable ce petit et sa colère attendrissante. S'il pouvait, je suis sûr qu'il me sauterait dessus pour me griffer ou me mordre. Après quelques secondes à me retenir, un rire m'échappe, j'ai bien envie de l'embêter un peu plus, et je pense savoir comment.

« Haha… Gomen… Shuri…nosuke c'est ça ? Hum… Pourtant ça ne semble pas l'embêter quand je l'appelle Shu… Il semble même trouver ça à son goût. Hehe. » Trois, deux, un… Je suis sûr que le petit ne va pas apprécier. D'ailleurs si un regard pouvait tuer, je serais sûrement déjà mort.
« C'est ton anniversaire ? Vraiment ? Tu deviens grand dis-donc, tu es presque majeur. Otanjoubi omedetou jeune homme. » il y a fort à parier que Shu va lui avoir préparé une fête. Ma main va machinalement se poser sur sa tête pour lui ébouriffer les cheveux quelques secondes avant de la ramener vers moi.

Il a l'air amusé ! Le seul effet que mes paroles ont eu sur ce type, c'est de l'amuser ! Oh comme je le déteste... Il se prend pour qui exactement ?! Il ne vaut pas mieux que moi parce qu'il est plus vieux !

- C... Comment ça il trouve ça à son goût ? balbutié-je, perturbé par cette idée. N'importe quoi ! Aniki... Aniki déteste ce genre de chose ! Que vous disiez ça prouve que vous ne le connaissez pas du tout !

Rah il m'éneeeeeeerve ! Mais bon même affaibli par la maladie, il reste beaucoup plus costaud que moi. Je suis un "gringalet chétif" comme me dit Aniki pour m'embêter. Enfin il le dit pour rigoler mais je sais bien que c'est vrai. J'ai aucun muscle ni relief où que ce soit. Je n'ai ni pectoraux, ni abdominaux... et ne parlons pas des biceps. Bref... je ne ferais pas le poids contre ce Nao même si je décidais de lui tomber dessus avec mes poings.

Je m'apprête à répondre sèchement que je me fiche bien de ses souhaits d'anniversaire... quand il pose la main sur ma tête. C'est plus fort que moi, je le repousse violemment en poussant un cri de terreur et me recule rapidement jusqu'au mur, contre lequel je me laisse glisser, des larmes d'une peur irrépressible coulant sur mes joues sans que j'y puisse rien. Non... Je ne veux pas... Je ne veux plus... Aniki au secours... Sauvez-moi...

La réaction du petit chaton est exactement celle que j'attendais, complètement offusqué et perturbé pas l'utilisation du diminutif du prénom de son aniki par un parfait étranger. Il a l'air plutôt possessif avec son aniki adoré, qu'est-ce qu’il dirait s'il savait qu'on s'était embrassé ? Je crois qu'il me tuerait d'un simple regard. Sa réaction me fait encore rire, il est adorable.

« Oh non il ne déteste pas ça… vu comment il réagit lorsque je l'appelle comme ça… »

Ce petit a l'air du genre à démarrer au quart de tour et facile à taquiner, c'est rafraîchissant et ça me donne envie de l'embêter encore plus. Mais sa réaction d'après me choque. Sa façon de me rejeter si violemment, en se reculant si vivement, et avec une telle peur dans les yeux… Qu'a donc vécu ce petit pour réagir ainsi ? Un simple contact semble le terroriser, et hélas je connais une des raisons qui pourrais le faire réagir ainsi, avoir subit des choses horribles qui l'auraient traumatisé. Peut-être que c'est autre chose, mais j'ai l'intuition que c’est ce que je pense. Pauvre petit, comment peut-on faire subir ça à un adorable chaton ? Les hommes sont vraiment cruels.

Hésitant sur la façon de réagir, je me lève doucement, autant pour ne pas l'effrayer plus que pour ne pas avoir trop de vertiges, et je m'approche de lui, en restant à une bonne distance. Je m'assieds sur le sol et le regarde un moment sans bouger, espérant qu'il arriverait à se calmer…. Je commence alors à lui parler, d'une voix que j'espère rassurante.

« Hey… Ca ne va pas ? Ne t'inquiète pas… Je ne te ferais rien, je ne t’approcherais pas non plus si tu ne veux pas… » Je sens bien que mes paroles ne doivent pas avoir beaucoup d'impact sur lui, vu l'état de panique dans lequel il est. Je ne sais pas pourquoi, mais le voir ainsi me pousse à vouloir le rassurer, et sans comprendre pourquoi me voilà en train de raconter ce dont je n’ai encore jamais parlé, excepté à Shu à qui je n’en ai que fait allusion. « Je pense savoir pourquoi tu as si peur, le genre de choses que tu as dû subir… Je réagissais comme ça aussi pendant un moment… Quand on repense à ces chose qu'ils nous ont faites ou obligé a faire, même si c'est du passé, on y repense toujours et on a l'impression que tout le monde est comme eux… » En reparler me replonge dans ces souvenirs et me fait frissonner d'horreur. J'ai vraiment eu du mal à m'en remettre et à me laisser approcher de nouveau, alors que je suis un adulte…. Alors pour un gosse comme lui, j'imagine bien l'horreur et la terreur que ça doit être. « N'ais pas peur de moi… Je ne te ferais rien… »

Aniki... Aniki revenez me sauver... J'ai peur... J'ai tellement peur que ça recommence... que d'autres hommes comme eux recommencent à me toucher, à me... Rien que d'y penser, un cri étouffé et plaintif m'échappe. Je me recroqueville comme si je cherchais à entrer dans le sol, les mains sur la tête, les yeux fermés très fort et les dents serrées à me les casser.
Je sens une présence toute proche, mais je ne veux pas ouvrir les yeux pour voir qui est là. Je sais que ce n'est pas Aniki. Je le sens, j'en suis sûr. Mais une voix douce s'élève. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'elle dit, mais le ton qu'elle prend m'apaise un peu. Juste un peu, mais suffisamment pour que j'ose ouvrir les yeux. C'est ce Nao qui est devant moi, lui qui me parle.
J'essuie mes yeux de mon mieux, mais les larmes continuent à couler malgré moi, alors j'abandonne la lutte. Mais dans ma peur, quelques phrases qu'il prononce me touchent.

- Co... Comment ç... ça vous réa... réagissiez comme ç... ça ? Vous... voul... voulez dire que vous a... avez été... balbutié-je en hoquetant.

Je ne veux pas dire le mot, je ne veux même pas le penser. Et quelque part au fond de moi, je suis méfiant. Très méfiant. Je ne connais pas ce Nao. Je ne sais ni qui il est, ni comment il est arrivé là. Rien ne me dit qu'il n'est pas en train de me mentir, pour tromper ma vigilance et pouvoir me... me... Pourquoi je lui ferais confiance ? Je n'ai aucune raison de faire confiance à qui que ce soit hormis Aniki. Les hommes sont des porcs. Tous. Sauf Aniki.

- N... Non... Pou... Pourquoi je v... vous croirais ? V... Vous dites ça pour ga... gagner ma c... con... confiance. Mais je ne s... suis pas si bê... bête, dis-je aussi froidement que possible vu que je continue à hoqueter.

Ce que ce jeune homme semble avoir vécu doit être vraiment horrible, vu la peur panique qui l'étreint encore aujourd'hui. Ca a dû lui arriver avant d'arriver ici, jamais Shu n'aurait laissé faire ça sinon et pour que le petit lui voue un tel culte, ce doit être lui son sauveur. Pour avoir vécu le même genre de choses, je sais que c'est vraiment horrible et difficile à supporter, et surtout difficile de continuer à vivre après ça. Alors à un si jeune âge … Comment ces gros porcs ont pu s'en prendre à un enfant si adorable ? Moi qui pensais avoir connu les tréfonds de la misère humaine, la déchéance de certains me surprend encore. Briser ainsi sans remord la vie d'un enfant, il faut être le pire des salauds.

« Hum… Oui… Moi aussi j'ai été… Plusieurs fois… » Je déteste parler de ça, ça me ramène à ces moments, les images me reviennent, la peur, la douleur, la honte, l'envie de disparaître. Même si parfois j'ai l'impression d'avoir oublié, ces sensations horribles menacent toujours de me submerger. Mais j'ai la sensation que pour aider ce petit, je dois supporter tout ça. « Quand on est… Vulnérable… C'est difficile de se protéger contre certaines ordures. Et ce qu'ils font ensuite, à croire que ça les amuse de détruire des vies… On revoit leurs gestes, les sensations, la peur, la douleur, dès qu'on ferme les yeux… Le moindre bruit, le moindre contact nous replonge dans ces souvenirs horribles, on ne peut plus approcher personne, on voit tout le monde comme eux… Moi j'étais déjà adulte quand ça m'est arrivé, et j'en souffre encore… Alors toi, je n'ose même pas imaginer ce par quoi tu as dû passer… »

Un violent frisson d'horreur me secoue. Ces souvenirs sont difficilement supportables, mon corps me dégoûte soudain encore plus, je sens de nouveau leurs gestes, ma peau me brûle aux endroits où ils m'ont touché, je me sens de nouveau souillé et la nausée semble vouloir m'envahir. Après quelques secondes, je parviens, au prix de gros efforts, à calmer cette crise, ravalant mes sentiments négatifs pour ne pas effrayer encore plus le petit.

« Tu n'es pas obligé de me croire c'est vrai… » Normal qu'il soit méfiant après ce qu'il lui est arrivé. « Tu peux avoir peur de moi… Mais je suis sans doute un des seuls ici à pouvoir comprendre ce que tu ressens. Alors peut-être que je pourrais t'aider… »

Si je pouvais l'aider à avoir moins peur de tout, à ne plus paniquer au moindre contact… Au moins je pourrais peut-être lui être un peu utile. Moi j'ai mis beaucoup de temps à accepter le moindre contact après tout ça, pas évident quand on mendie la compassion des gens pour survivre. Pour ce qui est des contacts plus poussés… Je les évitais au maximum, même les plus légers. D'ailleurs pourquoi avec Shu ça ne semblait pas me déranger plus que ça ? A cause de la fièvre ?

Je fixe ce Nao avec toujours autant de méfiance. Je ne devrais pas le croire mais... il a l'air... je ne sais pas... revulsé, écœuré et... effrayé. Mais genre... vraiment. Et ce qu'il me dit ensuite me flanque des frissons. Il a vécu la même chose que moi... Exactement la même chose.

- Oui... J'ai peur dès que je croise quelqu'un dans un couloir ; au moindre contact, je réagis... comme vous l'avez vu... Je pensais avoir oublié tout ça depuis qu'Aniki m'a sauvé il y a 7 ans... mais... mais... tout à l'heure quand j'écrivais dans mon journal... je me suis apperçu que je... qu'en fait je n'avais rien oublié. Je les ai revus tous les trois... sentis comme s'ils étaient là... et j'ai...

Je m'interrompt car une violente nausée me tord le ventre et je me précipite comme je peux à la salle de bain, où je rends joyeusement mon petit déjeuner et même ce que je n'ai pas mangé. J'ai froid et en même temps, je sens que mon front est couvert de sueur. Je me sens très mal.

- Aniki... Aniki... Aniki, au secours... appellé-je en boucle en me recroquevillant sur le carrelage froid, des larmes roulant sur mes joues sans que je fasse rien pour les arrêter.

Je me fiche bien que ce Nao me voit comme ça. Tout ce que je veux, c'est qu'Aniki revienne...

Ainsi ça fait déjà sept ans que ce petit vit avec ces souvenirs. Les gars sur qui il est tombé sont de véritables ordures de faire ça à un enfant, à plusieurs en plus si j'ai bien compris ce qu'il a dit… Et plusieurs fois. Quels êtres abjects… Je ne suis pas quelqu’un de violent en général mais là j'espère que Shu leur a bien démonté la face… et les a définitivement castrés… Normal que ce petit réagisse si mal au moindre contact, pas sûr qu'il s'en remette même un jour. Soudain le petit se lève et s'enfuit en courant. Est-ce que finalement il a trop peur de moi ? J'ai plutôt l'impression que c'est parce qu'il se sent mal… Ca se comprend.

Me doutant dans quel état d'esprit, je sais que je ne dois pas le laisser seul, même s'il ne voudra pas de ma présence. Je me lève, avec encore un peu de difficultés, mes faibles forces n'étant pas encore revenues. Je prends au passage la couette sur le lit, puis je vais vers l'endroit où je pense qu'il est, la salle de bain. Je le retrouve recroquevillé sur le sol, tremblant de froid pauvre petit chaton. Je m'approche de lui et pose la couette sur lui, la chaleur lui fera du bien, et ce cocon dans lequel il pourra s'emmitouffler le rassurera. J'approche ma main de lui mais me ravise avant de le toucher.

« Aniki n'est pas là… Ne reste pas seul ici… Viens avec moi, tu vas attraper froid ici… » Ma voix doit sonner un peu bizarre, même si j'essaie de la rendre rassurante, l'inquiétude et la colère doivent s'entendre un peu. « Ils ne reviendront pas.. Jamais… Tu es en sécurité ici. Shu ne les laisserait jamais t'approcher, et je pense que les autres hommes ici, ton père, non plus. » Je tends un peu plus la main vers lui, pour voir s'il va l'attraper pour venir avec moi. « Viens avec moi… Ne laisse pas ces souvenirs te submerger… »

Je sursaute violemment en entendant la porte de la salle de bain s'ouvrir et je tente de me relever pour m'enfuir, mais un reste de nausée m'en empêche et de toute façon, j'ai les jambes en coton, alors même si je voulais, je n'arriverais pas à courir comme je l'ai fais il y a quelques minutes. Ce Nao s'approche de moi et je me recroqueville encore plus vers le mur, mais au lieu de me toucher, il se contente de déposer une couette sur moi. Une couette ? Sûrement celle de son lit. Mais pourquoi il fait ça ? Je ne comprends pas où il veut en venir, jusqu'à ce que je me rende compte que je tremble comme une feuille.

- Je... non... protesté-je faiblement. Si Aniki apprend que je vous ai pris votre couette alors que vous êtes malade, il sera fâché après moi...

Et je ne veux pas qu'Aniki soit en colère après moi...
Sinon, je voudrais bien me fâcher parce que malgré ce que je lui ai dis, ce Nao continue à appeler Aniki par le diminutif de son prénom et ça m'énerve toujours autant qu'il lui manque de respect à ce point... mais la chaleur qui émane du morceau de tissu (il faut dire qu'il était encore sur lui il y a quelques minutes) est si agréable, que je m'enroule dedans malgré moi et pousse un soupir de soulagement en me rendant compte que cette couette me coupe du froid du sol et que mes tremblements s'arrêtent.

- Merci... soufflé-je. Je... Je sais que... qu'Aniki ne laisserait personne me toucher, il n'y avait qu'à voir comment... il s'était mis en colère quand ces hommes... Il les avait massacrés vous savez ! Tous les trois, à lui tout seul, en seulement quelques minutes et il n'avait que 16 ans ! (mon admiration pour Aniki doit s'entendre dans ma voix, mais tant mieux, il faut que les gens sachent qu'Aniki est un héros) Et to-san... to-san... m'aime bien. Je crois. Même s'il m'a adopté pour faire plaisir à Aniki. Alors je suppose qu'il ne laisserait rien m'arriver non plus. Mais... ça ne change rien à ma peur...

Je soupire en le voyant tendre la main vers moi, en me demandant de le suivre et de ne pas laisser mes souvenirs me submerger. J'ai envie de lui dire que c'est trop tard, mais il m'a un peu aidé, alors je suppose que ce serait méchant. Pourtant je secoue la tête pour refuser sa main et me relève comme je peux en tenant la couette serrée contre moi. Je ne suis pas sûr d'arriver à sortir de cette pièce par contre.

Même s’il se sent mal, ce petit cherche toujours à protester, à ne pas vouloir la couette, mais il finit par s'enrouler dedans et son soupir de soulagement qui ne m'échappe pas me fait sourire. Il ressemble à présent à un nem géant dans sa couette, et au moins il ne tremble plus. Parfois juste un peu de chaleur fait des miracles, la preuve il me remercie même. Un sourire de ma part lui répond, je ne vois pas quoi lui répondre d'autre pour l'instant, d'autant qu'il se met à parler. Et vu la façon dont il parle de son aniki, il lui voue une admiration sans faille, c'en est même mignon. Je comprends mieux pourquoi il ne semble pas m'aimer, il doit me trouver trop proche de son aniki adoré.

« Elle ne disparaitra jamais complètement ta peur, ou alors dans plusieurs années. Mais tu apprendras à l'ignorer, à passer outre, même à l'oublier, à être heureux même. Ce sera long mais ça arrivera. Allé viens, sortons d'ici… »

Il refuse mon aide pour le relever, ça ne m'étonne pas, quand il l'acceptera, il aura fait un grand pas en avant. Il s'avance à présent vers la sortie de la salle de bain, enroulé dans la couette, on dirait un nem géant avec des pieds. Le spectacle est plutôt amusant à voir, et le petit chaton semble être en grande difficulté pour marcher, et à priori il ne va pas aller bien loin… Bingo, je me doutais bien… Le chaton se prend les pieds dans la couette et si je ne l'avait pas rattrapé, il se serait retrouvé le nez sur le carrelage. Je prend alors le nem dans mes bras, comme une princesse, et même s'il n'est pas bien gros, avec ma force de crevette, j'ai un peu de mal à le tenir, surtout que je doute qu'il reste tranquille.

« Reste tranquille, ne gigote pas trop sinon on va se retrouver tous les deux par terre, et ce n'est pas franchement agréable… Elle est par où ta chambre ? T'as besoin de faire une sieste je crois… Ca ira mieux après… »

Je ne sais pas s'il cherche à me rassurer... mais vu ce qu'il me dit, ça ne marche pas du tout. Savoir que je vais devoir vivre des années de plus avec cette peur qui me prend à chaque fois que je croise quelqu'un que je ne connais pas ou que quelqu'un me touche même par inadvertance, me fait froid dans le dos. Je sais bien que je suis une brindille, un trouillard qui a peur de tout et qui ne fait honneur ni au clan, ni à Aniki... mais j'espérais... pouvoir changer ça.
Je me dirige donc vers la sortie de la salle de bain... mais me prend les pieds dans la couette qui me couvre et m'écroule. Mais pas sur le sol, parce que ce Nao m'a rattrapé. Heureusement qu'il y a la couette et que du coup il ne me touche pas vraiment, mais je ne suis quand même pas rassuré. Et soudain, sans que rien ne le laisse deviner, il me prend dans ses bras façon princesse. Je suis tellement stupéfait, que sur le coup, je ne réagis pas, mais comme c'est franchement humiliant, je finis par me débattre comme je peux étant donné le tissu qui me couvre.

- Laissez-moi ! Posez-moi tout de suite ! exigé-je d'un ton furieux. Je suis pas une fille, reposez-moi ! Qui êtes-vous pour oser décider ce que je dois faire ou pas ?! Laissez-moi je vous dis ! Tout de suite !

Je me débat tellement, que je sens ses bras trembler et je le sens aussi chanceler. On va tomber tous les deux et s'il s'écroule sur moi je vais sûrement me casser quelque chose.

Ouuuh énervé le petit nem, il ne semble pas apprécié d'être porté comme une princesse, vu comme il se débat. D'ailleurs j'ai un peu de mal à le maintenir, s'il se débat encore plus, je risque de le lâcher, ce serait dommage. Je resserre un peu ma prise, histoire d'essayer de le maintenir maos l'autre ne se calme pas.

« Hey, arrête de gigoter comme ça, j'arriverais plus à te tenir sinon… Et si tu arrêtes pas… je te mords. » J'ajoute en faisant mine de mordre et en grognant un peu.

Ma connerie me fait rire mais du coup, je manque de le lâcher, je le retiens de justesse et parviens à retrouver mon équilibre. On a tout de même réussi à atteindre le couloir, avec de grandes difficultés, mais après… On doit aller de quel côté ?

« Hey, petit nem, elle est où ta chambre alors ? Si tu ne me le dis pas, je t'emmène dans la mienne, dans mon lit…. » J'ajoute ensuite avec un sourire en coin, sûr de faire réagir le petit chaton. « Et moi j'irais profiter du lit de ton aniki… Je suis sûr qu'il ne sera pas contre… »

Je n'ai qu'une envie, c'est m'éloigner de ce type que se croit tout permit ! Et si Aniki arrivait à ce moment-là et me voyait dans cette position humiliante ?! Je veux qu'il me voit comme... comme... comme je sais pas quoi mais pas comme une fille en tout cas, c'est trop la honte ! Et si en plus on croisait des membres du clan... déjà qu'ils me méprisent parce que je fais pas vraiment partie du clan et que je suis un gringalet chétif et maladif qui n'a pas envie de se battre etc...
Et il peut dire ce qu'il veut ce Nao, je sais qu'il me mordra pas comme il m'en a menacé, il aurait affaire à Aniki s'il me faisait du mal de quelque façon que ce soit. Mais comme je préférerais mourir que réagir à ses provocations à deux yen, je l'ignore de mon mieux tout en continuant à gesticuler sous ma couette. Enfin... jusqu'à ce qu'il me sorte le truc le plus abusé que j'ai jamais entendu de ma vie.

- Profiter du lit d'Aniki ?! m'exclamé-je très fort, très en colère. Vous êtes pas dingue non ?! Vous vous prenez pour qui à dire ce genre de chose ?! Vous vous prenez pour qui à dire ce qu'Aniki aimerait ou pas ?! Je vous le répète vous ne connaissez pas du tout Aniki ! Vous ne savez pas qui il est, comment il pense et comment il réagit et je vous interdit de vous prétendre... de prétendre le connaitre ! Vous n'avez à la considérer que comme celui qui vous a sauvé, rien d'autre ! Vous m'entendez, Nao-san ?! Je vous l'interdis !

Je me suis tellement débattu que j'ai réussi à mettre les pieds par terre et je lâche la couette sur le sol, avant de me redresser pour me draper dans ma fierté et de le fusiller du regard. Non mais !

Ma première menace ne semble pas faire peur au petit nem, mes crocs ne semblent pas être assez aiguisés pour lui. En tout cas il n'arrête pas de gesticuler encore plus, enfin… Jusqu'à ce que je parle de son Aniki adoré. Comme prévu, il réagit au quart de tour et il ne semble pas du tout apprécier. Il a raison dans un sens, je ne connais pas Shu, je ne sais rien de lui à part son prénom, il a dû me dire son nom quand il s'est présenté, mais mon cerveau n’a pas gardé l'information. A part ça, je ne sais presque rien, sauf que son second l'appelle jeune maître et qu'il est un adorable innocent accroc aux baisers. Mais on dirait que ce petit nem ne semble pas le connaître tant que ça non plus, il l'idolâtre, le voit comme un être parfait, croit tout savoir de lui, mais ne sait rien de sa nature profonde.

En tout cas il semble très en colère le petit nem, il me fait penser à un petit chaton qui croit crier comme un lion. Il crie fort, mais ne fait pas peur, il me fait plutôt rire. D’ailleurs, je n'arrive pas à retenir un gloussement qui m'échappe.

« Dingue ? Hum… peut-être… Mais toi… Le connais-tu si bien que ça ? Sais-tu ce qu'il aime ? A quel point il peut être adorable par moment ? S'il a les lèvres douces ? S'il fait un adorable doudou ? » Ouuuh il va encore s'énerver le chaton sûrement. « Il est ton idole, tu le vénères, mais je connais d'autres facettes de ton aniki adoré que tu es loin d'imaginer… » J'ajoute avec un clin d'œil et un sourire en coin.

- Je ne veux rien savoir ! crié-je en mettant les mains sur mes oreilles pour mettre fin à son flot de paroles. Vous racontez n'importe quoi ! Aniki n'est pas comme ça ! Il n'est pas du tout adorable, il est fort et viril et... et... Arrêtez de dire ce genre de chose !

C'est vrai quoi, qu'est ce qu'il croit ce type à la fin ?! Il m'énerve, mais il m'énerve !
Soudain, alors que je vais pour continuer à dire ses quatre vérités à ce type, une voix à laquelle je ne m'attendais pas se fait entendre derrière moi.

- Nishida Asahi, est ce qu'on peut savoir ce qui te prend de hurler comme ça dans le couloir ? me demande to-san d'un ton mécontent.
- Mais to-san, c'est ce type qui...
- Ce "type" comme tu l'appelle si familièrement est Nao-san, l'invité du jeune maître et quoi qu'il ait pu te dire, je ne te permets pas de lui manquer de respect en criant sur lui comme tu le faisais. Excuse-toi.
- Mais tu ne sais pas ce qu'il raconte au sujet d'Aniki ! Il...
- Et tu crois que le jeune maître serait satisfait de t'entendre parler comme ça à son invité ?! Excuse-toi, Asahi ! Tout de suite !

Ah non alors, plutôt crever que présenter des excuses à ce gars ! Je croise donc les bras sur ma poitrine et prend mon air le plus butté.

- Nishida Asahi, si tu ne t'excuse pas, je veillerais à ce que le jeune maître soit mis au courant de ton attitude. Et je doute qu'il apprécie.

La menace me fait écarquiller les yeux. Il ne ferait quand même pas ça ?! Je ne veux pas qu'Aniki ait une mauvaise opinion de moi ni qu'il soit fâché contre moi.

- Non !
- Alors j'attends.

Contraint et forcé, je me tourne donc vers l'intrus et marmonne des excuses.

- Je n'entends rien Asahi.
- Je suis désolé ! dis-je à ce type énervant bien que je n'en pense pas un mot, avant de m'adresser de nouveau à mon père. Voilà tu es content maintenant ?!

Je lance à ce type un regard brûlant de haine et m'enfuis en courant vers ma chambre. Je le déteste ! Je le hais ! Et je vais tout faire pour qu'il débarrasse le plancher le plus vite possible !

Le petit chaton semble ne vraiment pas apprécier que je parle de son aniki. S'il avait des griffes sur ses patounes, il m'aurait sans doute déchiqueté, mais tout ce qu'il semble pouvoir faire c'est miauler… Adorable et amusant. L'envie de l'embêter encore est vraiment tentante, mais je ferais peut-être mieux d'en garder un peu pour plus tard, si j'insiste encore il risque d’exploser. Mais d'ailleurs, je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit qu'une voix autoritaire et menaçante se fait entendre, me faisant sursauter. Le bras droit de Shu, le père du chaton… Pensant qu'il allait s'énerver contre moi pour avoir embêté son fils, j'essaie de me faire oublier, mais au contraire il engueule son fils, me faisant halluciner. En tant qu'invité de son jeune maître il me considère comme plus important que son propre fils ? Mais… Pourquoi ? Et le chaton n'apprécie vraiment pas du tout de devoir s'excuser… Je crois qu'il me déteste vraiment. Est-ce que j'ai poussé la plaisanterie trop loin ?

Sous la contrainte, le jeune chaton finit par s'excuser de très mauvaise grâce, ça se voit comme le nez au milieu du visage qu'il n'en pense rien, mais il s'est quand même exécuté avant de s'enfuir, me laissant seul avec son père. Je le regarde s'enfuir, n'osant pas lever le regard vers son père, pas qu'il me fasse peur… Mais… Euh… Un peu si… Ou plutôt il m'impressionne. Me grattant le crâne, je cherche quoi lui dire, j'hésite, je bafouille même presque.

« Ano….. Bonjour monsieur… Je… Ce n'était pas la peine de l'engueuler tant que ça… Je… Je l'ai un peut titillé pour qu'il s'énerve… » Aaaah en ce moment j'irais bien m'enterrer pour ne plus me sentir aussi mal à l'aise…

- Mon fils a dépassé les bornes et il fallait que je lui fasse comprendre. Il savait parfaitement que parler sur ce ton à un invité du jeune maître, quelle que soit la raison, n'était pas tolérable.
- Les bornes de quoi ? fait alors la voix de Shu qui revenait de l'extérieur.

Le second se retourna et s'inclina profondément.

- Jeune maître, mon fils et votre invité se sont un peu... cherchés et le ton est monté d'une façon que je ne peux pas expliquer. Vous connaissez Asahi, il est d'un naturel calme et discret, mais aujourd'hui je ne sais pas ce qui lui a pris... lorsque je suis arrivé il hurlait sur Nao-san.

Le jeune homme écarquilla les yeux.

- Pardon ? Asahi hurlait ? Vous êtes sérieux ?
- Absolument.
- Wow... Alors là il faut que j'entende ça moi-même. Ne bougez pas d'ici tous les deux, je vais chercher Asahi.

Je fulmine tellement à la fois contre ce type et contre mon père, que je n'arrive même pas à rester assis sur mon lit ni à mon bureau. Mais du coup je sursaute comme un taré quand trois coups sont frappés à ma porte.

- Je veux voir personne !

Mais l'intrus non seulement insiste mais ouvre la porte. Ma protestation furieuse meurt sur mes lèvres lorsque le battant s'ouvre... sur Aniki.

- Aniki...
- Asahi, ça va ?
- Heu...
- J'ai croisé ton père, qui m'a dit que tu t'es pris la tête avec Nao.
- ...
- Venant de toi qui es si calme, ça m'a surpris. Tu veux bien me raconter ce qui s'est passé.
- ... Rien...
- Rien ?
- Presque rien.
- Asahi, depuis quand tu me cache des choses ?
- C'est que je... Je préférerais ne pas en parler, Aniki... C'est trop gênant...

Je me sens rougir, mais en même temps je ne me vois pas non plus lui expliquer la vraie raison de ma dispute avec ce Nao. LA, ce serait vraiment embarrassant.

- Bon allez viens avec moi, je vais demander à Nao de me raconter.
- Non !
- Asahi... me dit-il d'un ton menaçant.
- Aniki, s'il vous plait...
- J'ai dis, tu viens avec moi. Allez, passe devant.

Il vient de me donner un ordre, je ne peux plus refuser de le suivre, alors la mort dans l'âme, je passe de nouveau la porte pour retourner dans le couloir et me retrouve de nouveau devant mon père et ce type.

- Bon, maintenant qu'on est tous là, je voudrais des explications. Asahi ayant refusé de me raconter pourquoi vous vous balanciez des joyeusetés au visage, Nao, je compte sur toi pour tout me raconter.

Je sursaute en l'entendant et pose sur mon ennemi un regard suppliant. Je vous en prie, ne lui dites rien...

Le père du chaton semble être très sévère avec lui. Est-ce dû au fait qu'il ne soit que son fils adoptif et non son vrai fils ? Ou est-ce parce que Shu est le grand chef ici et qu'ils suivent tous aveuglément ses ordres et envies ? Pour que moi, un parfait inconnu passe avant son propre fils… Finalement peut-être que le chaton a raison, je ne connais pas Shu, et je me pose pas mal de questions à son sujet à force.

D'ailleurs une voix résonne soudain derrière moi, me faisant sursauter. Peut-être est-ce à cause de ma faiblesse due à la maladie, mais mon cœur semble avoir du mal à se calmer de cette surprise. Pourtant il me semble reconnaître la voix, en me retournant je reconnais bien Shu. Après un échange rapide avec son second sur le comportement du chaton, le voilà reparti. Il semble vouloir nous confronter. Pour quelle raison ? Etait-ce si mal de taquiner le mioche ? En attendant son retour, je n'ose pas regarder le second, ni même lui parler. Autant avec le chaton je me sentait bien, autant devant son père, je me sens hyper mal à l'aise et pas à ma place. Le silence pesant semblant vouloir s'éterniser, je cherche quoi dire pour le briser, mais le retour de Shu m'épargne ce désagrément.

Le chaton semble bouder encore plus qu'avant, mais face à son aniki, il n'ose pas dire un mot. A la question du jeune maître, le jeune chaton semble espérer que je ne le trahisse pas, son regard en est même suppliant. Alors son aniki ne doit absolument pas savoir qu'il en pince pour lui ? Que devrais-je faire ? Le sauver ou tout avouer au jeune maître ? Un sourire en coin, amusé, s'installe sur mes lèvres.

« Oh Shu… Disons que… Je trouvais qu'il ressemblait à un chaton adorable qui semblait vouloir me mordre… Alors je l'ai un peu taquiné et il a réagi encore plus que je ne le pensais. » Un petit rire m'échappe. Je sens que le chaton va hésiter entre s’énerver pour avoir dit qu'il était un chaton adorable, et me remercier pour ne pas avoir parlé de son aniki.

Un chaton adorable ? Moi ? Si je m'écoutais, ce Nao je le.. mais comme il vient de me sauver la mise et qu'il ne m'a pas trahi devant Aniki, disons que je vais temporairement oublier que je le déteste.

- Et bien c'est aussi surprenant d'un côté que de l'autre, dit Aniki en nous regardant alternativement Nao-san et moi. Mais j'espère que ça ne se reproduira pas trop souvent.
- Non Aniki, dis-je en baissant la tête.
- Bon. Et maintenant, si nous parlions de ta fête d'anniversaire ?

Je relève aussitôt la tête, les yeux brillants.

- Une fête ?! Vous voulez vraiment organiser une fête pour mon anniversaire, Aniki ?! fais-je dans un grand sourire, ravi qu'il ait eu cette idée pour moi.
- Evidemment, me répond-il en me tapotant la tête avec affection tout en me souriant tendrement comme il le fait souvent. Après tout c'est ton dernier anniversaire avant que tu devienne majeur. C'est important.

Je me plais à croire qu'il me voit comme son petit frère et sa façon de se comporter avec moi me conforte dans cette idée. C'est tout ce que je demande.
Si je m'étais écouté, je me serais précipité pour le serrer dans mes bras. Mais Aniki n'est pas très porté sur les effusions, alors je ne vais pas le faire.

- Merci Aniki, fais-je en me sentant rougir.
- Qu'est ce qui te ferait plaisir pour tes 19 ans ? me demande-t-il.
- Vous n'avez pas besoin de m'offrir quoi que ce soit Aniki.
- Tu m'as dis la même chose l'année dernière, celle d'avant, celle encore d'avant et la première année de ton arrivée ici. Cette année je ne céderais pas.

Il a dit ça sur le ton de la rigolade, mais je sais qu'il est sérieux. Mais de quoi j'ai envie ? Qu'est ce que je veux ? To-san et Aniki veillent sur moi et me donnent tout ce qu'il me faut, alors je n'ai besoin de rien. Du coup je ne sais pas quoi répondre.

- Je te laisse quelques jours pour réfléchir, mais tu sais que je n'oublie jamais rien.
- Oui Aniki.
- Bon. Alors j'ai commandé le buffet à un traiteur et tout le clan sera là, Nao inclus. Je t'aurais bien dis d'inviter tes amis mais...
- Mais vous savez que je n'ai pas d'amis. Et ça ne me dérange pas. Etre avec vous me suffit.

Par contre j'ai noté qu'il a aussi invité Nao-san. Ca ne m'enchante pas spécialement mais bon, aujourd'hui je vais faire comme si je ne le détestais pas.