Rencontre inattendue

Prenant son désormais petit ami par la main, Kaito entraîna celui-ci vers le petit immeuble où Koya et lui habitaient. Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent à la porte du hall, que le jeune homme ouvrit avec un pass, puis monta avec lui au premier étage, où il prévint Yukio que ce n'était pas un palace et qu'il ne devait pas faire attention au désordre, parce qu'ils n'avaient pas encore eu le temps de faire de rangement.
Il se dirigea vers la chambre de son jumeau et fit signe à son compagnon de le suivre. Il ouvrit l'armoire pleine de vêtements en tous genres, l'inspecta un instant, puis en sortit plusieurs costumes qu'il déposa sur le lit afin que son aîné l'aide à faire son choix. Après quelques minutes d'inspection, tous deux se décidèrent pour un costume gris perle très chic et une chemise blanche avec des chaussures de ville noires.
Sans perdre de temps, le plus jeune s'affaira à retirer ses vêtements pour enfiler ceux de son frère, puis il ouvrit deux boutons de la chemise pour être plus à l'aise et se tourna vers son petit ami pour quêter son avis. L'air ébahi de celui-ci lui paraissant plus parlant que n'importe quelles paroles, il s'estima satisfait et tous deux quittèrent l'appartement en direction du Papillon Rouge.
Un fois là, Yukio le laissa seul un instant afin d'aller parler à son chef, ce qui laissa à Kaito qui entrait pour la première fois dans un club d'hôte, tout le loisir d'observer la décoration. une chose était sûre, l'ambiance très traditionnelle des lieux était bien différente de celle, très flashy et bling-bling, qu'il imaginait. Pour un peu, il se serait presque cru à l'Ere Edo. Il en était là de ses réflexions lorsque Yukio revint lui annoncer que son responsable, Kato-san, allait le recevoir. Il lui emboîta le pas et pénétra dans un bureau de taille moyenne dans lequel un homme d'une cinquantaine d'année était assis.

- Bonsoir, Kato-san, le salua poliment le jeune homme.
- Bonsoir. Tu es Kaito-kun, c'est ça ? Yurio-kun m'a dit que tu souhaitais intégrer nos rangs.
- Oui absolument, répondit le jeune homme.
- Alors que peux-tu me dire sur toi pour me pousser à t'engager ?
- Je m'appelle Konami Kaito, j'ai presque 21 ans et je suis habitué à parler aux gens pour les séduire, lors je pense que je serais un très bon hôte.

L'homme observa un instant son jeune interlocuteur, puis réfléchit et hocha la tête :

- Et bien je suppose qu'un peu plus de sang neuf dans nos rangs ne serait pas un mal. Très bien, je t'engage à l'essai. Sous quel nom veux-tu travailler ? Ton vrai nom ou un pseudo ?
- Et bien... il y a encore peu de temps, les gens m'appelaient... Sky. Ca me convient.
- Sky ? C'est original. Très bien, Sky-kun, je te laisse visiter un peu le club. Tu reviendra ensuite me voir et je te donnerais un mentor qui t'apprendra le travail pendant quelques jours.
- Très bien. Merci de votre confiance, Kato-san, dit encore Kaito en s'inclinant, avant de sortir retrouver son petit ami pour lui faire part de la bonne nouvelle.

Tous deux firent un rapide tour des lieux : la grande salle, le bar, les chambres, les box privés... Tout ça dans le style traditionnel. Ils arrivèrent ensuite aux vestiaires où Yukio lui fit comprendre qu'il vaudrait mieux qu'il laisse plusieurs costumes d'avance. Déduisant qu'il allait devoir faire les courses pour se fournir en la matière, Kaito hocha la tête.
Au moment où ils allaient quitter les vestiaires, la porte de ceux-ci s'ouvrit et Sora entra dans la pièce. Stupéfait, l'aîné de la fratrie Konami s'immobilisa et fixa son frère cadet sans oser y croire.

- Kaito ? C'est bien toi ? demanda-t-il, incertain bien qu'il l'ait reconnu.

N'ayant plus entendu cette voix depuis cinq ans, l'interpellé se figea et fixa son frère, halluciné.

-Sora nii-chan... murmura-t-il simplement.

Remarquant alors l'air stupéfait de son jeune collègue, Sora reprit à son adresse :

- Ne sois pas si surprit, Yukio-kun. En effet, Kaito est l'un de mes frères cadets. Mais j'avoue que je ne m'explique pas comment il se fait que je le retrouve à Kyoto et plus encore ici, dans ce club.

Reprenant brusquement le contrôle que la brusque apparition fraternelle lui avait fait perdre, Kaito décida de tout simplement l'ignorer et fit signe à son petit ami de le suivre, passant à côté de Sora comme s'il ne s'était pas trouvé là.
Revenu de sa surprise, le plus âgé se retourna et rattrapa son frère par le bras.

- Kaito attends, lui dit-il. Je pense avoir le droit de savoir...

La réaction fut immédiate et plus violente que Sora ne l'aurait jamais imaginée. Ni même que Kaito lui-même ne l'aurait jamais imaginée.

- TU N'AS AUCUN DROIT DE RIEN ! cria-t-il, furieux. Quel droit tu aurais alors que tu nous a juste abandonnés Koya, Kanon et moi sans te préoccuper de ce qu'on devenait ?! Tu n'as pas la moindre idée de ce que j'ai souffert, de ce que Koya a souffert et souffre encore aujourd'hui ! C'est ta faute s'il est devenu comme ça ! Je te hais ! Je te hais tellement ! ajouta-t-il alors que de grosses larmes de souffrance roulaient sur ses joues, avant de prendre la fuite.

Cette journée avait été la meilleure que Yukio avait passée jusqu'à maintenant. Ce moment au karaoke avait été magique, bien qu'ils n'aient pas chanté. Mais au final ça avait été encore bien mieux, il avait à présent un petit-ami. Même s'il ne réalisait pas encore pleinement ce que cela signifiait concrètement, c'est tout guilleret qu'il le suivait, sa main au creux de celle de Kaito. Souriant encore plus chaleureusement qu'habituellement, il était à la fois excité et intimidé de se dire qu'il allait voir où habitait son Kaikai.

Ils y arrivèrent rapidement et Kaito l'entraina dans ce qui était à priori la chambre de son frère. Bien qu'un peu déçu de ne pas voir la chambre de Kai, Yukio observa bien les lieux, aidant le plus jeune à choisir sa tenue. Il ne put s'empêcher de rougir lorsque Kaito se déshabilla pour se changer, mais n'en perdit pas une miette, le trouvant drôlement beau… Et dans son costume… il était la classe incarnée. Il aurait pu passer des heures à le regarder, mais il était temps d'aller au club s'il voulait pouvoir présenter Kai au boss.

Arrivé au club, le jeune hôte laissa son petit-ami dans la salle principale afin d'aller voir le chef. Il espérait qu'il accepterait au moins de le rencontrer. Frappant à la porte, il attendit d'en recevoir l'autorisation pour entrer.

« Yurio-kun… Bonjour mon grand… »
« Bonjour chef » Le salua-t-il avec un enthousiasme plus fort que d'habitude.
« Et bien, tu m'as l'air bien joyeux… Que t'arrive-t-il donc ? »
« Oh… Euh… J'ai… Un petit-ami ! » Ne pût-il s’empêcher d'annoncer.
« Haha… Je suis ravi pour toi. C'est quelqu'un de bien au moins ? »
« Oh oui, bien sûr… D'ailleurs il est là ce soir… Il cherche du travail et m'a demandé si… Peut-être… Il pourrait peut-être travailler ici… Comme hôte… » Hésita Yukio sur la fin.
« Tu crois qu'il serait un bon hôte ? »
« Oui bien-sûr… Il est beau et parle bien… Je suis sûr qu'il se débrouillera bien… »
« Haha… Et comment s'appelle cette perle rare ? »
« Il s'appelle Kaito. »
« D'accord… Je vais le recevoir. Va le chercher… Et Yurio-kun… Pas de bêtises dans les coins sombres hein… Hahaha »

Alors que le patron éclatai de rire, Yukio s'échappa, ses joues étant devenues rouges écarlates. Il parvint tout de même à retrouver une couleur presque normale lorsqu'il rejoignit Kaito. Il l'emmena alors voir le boss, lui expliquant que Kato-san acceptait de le recevoir pour un entretien. Il resta ensuite dans le fond du bureau pendant que son petit-ami passait entre les griffes du patron. Une fois l'entretien terminé, et Kaito embauché au moins à l'essai, Yukio l'entraina joyeusement faire le tour du club, lui détaillant les différents endroits. Ils finirent par les vestiaires, lui montrant son casier, ainsi que celui qui allait être celui de Kai, lui expliquant qu'il laissait toujours plusieurs costumes ici,  pour s'il venait sans se changer avant, ou si un accident arrivait en soirée il devait pouvoir se changer également.

En sortant des vestiaires, ils tombèrent sur son sempai, celui qui l’avait fait commencer ce métier. Avec enthousiasme, il le salua. « Oh… Bonjour Sora-Sempai… » Il allait continuer mais l'ambiance soudain refroidie le figea sur place. Hein ? Ils se connaissaient ? Nii-chan ??? Quoi ? Sora-sempai était le frère de Kaito ??? Vraiment ? C’était une sacrée surprise, heureuse pensa-t-il… Mais Kaito ne sembla pas penser pareil vu qu'il passa à côté de l'hôte en l'ignorant.

« Kaito… ? »

La réaction plus que violente de Kaito choqua Yukio qui en resta interdit, alors qu'il comprenait enfin la cause de cette blessure qu'il avait perçue au fond de son cœur. Voir soudain les larmes couler sur les joues de son petit-ami lui creva le cœur. Il sentit une douleur fulgurante lui lacérer le cœur. Alors que Sora semblait choqué et vouloir lui parler, Yukio le devança.

« Désolé sempai… Je pense que tu devrais… lui laisser du temps… »

Il parti alors en courant à la poursuite de Kaito, il parvint à le rattraper dans un box privatif. Dès qu’il fut à sa portée, il le serra dans ses bras, aussi fort qu'il put pour lui montrer sa présence et tenter de le calmer.

« Kaito… Je suis là… Tu n'es pas seul… Calme toi… Ca ira… »

Il continua ainsi aussi longtemps que Kaito ne se calmait pas, les yeux embués de larmes lui aussi.

Pourquoi... Pourquoi parmi tous les clubs que comptait Kyoto avait-il fallu qu'il soit engagé dans celui où travaillait son frère ?! Son frère qui était hôte et depuis longtemps apparemment puisque Yukio l'appelait déjà sempai ! Il ne savait même pas ça... Il était à la fois fou de chagrin et de colère et cet état émotionnel plus qu'instable se traduisait par ces fichues larmes qu'il n'arrivait ni à arrêter, ni à contrôler. Et le fait de sentir Yukio contre lui, lui murmurant des paroles de réconfort et des mots doux, augmenta encore son chagrin au lieu de l'apaiser et pourtant son petit ami n'était pour rien dans sa détresse.
Après un temps qui lui sembla infini, il arriva pourtant à se calmer et essuya rageusement ses yeux d'où perlaient encore quelques larmes.

- Désolé d'avoir craqué comme ça, dit-il à son compagnon. C'est totalement ridicule. Je ne peux pas me laisser déstabiliser par la présence ici de ce... type. J'espère juste que c'est pas lui que le boss a l'intention de me filer comme mentor, sinon je resterais pas. J'ai aucune envie de le côtoyer de près ni de loin et encore moins de lui parler.

Yukio n'avait pas trop compris ce qu'il s'était passé, sauf que Sora semblait être le grand frère de son Kaikai, et que Kaikai souffrait à cause de lui. Cette douleur devait vraiment très profonde pour arriver à le mettre dans cet état. S'il se rappelait bien les paroles qu'il avait crachées à son frère, il les avait abandonnés, sans un mot, sans une nouvelle, depuis plusieurs années. Le jeune hôte avait du mal à imaginer comment on pouvait ne pas donner ou prendre de nouvelles à ses proches pendant des années. Il avait du mal à s'imaginer le chagrin que Kai pouvait ressentir d'avoir été abandonné, surtout pour le retrouver ainsi dans un club, guilleret, menant une vie tranquille, sans eux.

Il avait tant de questions à lui poser, mais ce n'était pas le bon moment pour ca. Pour l'instant, il fallait que Kai se calme. Yukio se demandait si sa présence l'aidait vraiment, Kaito semblait pleurer et souffrir de plus en plus. Mais il était incapable de le laisser, alors il se contentait de le serrer un peu plus contre lui, de le bercer, en tentant de le réconforter. Lorsqu'il se calma enfin, Yu se sentit soulagé.

« Ne sois pas désolé… Tu as le droit de craquer, tu n'as pas besoin de jouer les durs avec moi… Ce n'est pas ridicule tu sais… C'est normal de se sentir troublé par la présence de quelqu'un qui comptait pour toi et que tu n'as pas vu depuis si longtemps. Même si tu dis que tu le hais, je suis sûr que tu voudrais savoir pourquoi il est parti… Mais en même temps tu as peur de savoir… Laisse du temps à ton cœur d'appréhender son retour… Peut-être qu'un jour, tu parviendras à lui parler… » Yukio se demandait si ses paroles étaient celles que voulait entendre Kai, ou s'il pensait qu'il se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Il espérait cependant qu'il parviendrait å apaiser un peu sa douleur. « Il suffira de demander au boss de te donner un autre mentor. Il est plutôt gentil, il comprendra… » Continua-t-il en disant que ce n'était pas le moment de l’informer que Sora était son mentor à lui, ni qu'il était celui l'avait entraîné dans ce travail.

Encore sous le choc malgré une tentative de reprise de contrôle de lui-même, Kaito se tourna vers son petit ami qui tentait de le raisonner et, l'enlaçant, lui caressa la joue :

- Yu'... ce que tu dis n'est pas faux d'un certain point de vue... mais en fait tu es tellement doux et gentil que tu ne peux pas comprendre la haine profonde que j'éprouve réellement pour ce type. Il n'est plus rien pour moi, à part ce que je ne peux malheureusement pas empêcher ici : un collègue. Et honnêtement, je ne sais pas si j'ai envie que Koya sache ou ignore que je l'ai revu. Je ne sais pas quelle serait sa réaction s'il retombait sur lui aussi brusquement que moi. Cette éventualité me fait peur en fait.

Le jeune homme se tut et serra plus fort son compagnon contre lui, le front posé sur son épaule. Il se sentait idiot de laisser cet homme le perturber comme ça. Ce n'était pas lui, cette réaction de fillette. Il devait se ressaisir et vite. Un homme, un vrai, ne pleure pas et ne s'émeut pas pour des bêtises de ce genre.

- Bon, je pense que tu en avais terminé avec la visite du club, alors on peut retourner voir le boss pour lui demander de me désigner un tuteur qui ne soit pas "lui".

Et sur ces mots, il prit la main de son aîné et l'entraîna vers le bureau d'un pas si fier que personne n'aurait cru en le voyant qu'il venait de craquer comme une fillette.

Kaito avait beau dire qu'il haïssait son frère, Yukio avait bien senti dans sa détresse qu'en fait il lui manquait énormément. Mais peut-être ne le savait-il pas lui-même, ou plutôt refusait-il de s'en rendre compte. La seule chose que le jeune hôte pouvait faire pour le moment, c'était de lui montrer qu'il était là pour lui et qu'il le soutenait, un jour il lui parlerait peut-être de son frère, de ce qu'il s'était passé et de ce qu'il ressentait vraiment au fond de lui.

« Pour éviter à ton jumeau d'avoir le même choc que toi en voyant votre frère, tu devrais le préparer subtilement à la possibilité de le revoir. Il risque de le croiser, à présent que tu travailles ici. »

Yukio sentait encore la détresse de son compagnon et il le garda serré contre lui jusqu'à ce qu'il se reprenne. Un sourire encourageant sur les lèvres, il le suivit, main dans la main, lorsqu'ils prirent le chemin du bureau du boss.

« Oui fini… Allons voir le chef. Je me demande qui sera son mentor. J'espère que tu t'entendras bien avec lui. Oh et après, il sera peut-être temps que j'ailles me préparer. Et ensuite… ce sera ta première soirée en tant qu'hôte. »

Yukio vola un baiser à son compagnon avant de frapper à la porte du boss.

Préparer Koya... L'idée avait du bon mais le problème de conscience qui se posait à Kaito était de savoir si lui-même voulait qu'il le voit (ce qui pourrait lui faire abandonner ses mauvais penchants nés de l'éloignement de Sora) ou pas (ce qui le ferait rester tel qu'il était actuellement, mais permettrait qu'ils ne soient pas obligés de le voir réellement). Et puis surtout... que dirait-il à son jumeau pour l'amener doucement vers le fait que 1) leur aîné était hôte et 2) travaillait dans le même club gay que lui et que donc 3) il serait susceptible de le voir dès qu'il déciderait de lui rendre visite à lui ? Et si jamais ces faits ne le décourageaient pas de venir, comment réagirait-il, lui qui n'avait toujours eu pour souhait que de renouer avec leur aîné et de trouver un petit ami qui lui ressemble comme un clone (ce qui était impossible, il aurait fallut qu'il existe quelque part un sosie de leur frère en tout point semblable) ? A son sens, il ne pouvait avoir que deux réactions : se figer, incrédule, puis pleurer de joie et lui sauter dans les bras ou bien (et à son avis cette seconde hypothèse était la plus probable) se figer, le fixer comme s'il était une hallucination, croire que s'en était une et passer son chemin. Sauf que... si lui-même avait hurlé sur Sora lorsque celui-ci avait tenté de renouer le dialogue, Kaito était prêt à parier qu'il n'en serait pas de même pour Koya. Il connaissait assez son jumeau pour savoir que son admiration sans borne pour leur frère lui feraient oublier toutes ces années d'abandon et de souffrance et qu'il lui restituerait quasi intact son amour fraternel. Mais tout ça... il n'en serait certain que s'il se décidait à révéler à Koya ce qu'il avait découvert ce soir.
Soupirant à fendre l'âme, il se reprit aussitôt et sourit à son compagnon avant de frapper à la porte du bureau patronal.

- Entrez ! fit la voix de Kato-san. Ah Sky-kun, ajouta-t-il en voyant réapparaître sa nouvelle recrue. Ca y est, Yurio-kun t'as fait faire le tour ?
- Oui, en détails, sourit le jeune homme.
- Parfait. Vous n'en avez pas trop profité j'espère...
- Pas au travail, monsieur.

La phrase fit rire le quinquagénaire.

- Tu es sérieux, c'est un bon point pour toi, mon garçon. Bien, il faut maintenant que je te trouve un mentor. Sans être désobligeant pour ton petit ami, il est trop nouveau dans le métier pour pouvoir te coacher correctement.
- Je m'en doute, monsieur.

Le regard de l'homme se posa sur le grand tableau accroché au mur, qui montrait le portraits de tous les hôtes du club et, craignant que son choix ne se porte sur son frère, Kaito reprit la parole :

- J'ai une requête, monsieur.
- Laquelle ? demanda les responsable, étonné.
- J'accepterais qui vous voulez... sauf Sora... -san, s'obligea-t-il à terminer pour ne pas paraître impoli.
- Ah ? Et pourquoi donc ? Sora-kun est le meilleur ici et il a déjà cinq ans d'expérience. Il serait un mentor parfait.
- Pour être honnête... Sora est mon frère aîné et nous sommes extrêmement en froid depuis des années, alors je ne pense pas que j'arriverais à rester professionnel à ses côtés.

La stupeur se peignit sur le visage de Kato-san, qui considéra plus en détails le jeune visage qui lui faisait face.

- Maintenant que tu le dis... certains de vos traits sont semblables. Mais comment se fait-il que tu aie postulé ici si sa vue même t'es insupportable ? C'est plutôt curieux.
- J'ignorais qu'il travaillait ici. Pour être exact, j'ignorais tout de lui depuis cinq ans.
- Ah... Je vois... Et bien... tu me mets dans une position bien désagréable, mon garçon. Mêler les histoires de famille au travail n'est jamais bon et je ne me séparerais pas de Sora-kun qui...
- Je ne vous le demande pas. Je... Je peux très bien l'ignorer. Je vous en prie, j'ai besoin de ce travail...

Le patron observa encore le jeune homme qui lui faisait face et soupira en se demandant comment réagirait le nouveau grand patron lorsqu'il apprendrait (et il l'apprendrait très certainement) que l'un des jeunes frères de son petit ami travaillait désormais dans le club et qu'il ne s'entendait absolument pas avec lui.

- Très bien, Sky-kun, je te garde donc à l'essai comme je te le disais tout à l'heure. Mais à la moindre incartade concernant Sora-kun, tu devras partir. Tu seras sous l'aile de Tenshi-kun pendant quelques soirées. Je vais le faire appeler. Assieds-toi pour le moment.
- Merci beaucoup, monsieur, dit alors respectueusement Kaito en s'inclinant, avant de prendre place sur le siège.

Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit sur un homme de taille moyenne dont les traits encadrés de longs cheveux d'un roux flamboyants étaient si fins et délicats qu'il aurait pu croire que c'était une femme s'il n'avait pas su le club gay. Si c'était lui Tenshi, il ressemblait furieusement à ce qu'induisait son pseudo. Ce qui était très probablement fait exprès.

- Tenshi-kun, je te présente Sky-kun que je viens d'engager à l'essai. Je compte sur toi pour lui apprendre tout ce que tu sais.
- Oh. Très bien patron, dit l'apparition d'une voix douce, avant de lui sourire : Bonsoir Sky-kun. Enchanté.
- Moi aussi.
- Viens, on va avoir besoin d'un bon moment avant que tu sois à peu près opérationnel. Au moins tu es beau garçon, ça devrait plaire aux clients.

Kaito se contenta de sourire et s'inclina devant leur patron, avant d'emboîter le pas à son désormais mentor. Ouf, son culot avait payé, il avait échappé à Sora.

A la fermeture du club, aux environs de six heures du matin, le jeune hôte avait vu et entendu tellement de choses et il avait tellement du se concentrer pour les mémoriser, que tout le reste avait quitté son esprit. Ce fut donc presque avec étonnement qu'il se rendit compte que son petit ami l'attendait pour partir.

- Ah désolé Yu', j'ai été un peu long mais j'ai l'impression que ma tête va exploser tellement j'ai du retenir de trucs. Et c'était que la première soirée. J'ose même pas imaginer les suivantes, ni quand je prendrais mon premier client. (il rit, puis sourit) Comment s'est passé ta soirée ? Tu as été désigné ? Les clients ont été cools avec toi j'espère. En tout cas, Tenshi-kun est vraiment cool.

Et sur ce, il se mit à lui raconter avec enthousiasme ce qu'il avait vu et entendu, ajoutant même quelques anecdotes qui lui avaient semblé amusantes.

- Ah tu dois me trouver rasoir, tu le sais déjà tout ça, désolé.

Yukio s'inquiétait pour son petit-ami. L'avoir vu si triste et désemparé avait été un choc pour lui, même s'il avait déjà retrouvé son armure de fierté infranchissable. Pour tout le monde, Kaito était fort, inébranlable, il ne se laissait pas perturber par ce genre de contrariétés. Mais le jeune hôte l'avait vu craquer et à présent il n'arrivait plus à se calmer, alors qu'il le laissa devant le bureau du boss pour aller se préparer. Il espérait que tout s'était bien passé, même s'il savait que le boss était quelqu'un de compréhensif.

Habillé d'un costume blanc, d'une chemise de satin noire, dont deux boutons étaient ouverts, son cou agrémenté de quelques colliers, Yukio sortit des vestiaires pour se rendre à son poste, attendant son premier client. Un peu plus loin, il aperçut son doudou accompagné de Tenshi, l'un des meilleurs hôtes du club. Il aurait bien aimé être son mentor afin de pouvoir passer la soirée avec lui, mais il devait se rendre à l'évidence qu'il était encore trop débutant pour ça. D'ailleurs ce fait se vérifia lors de cette soirée.

Yukio s'inquiétait tellement pour Kaito qu'il enchaîna les erreurs avec les différents clients. De petites erreurs de débutants qui amusèrent plutôt les clients, et voir ce petit hôte ingénu et innocent tout gêné, ils adoraient. Il s'inquiétait du fait que Kai puisse craquer pendant la soirée alors qu'il ne pourrait pas aller le consoler, mais il s'inquiétait aussi de le voir avec Tenshi, entourés d'hommes qui les regardaient avec tant d'envie. Mais cette inquiétude là, il ne la comprenait pas trop, et c'était plus une sorte d'agacement que de l’inquiétude.

Le jeune hôte avait eu plusieurs clients dans la soirée, mais la fatigue se faisait de plus en plus sentir puisqu'il n'avait presque pas dormi la nuit précédente, trop obnubilé par sa rencontre avec Kai. Les clients se faisant plus rares, il eut l'autorisation de quitter la salle et de rentrer s'il le voulait, ou au moins de se reposer. Plutôt que de rentrer, il préféra rester dans la salle de repos, installé sur un des canapés, pour attendre son petit-ami. Il était si confortable qu'il s'endormit rapidement, se réveillant en sursaut lorsque Kai entra et lui parla. Il lui raconta sa soirée et Yukio eut toutes les peines du monde à suivre, ne captant qu'un mot sur deux.

« Tu as l'air de t'être bien amusé c'est bien. » Répondit-il avec un sourire fatigué. « Ma soirée a été… sympa… Heureusement que mes clients étaient sympas… » Continua-t-il l dans un petit rire gêné en repensant à toutes ses bêtises, avant d'étouffer un bâillement.

L'air fatigué et le bâillement de son petit ami n'échappèrent pas à Kaito, qui s'excusa :

- Ah désolé, t'es crevé et je te soûle de paroles. Il vaudrait mieux rentrer, je pense qu'on a besoin de sommeil tous les deux, la journée a été très longue aussi bien pour toi que pour moi, dit-il. Viens.

Tous deux quittèrent le club main dans la main mais, après quelques centaines de mètres en direction du métro, le plus jeune se rendit compte que son aîné ne marchait pas droit et que ses yeux se fermaient à intervalles réguliers alors, craignant un accident, il s'immobilisa, puis s'accroupit pour faire monter son compagnon sur son dos malgré ses protestations. Il se releva ensuite tant bien que mal en amarrant solidement son chargement avec  ses bras, puis décida que le plus simple était de les ramener à l'appartement qu'il partageait avec Koya. Là, il n'avait aucune envie de chercher où vivait son compagnon, il était bien trop fatigué pour ça.
Après un temps qui lui sembla infini, il finit par arriver chez lui avec sur son dos un Yukio qui s'était endormi et ouvrit la porte au moment où Koya sortait pour partir à la fac.

- Oh Kai, tu rentre vachement... commença l'étudiant, avant d'ajouter dans un sourire en coin : Ah ouais d'accord. Et bah tu t'embête pas avec la petite friandise. Fais gaffe quand même, à force tu vas tomber amoureux pour de bon.
- C'est déjà fait, marmonna Kaito. Bon, tu me laisse passer, je voudrais bien le déposer, il est pas si léger que ça.
- Je vois, répondit Koya en réprimant un "je te l'avais bien dit". Bah... Repose-toi, t'as l'air crevé. Faudra que tu me raconte tout hein.
- Ouais ouais on verra ça.
- Allez ciao frangin.

Koya descendit l'escalier et Kaito dont les jambes commençaient à le lâcher, alla déposer son précieux fardeau dans son propre lit heureusement prévu pour deux personnes, avant de se laisser tomber près de lui et de l'enlacer.

- Bonne nuit Yu', marmonna-t-il avant de sombrer à son tour dans le sommeil.